Chapitre 4

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Le syndrome de la page blanche était le cauchemar de tout écrivain. Une incertitude capable d'éradiquer une imagination qui paraissait pourtant sans limite. Les raisons pouvaient être nombreuses mais dans le cas d'Iseul une seule et même personne en était à l'origine. Hana. Un jour elle pouvait être sa muse et le lendemain la cause de tous ses maux. Hana n'avait jamais été une femme facile à comprendre. Les deux femmes s'étaient retrouvées dans la même classe en deuxième année de lycée. Iseul n'avait pas mis longtemps avant de tomber sous le charme de la jolie brune. Contrairement à beaucoup de filles de son âge, Hana assumait pleinement son homosexualité et n'avait peur de personne. C'était une adolescente aussi belle qu'insolente. Toutefois son comportement n'avait jamais porté préjudice à sa grande popularité au sein du lycée pour la simple et bonne raison qu'Hana était la première à défendre ses camarades. Ce ne fut qu'un an après leur rencontre qu'Iseul se jeta à l'eau et lui déclara ses sentiments. Elle se souvenait n'avoir eu que peu d'espoir d'une réponse positive ce jour-là. Iseul était la caricature de la tête de classe avec ses cheveux noirs tressés, ses lunettes rondes et ses notes exemplaires. Elle avait pour habitude de réprimander les élèves dès que ceux-ci commettaient le moindre impair. Et Hana passait sa vie à en commettre. Sans compter que ces soi-disant « impairs » se rapportaient surtout à des scènes de flirt au milieu des couloirs. Iseul n'avait compris que bien plus tard le rôle de sa propre frustration dans son comportement. L'homosexualité était un sujet tabou au sein de sa famille et il avait fallu du temps à la jeune femme avant de prendre conscience de sa jalousie et d'accepter ses sentiments pour Hana. Un jour d'été, elle avait glissé un mot dans ses affaires et l'avait attendu derrière le gymnase. Lorsqu'Hana était apparue et l'avait transpercée de ses yeux noirs, Iseul avait senti son cœur prêt à exploser.

- Je t'aime.

- Et alors ?

Hana se tenait face à elle les bras croisés et le vent dansait dans ses cheveux.

- Alors ? Euh... Sors avec moi s'il te plaît ?

La jeune femme constata Iseul un instant, comme si elle était en pleine réflexion.

- Ok pourquoi pas. Mais si tu veux sortir avec moi il y a trois règles que tu dois respecter. Si t'en es pas capable alors laisse tomber.

- Euh.... D'accord...

- Règle n°1 : Même si je les déteste, mon frère et ma sœur passeront toujours avant tout le reste. La petite-amie ne se place donc qu'en troisième position. Règle n°2 : Je déteste les gens jaloux. La confiance c'est la base alors pas de crise. Enfin Règle n°3 : Peu importe ce que tu entends sur elle, ne me pose jamais de question sur Min. Jamais. Alors toujours partante ?

Iseul était complètement abasourdie. Elle était à peu près sûre que d'ordinaire les couples ne fonctionnaient pas de cette manière. Et puis qui était Min de toute façon ? Iseul n'était pas certaine de savoir dans quoi elle s'embarquait mais toute cette comédie était digne du tempérament de Hana, la femme dont elle était tombée amoureuse.

- J'accepte.

Leur histoire n'avait pas été de tout repos mais au fil du temps les deux amantes avaient réussi à construire une belle relation qui paraissait solide. Pourtant, ces derniers temps Iseul sentait que quelque chose n'allait pas dans son couple et ce sentiment désagréable perturbait son travail. Hana était bien plus distante et froide qu'à l'accoutumée. Certes, elle ne lui avait jamais montré de réelle affection et, après 10 ans de relation, Iseul s'était fait une raison. Mais malgré sa personnalité difficile à cerner, Hana ne l'avait jamais délaissée de la sorte et le retour de Yong ne pouvait pas être le seul facteur de ce revirement de situation. La jeune femme soupira un grand coup et referma un peu brusquement son ordinateur portable. L'heure sur sa montre indiquait 6h du matin. Hana était probablement restée chez sa mère pour la nuit et ne rentrerait pas avant le début d'après-midi. Les yeux fatigués d'Iseul se tournèrent vers la fenêtre. Les lumières extérieures scintillaient comme des lucioles au milieu d'un silence assourdissant. Les pensées de la jeune écrivaine tournaient en boucle autour de cette femme qu'elle aimait depuis tant d'années. Mais peu importait les scénarios dans son esprit, la fin était toujours la même : des cris, des pleurs, et une rupture.

The way you love herWhere stories live. Discover now