Confidences et sentiments

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— Dis-moi, mo stór, il se passe quelque chose entre Alexander et toi ?

Quand ce n'est pas Gabrielle, voici que c'est ma mère qui m'interroge à ce sujet. Toute ma famille compte s'y mettre ou bien ?

Maman et moi sommes seules dans le salon. Enfin, presque seules : Oslo s'est pelotonné sur mes genoux.

Nous profitons d'une énième page publicité à la tv pour discuter avant que notre téléfilm de Noël reprenne. Comme tous les jeudis, mon père est parti jouer aux échecs avec ses amis.

— Pourquoi me demandes-tu ça ?

— Je sais comment tu fonctionnes, Rebecca. Si tu réponds à une question par une autre question, c'est signe que tu veux l'éluder.

— Non, ce n'est pas ça. Pas cette fois. C'est juste que... Je ne sais pas trop où j'en suis.

— En tout cas, lui, m'a beaucoup parlé de toi.

Un petit rire sarcastique m'échappe. Je lève les yeux au ciel et rétorque :

— Oui, j'imagine qu'il n'a pas pu s'empêcher de se plaindre de moi.

— Au contraire, Becca. Il ne tarit pas d'éloges à ton sujet. Je pense qu'il a beaucoup d'affection pour toi.

J'avoue que je suis un peu sous le choc.

Depuis que je suis arrivée, on ne peut pas dire que j'ai fais l'effort de me montrer très amicale envers lui. Je ne cesse de le remballer ou d'être désagréable, même si j'admets qu'il faudrait qu'il soit complètement miro ou idiot pour ne pas avoir pigé qu'en réalité je craque pour lui.

C'est plus fort que moi. Alexander Delaney me transforme en chamallow géant. J'ai de moins en moins envie de le gifler, et de plus en plus le désir de me lover dans ses bras.
Sauf que si mon cœur tend à me dire : « Fonce, ma poule ! », mon cerveau la ramène et crie : « Oublie-le, tête d'endive ! Il ne faudra pas venir pleurer s'il te brise le cœur une seconde fois. »

La différence, c'est qu'aujourd'hui, je n'ai plus seize ans. Nous sommes tous les deux des adultes, libres comme l'air, et l'attirance semble réciproque.

Devant mon silence, et alors que le film s'apprête à reprendre, maman pose une main sur la mienne, et me dit en souriant :

— Xander est un homme bien, ma chérie. Fais attention à ne pas laisser le bonheur s'échapper au profit de tes peurs. Nous approchons de Noël, c'est la période idéale pour les miracles, non ?

Je lui souris en retour et acquiesce. C'est vrai que la saison se prête aux miracles. De là à ce que j'ose croire de nouveau en l'Amour, il n'y a qu'un pas.

Oserais-je le franchir ?

*

De retour dans ma chambre, et pendant qu'Oslo ronfle au rythme de Jingle Bells (non, c'est faux), je me perds dans mes pensées. Je fais un historique rapide de ma vie.

Lorsque j'étais enfant, je voulais devenir écrivain et adopter un chien saucisse. Nous avons eu un bouvier bernois.

À l'adolescence, j'étais plutôt heureuse et bien dans ma peau. Je n'étais pas des plus populaires, mais j'avais mes deux super copines Jenna et Lucy, avec qui j'ai fait les quatre cent coups.

Avant de tomber amoureuse d'Alex, je suis sortie avec Gavin, un gars qui fréquentait le même établissement scolaire que moi.

Ce fut mon premier petit-ami, j'avais quinze ans.

Il était plutôt mignon, mais il n'avait pas inventé le fil à couper le beurre. Lorsque je lui ai demandé s'il aimait bien Samuel Beckett, il m'a répondu qu'il ne connaissait pas les noms de tous les remplaçants de l'équipe nationale de rugby.

Ce jour-là, j'ai éclaté de rire avant de comprendre qu'il était sérieux.

Notre histoire a duré huit mois. Je crois qu'au fond de moi, j'avais déjà des sentiments pour Xander puis quelques années, mais je m'étais dit que ce n'était qu'un béguin d'ado, et que ça finirait par passer. Je croyais que sortir avec Gavin ou un autre me permettrait de l'oublier.

Sauf que ce ne fut pas le cas. J'ai eu beau fréquenter d'autres mecs, mes sentiments pour Alexander n'ont jamais complètement disparus.

Et il a suffi que je le revoie pour que tout s'enflamme à nouveau.

C'est comme si un fil rouge invisible nous reliait l'un à l'autre.

*

Comme à chaque fois que j'ai besoin de me confier, j'appelle Gabrielle. J'aurais pu traverser la route pour lui parler de vive voix, mais il se fait déjà tard, et je n'ai pas envie de croiser Xander. Car c'est justement de lui dont je désire parler à ma sœur.

— Tôt ou tard, il faudra bien que l'un de vous fasse un pas en avant, Becca. Cela fait des années que vous vous tournez autour.

— Tu exagères, je suis revenue il y a moins d'une semaine !

— Peut-être. Mais il y a cinq ans de ça, vous n'arrêtiez pas de vous envoyer des piques car vous étiez autant vexés l'un que l'autre de vous voir au bras d'une tierce personne.

— Mais pas du tout ! je proteste, avec mauvaise foi.

— Bien sûr que si, Rebecca. Et tu le sais très bien. Et avant ça, c'était à chaque fois pareil. Vous jouiez à « je t'aime moi non plus ». Depuis que t'as 16 ans c'est comme ça entre vous.

— C'est quand même pas ma faute s'il a collectionné les aventures ! On n'allait pas faire ménage à trois.

— Ce qui compte, c'est qu'aujourd'hui, vous êtes tous les deux célibataires. Alors lance-toi, ou cesse au moins de l'envoyer valser quand il essaie de t'approcher.

— C'est plus fort que moi. J'ai peur.

— Peur de quoi ? Alex est un mec génial ! Et c'est toi qu'il veut.

C'est moi qu'il veut ? Vraiment ? L'entendre dire par quelqu'un d'autre rend les choses plus concrètes. Mon cœur se gonfle, l'espoir en moi aussi.

— Il te l'a dit ?

— Je ne peux pas trahir tout ce qu'il nous a confié à Tim et moi, mais oui. C'est assez clair pour lui que t'es la femme avec qui il voudrait partager sa vie. Et ça ne date pas d'hier. Alors, qu'est-ce qu'il te faut de plus ? me demande Gabi.

— Un peu plus de confiance en moi, je suppose. J'ai la trouille qu'il s'aperçoive que je ne suis pas si intéressante que ça au final ; de ne pas être à la hauteur.

—T'es une O'Callaghan, ma vieille ! T'es forcément merveilleuse, et l'audace coule dans tes veines. Crois-en toi, Becca.

Elle a sans doute raison. Et oui, je devrais me faire confiance.

Cependant, si dans la vie de tous les jours ou dans le travail j'arrive à faire bonne figure, c'est plus compliqué d'un point de vue sentimental. Edward a tout détruit.

Mais Gabrielle a raison, je suis une O'Callaghan ! Je dois agir en tant que telle, et être une battante !

Eddie et Alexander sont deux hommes différents. Et si je souhaite ne plus jamais croiser la route du premier, j'aimerais que le second ne quitte jamais le chemin (parfois sinueux) de ma vie.

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À bientôt pour la suite 😊☀️ !

Noël sous un ciel irlandaisWhere stories live. Discover now