Meurtres

11. Brea

11. Brea

Elle avait toujours détesté prendre l'avion. Lorsqu'elle avait appris que la mission passerait par les airs, elle avait failli refuser. Mais on ne refuse rien à ces gens-là.

Ils étaient une bonne centaine dans l'appareil. C'était un vol assez important, mine de rien. Un moyen courrier, vol intérieur. Ils savaient exactement qui il y avait dedans.
Deux jours plus tôt avait eu lieu la première conférence de ce putain de sommet, dans sa ville natale. A l'atterrissage de l'avion, la deuxième conférence aurait lieu. Et toutes les personnes y participant ne pouvant se payer un jet privé étaient ici. Et ils auraient besoin de protection.

Elle regarda au fond ; les deux autres lui répondirent avec un hochement de tête discret. Ils avaient encore une bonne heure de vol.
Bien assez de temps.

Elle sentit le petit appareil qui se situait contre son torse. Ils en avaient tous eu un. Incroyable, comme quelque chose d'aussi petit pouvait changer tant de choses.
Oh, ils allaient en changer des choses.

Elle se retourna à nouveau. Elle était nerveuse. On lui avait appris que c'était normal. N'importe qui serait nerveux, à l'approche d'un évènement aussi important. N'importe qui aurait les jambes flageolantes en se sachant vassal d'un acte salvateur d'une telle ampleur, qui permettrait au monde d'enfin ouvrir les yeux sur le chemin qu'il devrait véritablement emprunter.

Les deux autres hochèrent à nouveau la tête, une main sur le cœur.

Brea ferma les yeux. Elle entendait à peine le bruit des réacteurs de l'avion. Il était couvert par celui de sa propre respiration. C'était le moment. Enfin, elle avait trouvé un but à sa vie. Enfin, elle allait lui donner un sens.
Elle se leva, parfaitement synchronisée aux deux autres. Elle souleva son t-shirt, révélant la ceinture explosive qui était attachée autour de ses hanches. Elle vit les deux autres sortir leurs armes semi-automatiques, forçant à terre tous les passagers qui se sentiraient pousser une âme de sauveur.
Tous des traîtres. Tous des hypocrites.
L'un des autres du fond lança la phrase dans leur langue natale. Brea la répéta en anglais, pour que tout le monde comprenne :

« We will all pay the price of blood, for peace, for salvation! »

Elle n'entendait même plus les cris des passagers apeurés. Elle vit un garçon très jeune, terrifié jusqu'à en avoir vomi sur le siège devant lui.
Tant mieux, ça ne fera qu'élargir l'impact de leur acte.
Elle échangea un dernier regard avec les deux autres, et ils lancèrent le compte à rebours.
Cinq secondes avant la fin.
Quatre secondes avant la salvation.
Trois secondes pour changer le monde.
Deux secondes pour qu'elle, Brea, puisse graver son nom dans l'Histoire.
Une seconde pour donner un sens à sa vie.

Elle n'entendait plus rien du tout.