Interruption(s)

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Deux jours plus tard, alors que je suis dans la cuisine, occupée à faire des cookies avec Annabelle, je suis toujours perturbée par le sort réservé au café-librairie de mes parents.

Alex, qui est présent (merci Anna d'avoir insisté pour qu'il soit là), s'en aperçoit et me demande ce qui me tracasse.

— Rien du tout.

Je ne veux pas me confier à lui. Ni à personne, à vrai dire.

Depuis dimanche, j'avais réussi avec succès à éviter Alex.

Je me sens encore terriblement gênée lorsque je repense à notre dernière conversation et au fait qu'on a failli s'embrasser. Je sais qu'il sait (vous suivez ?) qu'au fond de moi j'ai conscience de ne pas lui être indifférente.

Du coup, quand je l'ai vu arriver cet après-midi avec ma nièce, j'ai songé à prétexter que j'étais contagieuse et que je ne devais approcher personne. Mais Annabelle aurait forcément été déçue. Alors j'ai pris sur moi, et Dieu merci, Alexander est assez raisonnable pour ne pas s'amuser de mon embarras. Du moins, pas tant que nous ne serons pas en tête à tête.

Je mets la première fournée de cookies à cuire. Annabelle est impatiente d'y goûter. Je lui propose d'aller chercher son carnet de coloriage pour patienter. Elle pourra s'installer sur l'ilot central de la cuisine tout en profitant de l'odeur alléchante des biscuits qui ne tardera pas à embaumer la cuisine.

— Bien, maintenant qu'on est tous les deux, tu pourrais peut-être me dire ce qui ne va pas, non ?

— Je te l'ai dit : il n'y a rien du tout, je rétorque, en fronçant les sourcils.

— Tu mens toujours aussi mal, Muffin. Et c'est terrible de mentir à l'approche de Noël, tu vas finir sur la liste des vilains.

— Tu insinues que je suis une vilaine fille ?

— Tout dépend ce que tu entends par là. Cela dit, je ne demande qu'à le découvrir, rétorque-t-il avec un petit sourire en coin.

Devant son air suggestif, je prends conscience du double sens de mes paroles et me mets à rougir.

Afin de retrouver un semblant de contenance, je change le sujet de conversation, et lui glisse un mot à propos du Book Nook.

— Gabi m'a appris la nouvelle, oui. Pourquoi ne reprendrais-tu pas les rênes du commerce ?

— Moi ? Mais je ne sais même pas si j'en serai capable.

— Bien sûr que oui, Becca.

Je le regarde, étonnée de son soutien inattendu.

— Tu as tout ce qu'il faut pour gérer avec succès ce café-librairie. Cela serait génial pour tout le monde : tu pourrais rester vivre dans le coin, tu aurais l'occasion de passer plus de temps auprès des tiens, et je pourrais te voir plus souvent, termine-t-il en m'adressant un clin d'œil.

— Tu as sans doute raison... Mais je ne peux pas prendre une décision aussi importante en si peu de temps.

Il acquiesce, compréhensif.

Soudain, je repense à ses derniers mots et je l'interroge :

— Pourquoi as-tu dit que tu me verrais plus souvent si je restais à Síorghlas ? Tu ne viens plus que rarement par ici.

— C'était le cas. Avant. Mais désormais rien ne me retient à Birmingham. Gabrielle t'a dit que je comptais m'installer dans le coin, et c'est le cas. Je cherche actuellement une maison à acheter.

Alex est un photographe talentueux, et son travail lui offre une grande liberté, je présume. Il peut travailler depuis n'importe où.

—Je vois... Cependant, même si je restais au village, cela ne voudrait pas dire que je souhaiterais te voir régulièrement, le taquiné-je.

— Y aurait-il un homme dans ta vie ? Excepté Oslo ?

Je ris avant de rétorquer :

— Peut-être bien que oui.

Eh ! Il parait déçu, ou je me fais des idées ? Oui, ça doit être ça. Je suis à côté de la plaque. Alexander peut avoir n'importe quelle fille à ses pieds. Il n'a pas besoin de moi.

— Oh, je vois... Et donc, tu as planqué ton fiancé par-là ?

— Pfff ! Tatie n'a pas eu de nouveau chéri depuis trois ans ! s'exclame Annabelle, de retour dans la cuisine.

Décidément, elle arrive toujours quand il faut !

Morveuse.

La sonnerie du four m'empêche d'avoir à parler. Les premiers cookies sont cuits et prêts à être dégustés. Je prépare des boissons chaudes pour tout le monde, et convie mes parents à se joindre à nous. Le coloriage d'Anna attendra.

— Ces cookies sont délicieux, déclare mon père.

Son avis m'est toujours d'une grande importance, et son compliment me fait extrêmement plaisir. Les autres acquiescent tout en dégustant les biscuits encore chauds et moelleux.

— Papi a raison, ils sont trop bons nos cookies ! affirme ma nièce en se léchant les babines.

La gourmandise, c'est aussi quelque chose qui se transmet dans nos gènes familiaux !

*

Gabrielle et Tim sont passés nous faire un petit coucou. Annabelle joue au pot-de-colle avec Oslo qui s'est perché sur l'arbre à chat que mon père lui a construit cet après-midi, et qu'il a déjà adopté. Un endroit de plus où se cacher et pioncer, ça ne se refuse pas.

Alors que tout le monde s'est installé au salon, Alex est resté avec moi à la cuisine, où il m'aide à tout ranger et nettoyer. Je lui ai assuré que ce n'était pas nécessaire, mais il a insisté, et maman et Gabi m'ont fait comprendre en un regard que je devais être plus sociable. Le Grinch qui sommeille en moi est en souffrance.

J'ai beau essayé de tout faire pour garder à l'esprit qu'Alexander n'est pas un homme pour moi, je ne peux m'empêcher de le lorgner du coin de l'œil. Ce mec est d'une beauté à couper le souffle. Même habillé d'un simple pull gris et d'un jean il affole mes hormones.

— Tu apprécies la vue ? me demande-t-il soudainement.

— Hein ? Je peux savoir de quoi tu parles ?

— Tu n'arrêtes pas de me mater depuis tout à l'heure, Muffin. Je t'ai vue, tu sais, répond-il en souriant, taquin.

— Tu n'aurais rien remarqué si tu ne me regardais pas également !

— Oh, mais ça, je ne le nie pas. Tu me ferais craquer même dans un pyjama Snoopy, Becca.

Je reste interdite, ne sachant que dire et que faire. Alexander en profite pour s'approcher de moi. Mes jambes tremblent.

— À quoi tu joues, Alex ? demandé-je en feignant de ne pas perdre mon assurance.

— La vraie question c'est à quel jeu TU joues, Becca. Tu souffles sans cesse le chaud et le froid.

— Je... Je ne joue pas.

— Comment ça se fait qu'une fille comme toi soit seule depuis trois ans ?

— Cela ne te regarde pas.

Je n'ai pas spécialement envie de lui raconter la scène incluant mon EX fiancé avec ma meilleure-amie en train de couiner dans ce qui était MA chambre.

—Je suis très bien toute seule.

— Tu dis cela, mais ton corps dit autre chose, Muffin.

Il est désormais si près que je me demande s'il va ENFIN m'embrasser. J'en crève d'envie.

Il passe une main sur ma joue et m'essuie une trace de farine d'un tendre geste du pouce.

C'est moi ou il fait super chaud dans cette cuisine ? Une chose est sûre : la tension est palpable.

Mais alors qu'Alex pose un regard fiévreux sur moi, et que je suis à deux doigts de le supplier de m'embrasser, la porte s'ouvre.

— Oups. Désolé, je ne voulais pas déranger !

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À bientôt pour la suite 😊 !

Noël sous un ciel irlandaisWhere stories live. Discover now