7. Paul

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7.

C'était la cinquième fois qu'il les voyait passer devant son magasin. Ce n'était pas bon signe. Il avait pourtant payé le mois dernier... Avec trois jours de retard, certes, mais il avait payé. Il s'apprêtait à fermer à clé la porte du magasin lorsque la voiture s'arrêta enfin. Putain. Il accéléra le mouvement, il aurait peut-être le temps de rentrer chez lui chercher un peu de ses économies pour les contenter ? Une main se posa sur son épaule. Plus le temps. L'homme a qui appartenait la main était immense, chauve, et avait une énorme cicatrice qui lui barrait le front horizontalement. La main le poussa jusqu'au fond du magasin, tandis que deux autres hommes, eux aussi chauves –crâne rasé-, faisaient tomber tout ce qu'il y avait sur les étalages avec un amusement non dissimulé. Il regarda le grand chauve. Il ne souriait pas. 

« Paul veut son fric. » 

Putain. Il en était sûr. Il n'avait pas l'argent. Il jeta un regard plein de détresse vers les passants, derrière la vitrine, de l'autre côté du magasin ; mais personne ne semblait prêter attention à ce qu'il s'y passait. On ne déconnait pas avec la bande à Paul. Il porta à nouveau son regard sur le grand chauve. Il souriait, maintenant ; il avança la tête, les sourcils levés, l'air interrogatif. Mais le gérant de la supérette n'avait aucune réponse positive à lui apporter. Il n'avait rien. La brute fronça les sourcils et siffla. Les deux autres arrêtèrent immédiatement de briser tout ce qui était à leur portée en rigolant hystériquement. L'un deux tendit à leur chef un couteau. Il s'en saisit, et le pointa contre le ventre commerçant. Ce dernier ferma les yeux. Il n'y avait plus rien à faire, après tout. Il espérait juste que sa femme l'attende dans l'au-delà. Il sentit la lame s'enfoncer rapidement dans son ventre, une fois, deux fois, trois fois, quatre fois. Elle devait être très aiguisée ; elle glissait comme dans du beurre. Le chauve relâcha l'étreinte de sa main, et fit demi-tour pour sortir du magasin, suivi de ses deux acolytes. Le vendeur avait du mal à respirer ; deux des coups de couteaux avaient été méthodiquement donnés dans chacun de ses poumons. Il cracha un filet de sang sur le sol, et se laissa tomber. Une mare rouge se formait autour de lui. Sa dernière pensée fut de regretter d'avoir lavé le sol le matin même.

MeurtresWhere stories live. Discover now