Partie 2 : Chapitre 3

1.3K 141 10
                                    

Les prémices de l'aube se tintaient d'un bleu très froid qui surplombait une forêt d'arbres nus taillés comme des couteaux. Chaque matin, sous l'avancée, il me semblait apercevoir sa silhouette au loin. Elle ne grossissait pas, car celle-ci n'existai tpas ailleurs que dans ma tête. J'observais quelques gouttes de rosée s'écouler lentement de la rigole, écoutais le gazouillis régulier et clair des oiseaux dans leur niche. Elle est suspendue à un arbre et se balance ; les moineaux entrent et sortent tandis que percent les premiers rayons du soleil sur l'herbe plane. 

Ces quelques minutes passées dehors, tôt le matin, m'enveloppaient d'une tendresse que je parvenais à concevoir uniquement par le biais de la nature que j'ai toujours tant aimée. Elle seule sait m'offrir l'instantanéité du bonheur. Bien que court et éphémère, celui-ci est journalier, et le seul qu'il me restait alors, je crois. 

J'étais souffrante, atteinte d'un mal qui ne connait nulle cure, à moins de suivre les conseils du jeune Werther que je m'étais remise à lire. Je regardais les oiseaux comme lui admirait les fleurs, comme lui admirait les étoiles. 

Très souvent, je pleurais, et du fait, en venais à me haïr. Je songeais à cette femme, à cette femme pour qui je n'avais rien fait. Puis je me disais : Qu'aurais-tu pu faire ? ils t'auraient battu toi aussi

J'évoluais à travers un ensemble inextricable, un dédale de questions, et la nuit devint pour moi un véritable supplice. C'était une épreuve où les souvenirs se faisaient implacables, et où l'enfer me plongeait dans un océan de remords. Je rêvais souvent de Diederich, plus que de Hans qui disparaissait peu à peu de mes songes. Ces rêves me terrorisaient, et je me réveillais en sueur dans les tentacules des draps. 

Mon corps faiblit bientôt comme je ne mangeais plus, et je fis quelques malaises sans toutefois demander à consulter un docteur. Je gardais tout cela pour moi afin de n'inquiéter personne. 

Un soir, pourtant, je décidai d'en finir, et me mis à courir à travers la forêt qui se trouve derrière notre ferme. Mais lorsque j'arrivai aux falaises, je me laissais tomber bien pitoyablement sur un tapis de mousse, incapable de mener cela à terme. 

Je me consumais de l'intérieur, en silence ; avais-je franchi la maudite ligne ? Il me semblait pourtant que je n'étais pas une si mauvaise personne ; les autres parvenaient à me faire douter. J'étais maussade et amère, sans parvenir à lâcher prise. J'étais tournée vers le passé, annulant ainsi tout espoir d'un futur meilleur. 


Un matin, à la mi-avril, je décidai qu'il était temps d'aller chercher des réponses à mes questions. Je traversai donc le village et me rendis dans notre ancien cinéma, désormais réservé aux Allemands. 

Comme je ne trouvai personne devant les portes, j'entrai avant de parcourir le vestibule désert du Soldaten Kino. J'observai les affiches, ces acteurs et ces actrices que je ne connaissais pas, ces belles femmes blondes à la chevelure crantée dont le regard se perdait sur l'horizon. À ma droite, une porte grinça, et un jeune homme qui devait avoir un peu plus de la vingtaine, un soldat, apparut. 

— Bonjour, fis-je précipitamment. 

Il me considéra après avoir vaguement sursauté, puis ferma la porte. 

— Qui êtes-vous ? demanda-t-il dans un parfait français. Vous n'avez pas le droit d'être ici. 

— Êtes-vous Matthias ?Mais à cette question, je le vis froncer les sourcils. 

— Vous connaissez mon nom ? Est-ce que je vous connais ? 

Il m'examina avec de petits yeux, la tête légèrement inclinée vers l'avant. 

LiebchenWhere stories live. Discover now