Retour au village

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Après avoir appris mon licenciement, j'ai appelé mes proches.

Mes parents m'ont immédiatement proposé de venir passer le mois de décembre chez eux. Ma sœur, qui est leur seule voisine à des kilomètres à la ronde, a insisté pour que j'accepte.

Du coup, malgré mes réticences à revenir habiter sous le toit familial, après huit ans d'une indépendance chèrement acquise, j'ai fini par capituler.

C'est donc la raison pour laquelle après avoir dit « ciao » à mon petit appartement dublinois, je me retrouve à rouler en direction du Comté de Cork, avec pour unique compagnon de voyage, Oslo, mon chat norvégien. C'était inimaginable que je parte sans lui ! Même s'il est terriblement gourmand et qu'il ne peut s'empêcher de ronfler quand il dort, ce matou est mon meilleur pote.

Ma famille habite en bordure de Síorghlas. C'est un charmant petit village qui compte environ cinq cents âmes, à quinze kilomètres de la ville de Cork. C'est là-bas que j'ai grandi. Il y fait bon vivre.

Ma sœur aînée, Gabrielle, a fait le choix d'y rester. Elle s'est mariée à Timothy, un ami d'enfance, à l'âge de vingt-et-un an, et ils ont eu un enfant ensemble : Annabelle. Ils gèrent une pension animalière et vivent en face de chez mes parents.

Ces derniers n'ont jamais compris que je ne fasse pas comme Gabi. À dix-huit ans, j'ai déménagé à Dublin afin d'y poursuivre mes études. J'avais trouvé une colocation (ma chambre faisait la taille d'une boîte d'allumettes !), et un petit boulot pour subvenir à mes besoins.

Je ressentais le besoin de prouver aux autres, et à moi-même, que j'étais capable de me débrouiller, et sur ce point-là, j'ai plutôt bien réussi. Enfin... Jusqu'à aujourd'hui en tout cas. Car désormais, j'ai l'impression de faire une sacrée marche arrière !

Cependant, il est hors de question que je me laisse abattre. Ces quelques semaines auprès des miens me permettront de me ressourcer avant de repartir de plus belle.

Je suis comme un chat : je finis toujours par retomber sur mes pattes.

*

— Becca ! Te voici enfin !

Ma mère accourt vers moi en souriant. On dirait que ça fait des mois qu'elle ne m'a pas vue. Quand je lui en fais la remarque, elle s'indigne, les poings sur les hanches :

— Mais c'est le cas, mauvaise graine ! Tu n'es pas venue nous rendre visite depuis septembre. Et nous sommes déjà le cinq décembre !

Oups.

Je regrette d'avoir fait passer mon boulot avant tout le reste. On ne m'y prendra plus.

Je serre ma mère fort contre moi et rétorque :

— Eh bien, on va pouvoir rattraper le temps perdu, mam's. Je vais rester si longtemps avec papa et toi que vous n'en pourrez plus de me voir !

— Allons, Rebecca, ne dis pas de bêtises, proteste mon père, Charles, que tout le monde appelle Chaz. Tu seras toujours la bienvenue ici.

C'est à croire qu'ils ont comploté pour me faire pleurer d'émotion dès mon arrivée. J'attrape mon père par les épaules et plaque deux grosses bises sur ses joues recouvertes d'une barbe douce.

— Entrons nous mettre au chaud, dit maman. Je vais envoyer un message à ta sœur pour la prévenir de ton arrivée, et nous prendrons un bon goûter tous ensemble.

J'ai presque l'impression de retomber en enfance lorsque je l'entends dire cela, mais je suis heureuse d'être « à la maison ». Cela fait chaud au cœur.

Un miaulement impatient d'Oslo me rappelle que Môssieur est impatient de se dégourdir un peu les pattes, et encore plus de se remplir la panse.

*

Ma mère a préparé ma chambre (celle que j'ai occupée jusqu'à mes dix-huit ans), ainsi que tout le nécessaire pour mon félin d'amour. Sitôt sorti de son panier, Oslo ne prend même pas la peine de me faire un câlin et se précipite vers sa gamelle remplie de pâtée.

Ingrat.

Mon père et moi avons tout juste eu le temps de monter ma valise et le reste de mes affaires à l'étage, que ma sœur et sa petite famille débarquent. Nous descendons les rejoindre, et ma nièce saute dans mes bras.

— Tatie ! Je suis TROP contente que tu sois arrivée ! Tu vas enfin pouvoir me faire des cookies et des bonshommes en pain d'épice !

— Anna ! Laisse donc ta tante souffler un peu ! s'exclame Gabrielle.

— La petite a raison, ta sœur est une pro de la pâtisserie, ce serait dommage de s'en priver, déclare Timothy, connu pour sa légendaire gourmandise.

Je ne peux m'empêcher de m'esclaffer, et leur promets à tous qu'ils auront droit à la totalité de mes spécialités durant mon séjour à Síorghlas.

— En voilà une bonne nouvelle !

Cette voix...

Je me tourne vers la porte du salon et lorsque je vois le cousin de Tim apparaître devant moi, avec un grand sourire, je m'exclame :

— Alex ? Qu'est-ce que tu fiches ici ?

— Hey, Becca ! Comment vas-tu ? Moi aussi ça me fait plaisir de te revoir après tout ce temps.

OK. Message reçu. Monsieur veut me faire remarquer que j'aurais pu me montrer plus chaleureuse. Mais saperlipopette, la dernière fois qu'on a passé du temps ensemble, c'était il y a cinq ans ! Et on ne peut pas dire qu'on s'était montré très tendre l'un envers l'autre.

— Alexander compte s'installer dans le coin, m'apprend ma mère qui revient avec du lait de poule pour les adultes, et un chocolat chaud pour ma nièce.

— En attendant, Tim et moi lui avons proposé de loger chez nous, ajoute ma frangine.

— Je croyais que vous faisiez pension seulement pour les animaux de compagnie ; je marmonne.

— Eh, je t'ai entendue, Muffin. C'est pas très sympa, riposte Alex, feignant d'être vexé. Et sache que je peux être de très bonne compagnie.

Alors ça, j'en doute fort.

— Ne m'appelle pas Muffin !

Il se contente de m'adresser un clin d'œil, et je bous tellement à l'intérieur de moi-même que ça ne m'étonnerait pas si de la vapeur venait à s'échapper de mes oreilles.

Retenez-moi de l'étriper !

⛄❄️⛄❄️⛄

Noël sous un ciel irlandaisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant