Choc électrique

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Comme aucune  de nous deux ne bouge, mademoiselle Gauthier décide de faire elle-même les présentations. Elle demande à la fille de se lever pour venir vers moi et nous permettre de "faire connaissance".

Comme elle se rapproche, je peux enfin l'observer en détail (je n'ai pas vraiment eu l'occasion de le faire ce matin étant donné que je terminais ma nuit). Elle est plutôt de taille moyenne avec des tâches de rousseur sur le nez et un bonnet enfoncé sur la tête. Deux mèches couleur de jais encadrent son visage et le reste de sa chevelure retombe souplement à la hauteur de ses épaules.

- Allez les filles ! Ne soyez pas timides ! Et toi, Maya, arrête de te comporter comme si on te conduisait jusqu'à l'échafaud et lève un peu la tête !

La nouvelle (Maya à ce qu'il paraît) décolle ses yeux du sol à contre cœur, se rapproche de moi et tourne son regard vers Mademoiselle Gautier avec une moue ironique :

- Ok, c'est quoi le délire là ? Elle a une voix étonnamment rauque et, sans que je ne sache pourquoi, je sens des frissons parcourir ma peau .
-Maya ! Mets y un peu du tien ! Je sais que ce n'est pas facile pour toi mais ce n'est pas pour ça que tu es dispensée de suivre les règles élémentaires de politesse ! La réprimande notre psychologue en fronçant les sourcils.

Elle soupire en marmonnant des paroles incompréhensibles avant de débiter d'un ton sarcastique :
- Je m'appelle Maya Sinclaire et j'ai très envie d'être ton amie -Je vois le visage de madame Gautier s'illuminer à ses paroles mais c'est sans compter sur le caractère insolent de ma camarade - Si tu es ici c'est que tu dois avoir une belle vie de merde toi aussi. On a qu'à monter un club !

La psychologue se frappe le front de sa main en signe de résignation profonde tandis que Maya affiche un sourire victorieux. Je sais qu'elle attend une réponse, au moins que je lui dise mon nom ou un truc comme ça mais comme toujours, aucun son ne franchit la barrière de mes lèvres.

Mademoiselle Gauthier semble voir que je suis mal à l'aise puisqu'elle s'empresse d'expliquer la situation à la nouvelle qui me dévisage à present d'un air perplexe :
- Hum... Maya, voici donc Jenny O'Brian. Elle ne parle pas mais ça ne fait pas d'elle quelqu'un de stupide ou d'arriéré ou d'inintéressant compris ? - Merci je me sens encore plus mal maintenant -.

- Je sais. En général les gens qui parle le plus sont ceux qui disent le plus de conneries et de toute façon moi non plus je n'aime pas faire la conversation.

Je lève les yeux vers elle, ne croyant pas les paroles venant de sortir de sa bouche. Venant de sa part, je m'attendais à un commentaire sarcastique ou tout du moins à un air méprisant mais ce sont en fait les mots les plus compréhensifs auxquels j'ai eu le droit depuis un an.

Maya lève à son tour son visage dans ma direction je croise le regard de cette fille étrange qui semble ne jamais rien faire comme les autres. Aussitôt, j'ai l'impression de me perdre dans un océan d'étoiles.

Je ne sais pas pourquoi ses yeux me font un tel effet. Ils sont marrons mais pas du marron banal que l'on croise chez la plupart des gens. Leur couleur est plutôt un mélange  entre le caramel, le chocolat fondu et l'écorce des jeunes arbres. Ils ont aussi cette espèce de lueur pétillante qui donne l'impression d'observer un ciel étoilé.

Après le comportement précédent de Maya, je m'attendais à une lueur de malice ou en tout cas, à une certaine dose de sarcasme dans ce regard mais derrière ces prunelles étoilées, je ne discerne rien d'autre que du vide et du désespoir. J'ai l'impression de voir mes yeux dans le miroir...

J'ignore combien de temps nous restons comme ça, chacune complètement perdue dans le regard de l'autre, un sentiment étrange que je ne saurais nommer se répendant peu à peu dans mon estomac. Je finis malgré tout par sentir mes joues devenir brûlantes et je romps le contact visuel, atrocement gênée.

Mademoiselle Gauthier nous fixe toute les deux avec un regard bizarre. On a dû rester comme ça beaucoup trop longtemps. Mentalement, je la supplie de ne faire aucun commentaire mais c'est trop lui demander.

- Alors les filles, c'est le coup de foudre on dirait !

Maya et moi nous regardons à nouveau avec un air à la fois gêné et énervé. Derrière le dos de la psychologue, elle pose un doigt sur sa tempe et fait semblant de se tirer une balle dans la tête. Je souris mais mes joues deviennent encore plus brûlantes en m'apercevant que je n'ai pas souris à quelqu'un comme ça depuis mort de mon père.

- Oh  là là, pas la peine de me regarder comme si je vous avais accusées de meurtre ! Ajoute madame Gauthier en riant. Vous êtes mignonnes toutes les deux c'est tout !

- Excusez moi mais  je n'ai rien à faire avec cette fille et j'aimerais bien rentrer chez moi maintenant parce que j'ai autre chose à faire ! - Maya croise le regard meurtrier de la psychologue et se tourne vers moi avec un regard d'excuse - Ne le prend pas personnellement. Je n'ai rien contre toi c'est juste que je n'ai pas besoin d'amies. Je suis très bien toute seule et là, il faut vraiment que je me casse !

- Bon, Jenny est ce que tu pourrais nous excuser une seconde ? Me demande mademoiselle Gauthier en soupirant. J'ai besoin d'avoir une petite conversation avec ta camarade.

Je hoche la tête et sors du bureau pour aller attendre dans le couloir tandis que Maya me fixe avec un air désespéré. Petite conversation = moment très gênant en perspective. J'ai déjà expérimenté ça et sincèrement, je la plains. On ne peut pas dire qu'elle ait fait beaucoup d'efforts pour être sympa mais cela m'importe peu. Je n'ai pas besoin d'amies et je sais ce que ça fait de cacher sa tristesse sous des dehors rebelles et sarcastiques.

Une fois dans le couloir, je m'éloigne de la porte pour leur laisser un peu d'intimité mais Maya (quelle surprise) crie si fort qu'il est difficile de ne pas prêter attention à ce qui se passe dans la pièce :

- Non mais c'est quoi ce délire là ? Vous allez me prendre en otage ou quoi ?

Mademoiselle Gauthier répond avec une voix plus calme et je ne saisi pas bien ses propos. Ceux ci ne semblent en tout cas pas suffisants pour calmer la tornade à l'intérieur de son bureau puisque j'entends Maya reprendre en criant encore plus fort :

- Et puis arrêtez de vous la jouer avec votre putain de numéro de psychologue empathique ! Vous faites comme si vous vous intéressiez à moi alors que je sais très bien que vous n'en avez rien à foutre. Vous avez juste lu mon dossier et vous vous êtes dis que vous pourriez m'aider sauf qu'en fait personne ne peut vous avez pas encore pigé ?

Après cette tirade assez violente, j'entends un choc sourd suivi de murmures plus discrets que je n'arrive pas à entendre. Au fond de moi, je sens un sentiment étrange. Cette fille vient de résumer en à peine trois phrases tout ce que je rêve de dire à ma psychologue depuis un an et sans avoir trop pourquoi, je l'admire pour ça.

Hey tout le monde ! Je voulais juste vous dire que même si je vous ai habitué à un rythme basé sur deux chapitres par personnages, je vais surtout faire des parties avec le point de vue de Jenny à partir de maintenant parce que j'ai envie de développer sa relation avec Maya. Aussi, comme elle est la seule à être au courant pour l'assassinat de son père, l'enquête va plutôt se passer de son côté mais ne vous inquiétez pas, je retravaillerai la relation entre Louna et Jenny bientôt. Bonne lecture !

Ombre sur les falaises [En Pause]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant