IV. Bananes (1/2)

151 31 12
                                    




Le taxi se gare devant une demeure nichée au fond d'une impasse dissimulée par les cimes.

On devine les extensions qu'elle a connues au fil des époques. Les lueurs qui émergent des fenêtres aux différentes formes dessinent une silhouette atypique, dévoilant tout un tas de volumes, pentes de toits, coins et recoins.

Dans un anglais approximatif, Éric remercie le chauffeur qui dépose leurs bagages et s'en retourne chercher de nouveaux clients à l'aéroport de Vienne.

Le voyage a été long. On les a fait attendre avant de descendre de l'avion, le tapis de redistribution des bagages est tombé en panne et Alain DeGervais avait tardé à leur trouver un logement, guidé au téléphone par un Éric à la limite du grand craquage.

– Bienvenue ! Monsieur Éric Dubois et Princesse Natila, j'ai bon ?

Leur hôte parle français, exigence du jeune homme lorsqu'il a remarqué que ladite princesse ne parlait pas un mot d'allemand. Son costume sombre est d'une grande qualité, il a l'allure des maîtres d'hôtel des palaces étoilés. Pourtant, il gère un bed and breakfast authentique, qui propose six logements indépendants, tous reliés au hall d'accueil.

– C'est ça, confirme Éric.

– Enchanté, je m'appelle Gerhard. Je vous en prie, suivez-moi.

Le lourd portail automatisé s'entrouvre. Deux employés s'en vont prendre leurs bagages.

Le jeune homme se retourne, constatant que Noémie n'a pas bougé.

– Vous venez ?

– Éric, je ne sais pas si je dois prendre au sérieux quelqu'un qui porte des chaussettes avec des motifs de bananes !

Voilà le détail qui modifie sa première impression. Pourtant, il n'est pas d'humeur à rire. Il meurt de faim et ce n'est pas le malheureux gâteau sec qui a calmé son estomac.

– Oui, eh bien vous étudierez les pieds de la civilisation viennoise plus tard !

– Vous êtes drôle ! ironise-t-elle.

Elle s'apprête à passer devant lui, mais il emprunte l'escalier de pierre en premier.

– Ma pauvre Natila, les bonnes manières se perdent... se murmure-t-elle.

Gerhard prend un jeu de clé à la réception et les mène vers le logement le plus à droite du bâtiment.

– Vous serez tranquilles, aucun passage de ce côté-là, précise-t-il en ouvrant la porte.

Alain DeGervais avait prévenu Éric, c'était la dernière chambre disponible, la plus petite.

Elle offre  un espace nuit/salon unique, une kitchenette avec balcon face au parc, la douche se trouve dans un renfoncement sans fenêtre, et une deuxième chambre d'appoint trône en haut de la mezzanine.

– Qu'est-ce que je vous disais, décrète Noémie. C'est la dernière fois que je vous écoute !

– Vous n'avez pas le choix, susurre-t-il, le plus discrètement possible.

Pour lui c'est bien suffisant. Ce n'est pas grand, mais c'est douillet, décoré avec goût et impeccable malgré la vétusté du bâtiment.

– Bonne installation ! N'hésitez pas à appeler la réception, si besoin. Il y a quelqu'un en permanence. Si vous ne souhaitez pas cuisiner, il y a un restaurant juste de l'autre côté du boulevard.

Gerhard referme la porte après le départ des grooms.

Drôle de Viennoise [en pause]حيث تعيش القصص. اكتشف الآن