Souvenir du passé

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Derrière les fenêtres, la pluie tombe sans discontinuer et le vent hurle dans les arbres. On a eu la chance d'avoir une matinée ensoleillée mais encore une fois, le ciel n'a pas raté  l'occasion de nous rappeler qu'on habite en Bretagne et que si l'on veut une journée sans nuages, on ferait mieux d'aller vivre dans le sud.

Il doit être autour de quatre heures. Peut être cinq. Le temps est passé tellement vite. Avec la pluie battante, Gwen ne pouvait pas vraiment envisager de rentrer en traversant la lande (évidemment, sur Tevenn Noz on ne connaît pas les transports en commun) et elle a donc passé l'après-midi ici.

Après notre dispute puérile, j'ai cuisiné des macaronis au fromage et on les a mangées en regardant stranger things (je  l'ai appelée Madmax tout l'après midi à cause de ses cheveux roux similaires à ceux du personnage de la série).

On a fait des cookies au beurre de cacahuète qui ont brûlé (ne lui répétez pas mais Gwen est une cuisinière catastrophique), plein de parties de Mario Kart et elle m'a aidé à finir un devoir de maths (ça rattrape les cookies j'avoue).

En un mot, j'ai tout fait sauf ce que j'avais prévu de faire. Je comptais profiter de cette entrevue pour me lancer dans un numéro de bad boy brisé et ultra sensible destiné à faire craquer Gwen mais je n'ai pas pu me résoudre à casser l'ambiance.

On a pas vraiment eu beaucoup l'occasion de se parler seul à seul ou simplement de faire des trucs à deux. En fait, les seuls contacts que j'ai eu avec Gwen jusqu'à aujourd'hui se résument à la raccompagner chez elle après les entrainements et à venir avec elle certains jours (sa mère n'aime pas qu'elle prenne le bateau toute seul à 6h du matin quand il fait encore nuit et c'est une de ces matinées-là qu'elle m'a montré la photo de tacos pendant que Gwen se préparait).

Pas facile de séduire une fille qui n'est pas dans le même lycée que vous et se dérobe à toutes les tentatives visant à l'approcher pas vrai ? Sans compter que pendant les vacances d'été, le seul moment où j'avais une chance de me rapprocher d'elle, ma mère m'a envoyé chez ma grand-mère dans les Alpes.

Bref, je veux juste te dire que cette fille n'est pas aussi bizarre que ce que je craignais. Plutôt sympa même (Ne croyez pas que je dis ça parce que je commence à ressentir des trucs pour elle ou quoi hein ! C'est juste que c'est plus agréable d'être obligé de se rapprocher d'une personne intelligente et sensible et drôle et belle et... Que de quelqu'un qui est tout le contraire pas vrai ?)

Bref, à présent, je suis assis dans le canapé, à attendre que Gwen revienne de la salle de bain (elle s'est coupée en faisant la pâte à cookie). Pendant qu'elle se fait un pansement, je décide d'aller dans ma chambre pour retrouver mon DVD du seigneur des anneaux (on veut le regarder ce soir avec ma mère mais je ne sais plus où il est).

Je fouille dans mes tiroirs et fini par tomber sur une feuille roulée en boule. Curieux, je l'ouvre et mon coeur s'arrête de battre quelques secondes. "Ma chère femme, mon cher fils..." Les mots imprimés sur le papier me marquent comme du fer rouge.

La lettre d'adieu de mon père. J'étais pourtant sûr de l'avoir jetée ! Comment s'est elle retrouvée dans ce tiroir ? Pourquoi faut-il que je tombe dessus maintenant alors que je me sens si bien ?

J'essaie de résister à la vague de mauvais souvenirs qui déferle sur moi pourtant il est déjà trop tard. Cette foutue lettre à rouvert une blessure que je pensais cicatrisée depuis longtemps.

Je voudrais me lever, retourner dans le salon et continuer à faire semblant devant Gwen mais d'un coup, je sens que tout cela est au dessus de mes forces. Je respire profondément pour reprendre le contrôle de mes émotions. "1,2,3 respire tu es plus fort que ça. 1,2,3 respire ça va aller. 1,2,3 ..."
- Tanguy ? Gwen se tient dans l'encadrement de la porte et me dévisage d'un air inquiet. Et mince, j'avais complétement oublié sa présence. Est ce que tout vas bien ?
- Je... - Dis lui que ça va. Dis lui que ça va ! - T'en fais pas... Je vais m'en sortir. On se refait un Mario ?

J'appuie mes paroles rassurantes d'un sourire que j'espère être le plus convaincant possible mais je vois bien que Gwen ne s'y laisse pas prendre. Et mince. On dirait que j'ai vraiment eu tord de sous-estimer cette fille.

Avant que j'ai le temps de dire quoi que ce soit, elle entre dans la pièce, s'assied à côté de moi sur le lit et... Me prend dans ses bras. Au début, je reste paralysé par la surprise et me pose sérieusement des questions sur sa santé mentale (je ne sais pas si vous vous rappelez mais il y a quelques heures, même le fait de se tenir la main était trop pour elle). Je finis par me décrisper et m'abandonne à cette étreinte rassurante.

Je ferme les yeux et respire l'odeur de son shampooing au ... chamallow ? Mais qui a un shampoing au chamallow sérieux ? Et pourquoi je pense à ça maintenant moi?  Je me sens beaucoup mieux. Peu à peu, ma respiration s'apaise, la douleur reflue et le poids qui m'écrasait la poitrine diminue.

Quand Gwen fini par s'écarter, je suis à nouveau calme et complètement apaisé.
- Je te devais bien ça pas vrai ? - Je vois à ses joues légèrement rouge qu'elle est quand même un peu gênée - On est pas obligés d'en parler, fais comme tu le sens .

Je suis soulagé qu'elle se montre aussi compréhensive. Je vais probablement arriver à renverser la situation grâce à quelques vannes pas drôles et, dans quelques heures, ce sera comme si tout ça n'était jamais arrivé.

- Mais... Tanguy ?
- Oui ? Et mince. Je sens que ça va pas me plaire.
- Je suis bien placée pour savoir que se confier à quelqu'un peut être très dur et surtout... Vraiment vraiment vraiment effrayant mais je sais aussi que vivre avec toute cette douleur c'est... Encore plus dur . - J'essaye de dire quelque chose mais elle ne m'en laisse pas le temps. - Encore une fois, je ne te force à rien.  Je veux juste que tu saches que si tu sens que c'est le bon moment il ne faut pas le laisser passer.
- Je... - J'essaie de garder mon calme mais mon ton est plus sec que ce que je ne voudrais - C'est très gentil à toi d'essayer de me donner des conseils mais sincèrement, je crois que je n'ai aucune leçon à recevoir de toi dans ce domaine.

Une larme roule sur sa joue et je me maudis intérieurement en me disant que ce n'est pas en la faisant pleurer que je réussirai mon coup. À moins que cette sensation de malaise soit de la culpabilité parce que je me suis attaché à elle ? C'est stupide je ne sais même pas pourquoi j'ai pensé ça.

- Gwen je... Je suis vraiment désolé je ne voulais pas te blesser...
- Écoute ... - Elle essuie les larmes qui roulent sur son visage avec sa manche. Tu as raison, je n'ai jamais eu le courage de me confier à quelqu'un. Je ne sais pas si j'y arriverai un jour  mais si c'est le cas, je veux que tu saches que tu es la seule personne en qui j'ai assez confiance pour cela. Ne me dit rien si tu n'en as pas envie mais si tu pense que c'est le bon moment alors je... Tu peux compter sur moi.

J'ouvre la bouche pour lui sortir l'histoire bidon de petite soeur morte d'un cancer que j'ai préparée mais je croise ses yeux bleus océans pleins de larmes. Des yeux qui me disent "tu peux me faire confiance". Des yeux si innocents et si bienveillants en même temps. Et c'est horrible parce que je veux lui mentir. Je veux réussir à la regarder en face en n'étant pas honnête avec elle. Sauf que je ne peux pas. Je voudrais mais sans que je sache pourquoi je n'y arrive pas. Alors je dis simplement la vérité.

Coucou tout le monde ! (Ou plutôt la personne qui prend la peine de lire mon histoire mal écrite et que je remercie). Je n'ai pas grand chose à dire mais j'espère que vous apprécierez ce chapitre ! 🍈🚣🚝🎬🧦🔼😁

Ombre sur les falaises [En Pause]Where stories live. Discover now