9. Dean

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9. Dean

Comme souvent, Dean s'était confortablement installé sur son canapé, un thé à la main. Il avait allumé sa télévision, mais c'était plus pour créer un bruit de fond que par réel intérêt pour les programmes qui passaient à cette heure-ci. Il était déjà deux heures du matin, et il n'avait, encore une fois, été qu'à peine productif sur son nouveau roman. C'est dur d'écrire, quand rien de ce qu'on fait n'a de reconnaissance. Il gagnait à peine sa vie en s'auto-publiant, et son dernier livre ne s'était vendu qu'à peine à quelques centaines d'exemplaires à travers l'Europe. Et encore heureux qu'il écrivait en anglais et en français ; sinon le chiffre serait de moins de deux cents exemplaires vendus. Il poussa un soupir, et sortit son téléphone portable. Il ouvrit tour à tour chacun des réseaux sociaux sur lesquels il avait un compte, mais à chaque fois il finissait par voir quelque chose qui le décourageait : la nouvelle adaptation d'un énième roman à succès de Stephen King, une jeune fille qui avait plus de cent mille vues sur sa fan-fiction quelquonque... Pourquoi lui, Dean, ne pouvait-il pas être un écrivain reconnu ? Pourquoi ne pouvait-il pas avoir des fans qui pleuraient à la simple idée de le rencontrer, et des producteurs de cinéma qui s'arrachaient les droits de ses livres ?

 Il se concentra très fort, mais rien n'y faisait. L'inspiration ne venait pas.

On toqua à la porte. Il cru au départ que cela venait de la télévision, mais il se rendit vite compte que l'aspirateur présenté dans le télé-achat en face de lui n'avait aucune raison d'émettre un bruit de frappe sur une surface en bois. Il se leva lentement. On toqua encore, un peu plus fort, et un peu plus longtemps. Il pleuvait légèrement dehors. C'était son temps préféré. Un thé, un canapé, et un peu de pluie à l'extérieur. Seule la lampe de son salon était allumée, le reste de sa maison était plongée dans la pénombre. Il s'avança lentement vers l'entrée. Qui pouvait bien toquer chez lui à deux heures du matin ? Un badaud perdu ? Un jeune homme voulant lui faire une farce ? On toqua, une troisième fois, avec la paume de la main cette-fois, à en juger au bruit. Dean commençait à avoir un peu peur. Il était face à la porte. Il regretta soudain son choix de ne pas avoir choisi l'option pour avoir un œil-de-bœuf. Il n'osait rien dire. Peut-être que si la personne croyait qu'il était assoupi, ou qu'il n'était pas là, elle s'en irait sans demander son reste ?

« Mr. Dean Lacsheter ? Je suis votre plus grand fan ! » S'exclama une voix de derrière la porte.
Dean sentit un frisson lui parcourir le corps. Voilà enfin la reconnaissance, le début de sa carrière ! Mais il ne fallait pas qu'il commence à habituer ses fans à ce genre de comportement. Il allait l'engueuler doucement, puis l'inviter à prendre un thé, et cette personne allait pouvoir lui expliquer tout ce qu'elle adorait dans ses livres. Il fit tourner la clé dans la serrure et ouvrit la porte. Il se força au départ à faire disparaître son sourire, mais à la vue de la personne face à lui, il disparut tout seul. Un homme en sweatshirt, capuche sur la tête, le dominait d'une tête. Il avait dans la main gauche un exemplaire de son dernier roman, sorti un an plus tôt, et dans la droite, un club de golf.

Dean tenta de refermer la porte, mais l'homme la retint d'une main. Il était bien plus fort que lui. L'écrivain commençait à franchement paniquer. L'homme lui plaqua son livre contre le torse, que Dean saisit par réflexe, et, de sa main libre, mima une signature. Dean pu apercevoir son visage. Il avait les yeux rentrés dans leurs orbites, et un petit sourire pas vraiment joyeux.

Il n'avait plus aucune envie de signer des autographes. Il secoua la tête, et jeta à moitié le livre sur l'homme, qui le laissa tomber sur le paillasson trempé par la pluie. L'homme se redressa entièrement. Dean put apercevoir que son sourire avait disparu. Il recula lentement, abandonnant toute idée de fermer la porte. L'inconnu avança dans la maison, et commença à faire tourner le club de golf dans sa main. Dean trébucha en arrière, et se retrouva assis sur le sol. Il tremblait de tout son corps. L'homme leva haut le club de golf, des deux mains, et l'abattit contre la tête de Dean. De toutes choses, la dernière chose à laquelle il pensa fut son manuscrit inachevé, à l'étage. La moitié de son crâne explosa à l'impact.

MeurtresWhere stories live. Discover now