Quand passé et présent s'entrechoquent

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Le lait de poule de maman est toujours un délice, et les sablés de Noël de papa sont toujours aussi bons que beaux. Je crois que c'est de lui que je tiens mon amour pour la pâtisserie.

Quand Gabrielle et moi étions petites, notre père organisait au moins un atelier de cuisine par semaine. En grandissant, je n'ai jamais cessé d'aimer cette activité, tandis que ma sœur a fini par s'en lasser. Depuis, elle préfère goûter à nos desserts plutôt que de participer à leur confection.

Son truc à elle, c'est plus la nature, le jardinage. Comme Laura, notre mère. De mon côté, je suis une véritable serial killeuse de plantes vertes.

Lorsque je n'oublie pas de les arroser, je les noie.

Je ne suis pas très douée.

— Tu te souviens de la fois où maman t'avait demandé d'enlever la mauvaise herbe dans l'un de ses parterres de fleurs ? demande Gabrielle.

— Comment oublier ! J'ai carrément tout arraché. J'étais si fière de moi quand je lui ai dit "regarde m'man, j'ai tout bien nettoyé". Je revois encore sa tête effarée quand elle a découvert mon carnage.

Tout le monde rit de bon cœur à l'évocation de ce souvenir lointain.

Enfin, presque tout le monde.

— Mes pauvres zinnias, ils étaient si jolis ! s'exclame notre mère en secouant la tête d'un air désolé.

Après ça, elle ne m'a plus jamais demandé quoi que ce soit en jardinage.

« Tant mieux », avais-je pensé, vexée.

Car oui, à l'époque, vu tout le mal que je m'étais donné pour nettoyer son jardin, je ne comprenais pas pourquoi ma mère ne m'avait pas plus félicitée que cela afin de me remercier pour mon travail ! Cela me semblait être la moindre des choses.

*

Tandis que tout le monde papote encore dans salon, je m'absente un instant afin de commencer à vider ma valise et ranger mes affaires.

Ma sœur me rejoint à l'étage avec Annabelle, qui file aussitôt au bureau jouxtant ma chambre, afin de câliner Oslo qui s'est affalé sur une chaise. Quelle vie de chat !

— Ça fait du bien de t'avoir parmi nous, Rebecca. La maison paraît si vide sans toi.

Je soupire tristement. Ma famille n'a jamais compris pourquoi j'ai tant tenu à m'éloigner d'eux. C'est vrai : j'aurais pu faire mes études à Cork, et rentrer à la maison tous les soirs... Mais j'avais besoin de prendre mon envol, de changer d'air.

Et puis Dublin, ce n'est pas si loin que ça ! Même s'il est vrai que ces dernières années, ma carrière l'a emporté sur le tout reste, me poussant à négliger les autres pans de ma vie. J'ai eu tort, mais on ne peut pas changer le passé.

— Je suis là maintenant, Gabi. C'est tout ce qui compte, non ?

Le sourire de ma sœur fait écho à celui que je lui adresse.

— Tu as raison. Et cette fois-ci, tu resteras un peu plus que le temps d'un week-end.

— C'est ce qui est prévu...

— Cela n'a pas l'air de t'enchanter ?

Gabrielle me connaît mieux que quiconque. Je n'ai jamais rien pu lui cacher. Elle lit en moi comme dans un livre ouvert.

— Je suis heureuse d'être avec vous...

— Mais ?

J'hésite un instant. Est-il raisonnable de tout lui confier ?

Peut-être que oui, peut-être pas. Tant pis, je me lance.

— Mais j'ai du mal à entrer dans l'esprit des fêtes. Je viens de perdre mon job, je retourne chez mes parents alors que j'ai 26 ans, et...

— C'est une mauvaise passe, mais tu finiras par rebondir. En attendant, j'aimerais bien que tu finisses ta phrase.

— Oh, tu sais bien de quoi je voulais parler.

— Edward était un idiot, Becca !

J'imagine que si on considère le fait qu'il détestait Noël, faisait passer son boulot avant moi, et qu'il a fini par se taper celle que je croyais être ma « meilleure amie », alors on peut même dire que c'était un sacré connard.

Effectivement.

Pour autant, je m'étais tellement impliquée dans cette relation, que j'en ai eu le cœur brisé.

Depuis ma rupture avec Eddie, je n'ai plus jamais refait confiance à qui que ce soit en amour. Ni en amitié.

J'ai encore des visions d'horreur de ce satané jour où j'ai surpris mon mec et mon amie en plein ébat. Chez moi. Dans MON pieu. J'ai dû me débarrasser de ce lit et déménager tellement ça me hantait et me donnait des hauts le cœur de repenser à ce qui s'était passé.

— Peut-être que le Père Noël t'apportera un beau mec sous le sapin ? Enfin... En attendant, Alex est déjà là, lui, dit ma sœur avec un petit sourire entendu.

HEIN ?! Est-ce que j'ai bien entendu ?

— T'es devenue malade ? Le cousin de Tim ! J'aimerais autant entrer au couvent, ou plonger dans une piscine pleine de glaçons plutôt que sortir avec ce gars.

— T'as pas toujours été de cet avis...

Oh, je vois, on sort les vieux dossiers !

Quand nous étions petits, puis ados, Alex venait passer ses vacances à Síorghlas.

L'été de mes 16 ans, je suis tombée follement amoureuse de lui. C'est arrivé d'un coup, sans trop que je ne sache comment ni pourquoi.

J'étais sur le point de lui avouer mes sentiments quand j'ai appris qu'il sortait avec une nana que je détestais. Et le comble, c'est qu'à l'époque, il passait son temps à m'appeler « la petite ». Cela me mettait hors de moi.

À partir de l'été suivant, il a commencé à espacer ses visites. Et un an plus tard, c'est moi qui suis partie à Dublin. Jusqu'à cet après-midi, on ne s'était plus retrouvés dans la même pièce depuis cinq ans.

Même si ça m'en coute de l'admettre, Alex est devenu encore plus canon qu'avant. Et je dois dire que son charme insolent ne me laisse pas insensible.

Du coup, je passe sans cesse de l'envie de le gifler à celle de l'embrasser pour le faire taire.

Ce mec finira par avoir raison de ma santé mentale.

🎄🍪🎄🍪🎄

Rdv au prochain chapitre pour voir comment se porte la santé mentale de Rebecca 😜😊

Belle journée à tous ☀️

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