XVI - Réveillon 3/3

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Adrien s'était réveillé avec peine, sa tête lourde tirant sur sa nuque douloureuse tandis qu'il jetait un regard hagard autour de lui. La pâle clarté du ciel hivernal pénétrait doucement dans l'appartement endormi, sa joue portait la trace du tapis sur lequel il avait somnolé les quelques heures précédentes, des bols vides et des cadavres de bières étaient éparpillés sur la table basse. Il éloigna d'un geste maladroit la fine couverture qu'on avait mise sur lui et se redressa difficilement, son sang semblant battre à une vitesse folle contre ses tempes, martelant son crâne. Le brun fut obligé de se raccrocher au meuble face à lui pour tenir sur ses jambes, il fit quelques pas incertains vers la cuisine où se tenait Jimmy qui semblait dans un état encore pire que le sien. L'autre homme lui lança un regard terne à travers ses lunettes, avant de lui désigner d'un geste vague et de quelques paroles incompréhensibles une boîte de médicaments et un paquet de céréales entamé. Puisqu'ils semblaient être les deux seuls déjà éveillés, il ne se gêna nullement pour récupérer un verre, de l'eau, et après avoir rapidement vérifié les inscriptions sur la boîte, deux Dolipranes.

Il sortit ensuite de la petite cuisine d'une démarche chancelante, s'orientant vers la porte fenêtre laquelle s'ouvrait sur le balcon. Il avait le faible espoir que l'air vivifiant d'une aube d'hiver l'aide à éloigner la brume qui englobait ses souvenirs de la veille, qui ne lui revenaient qu'en réminiscences floues et incertaines. Une main tremblante portant le remède à ses lèvres, l'autre se raccrochant à la barrière en acier peu élégante, son regard hagard fixait l'horizon urbain et gris. Il frissonna. Une voix ténue appela son prénom de l'intérieur de l'appartement, mais il n'avait pas la force d'y répondre. De plus, son esprit était occupé à tenter de démêler les fils des conversations floues qu'ils avaient eues la veille, il était persuadé qu'il oubliait quelque chose d'essentiel. C'était cette sensation étrange, qui frémissait sur le bout de ses lèvres et semblait enfouie à l'arrière de son crâne, celle qui lui hurlait qu'il devait se remémorer la soirée d'hier. La porte en verre s'ouvrit et se referma derrière lui, et un grand rouquin s'accouda à la barrière à ses côtés.

Doucement, il tourna son regard gris terne dans sa direction. Il n'eut aucune difficulté à remarquer la culpabilité qui se peignait discrètement sur sa face et dans son regard qui évitait le sien. Il connaissait trop bien l'autre homme et ses lèvres qui lâchaient un soupir couard, cherchant à éviter de parler alors qu'il se savait acculé, éloignant encore l'inévitable. Finalement, Thomas se décida à prendre la parole, sa voix le trahissant autant que sa posture si c'était possible :

« J'tenais à m'excuser, j'étais pas dans mon état habituel hier, j'aurais pas dû te mettre la pression. »

Ces paroles lui rappelèrent douloureusement cet après-midi d'été, peu avant qu'il ne fuie ce lit trop chaud et agréable, des regrets visibles dans ses yeux brillants. Il se souvenait de cette culpabilité identique dans le regard de l'autre homme, du poids de sa déception, de ses entrailles se nouant tandis qu'il mentait sur tous les tableaux. Mais c'était elle qu'il aimait. Un mauvais pressentiment le tenaillait, il tourna son corps entier dans la direction de l'autre homme, cherchant les explications qui lui manquaient de par sa mémoire défaillante.

« J'me souviens pas de tout, voir plutôt de rien en fait. 's'est passé quoi ? »

De nouveau, ce soupir lâche, ce regard fuyant, ces lèvres tremblantes que viennent mordre méchamment ces dents blanches, ces paupières qui se ferment sur ces yeux clairs tandis qu'il se décide à répondre :

« On jouait à un jeu stupide. Tu lui as dit pour cet été. Elle est rentrée avec Sarah, ses yeux se rouvrirent et se tournèrent enfin vers lui. T'as admis beaucoup de chose. Du genre que t'avais souvent voulu te remettre avec ton ex, Thomas avala difficilement sa salive et il fit de même en tremblant. Puis j'ai dis que j't'aimais encore et t'allais me faire comprendre que c'était pas réciproque quand tu t'es effondré. Tu tiens toujours pas l'alcool, ajouta-t-il doucement, un demi-sourire ourlant ses lèvres. Ça a jeté un froid, on n'a pas continué à jouer après ça. »

Il opina vaguement du chef, assimilant tristement l'action qui avait prise place la veille. Ses mains enserrèrent son crâne douloureux, penché vers le bord, ses coudes reposant sur le garde-fou. Il devinait aisément le pli peiné qui étirait les lèvres de son ami, et son regard bleu coupable qui lui pesait sur l'échine. Il soupira profondément.

« J'aime vraiment Flora.

— J'sais.

— Ça pourrait pas fonctionner à nouveau entre nous. Ça fonctionnait plus. On regrette juste le début en tentant d'oublier la fin, ajouta-t-il en plongeant son regard dans le sien.

— J'sais.

— Parce qu'au début c'était merveilleux mais qu'à la fin..., souffla-t-il encore alors que ses pupilles s'en retournaient à l'horizon nuageux.

— Ouais. C'était trop beau, ça n'aurait pas pu durer t'façon. Et se remettre ensemble serait stupide, je le sais très bien. Mais Adrien, sois sincère avec elle. Je sais reconnaître quand un combat est perdu d'avance, j'attends plus rien de toi. Je souhaite uniquement te savoir heureux et tu l'es avec elle, alors excuse-moi pour hier, j'étais pas dans mon état normal, et explique lui tout, peut-être qu'elle pourra encore te pardonner. Si elle sait que tu lui dis réellement tout cette fois. »

Le brun se redressa et se laissa tomber contre le torse de son ami qui l'entoura de ses bras avec une profonde tendresse. Ils restèrent ainsi un long moment, si bien que la ville s'éveilla autour d'eux et que le soleil commença sa folle ascension monotone. Une pluie froide et légère tombait dans un bruit doux sur les pavés des rues qui les berçait, loin en dessous d'eux. L'avancement du toit protégeait les deux anciens amants qui se contemplaient l'un l'autre d'un regard neuf, comme si tout ce qui s'était passé entre eux n'avait plus guère d'importance. Ils en apprécieraient le souvenir et le chériraient à son juste mérite, sans s'en morfondre, sans regretter un passé immuable.

Le téléphone d'Adrien vibra dans la poche arrière de son denim, il s'en saisit et le consulta, un affectueux sourire étirant ses lèvres. Les yeux bleus curieux de son ami lurent également le message de Flora et il s'autorisa aussi à ce sourire bienheureux, sa culpabilité si pesante s'allégeant quelque peu. Ils s'éloignèrent, un peu, lancèrent un dernier regard à cette ville qui abriterait leurs meilleures années avant de rentrer dans le petit appartement étudiant d'un même pas. Leurs amis s'y trouvaient. Nannoxx préparait tranquillement le petit déjeuner, Jimmy tendait un verre et un Doliprane à Guillaume et Axel qui venaient d'entrer dans la cuisine, Andreas discutait avec Guep en buvant un thé, et Rayenne, trempé, venait de rentrer dans le petit appartement avec deux sachets de viennoiseries encore chaudes. Ce tableau convivial et léger tira un sourire sincère aux deux hommes, réchauffant leurs yeux comme leur cœur.

« Amis ?

— Amis. »

FIN

Version étudiante - Guepoxx [FINI]Where stories live. Discover now