Partie 4 : Chapitre 3

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Au printemps 1943, Hans décida de nous aider. Il disait que c'était la peur et la lâcheté qui permettaient la barbarie. Il n'était plus parmi les fous, mais parmi ces fantômes qui changèrent de camp, ceux dont l'Histoire ne retiendrait rien, ou pas grand chose. Si le réseau se méfiait, refusant de faire confiance à un Allemand, on lui transmit un questionnaire. Dans un carnet, Hans transcrivait des informations capitales aux alliés. Il décrivit la concentration des troupes et des bateaux, les manœuvres d'embarquement — l'ennemi pouvait-il transporter des chars ? Les Allemands pensaient-ils encore pouvoir envahir l'Angleterre ?

D'autres questions à propos des uniformes, les couleurs et pattes d'épaules, les rangs, le nom des officiers desquels Hans faisait partie. Quel était le moral des troupes ? Vint le matériel. Situer les dépôts d'essence et de munitions. Où se trouvait le Quartier-Général ? L'État-Major ? La Kommandantur ? La police allemande ?

Très important : la défense. Quel système de patrouille côtière ? Situer les mitrailleuses, les postes d'artillerie, les projecteurs, la défense contre les avions,l'aérodrome. Combien d'appareils dans la région ? « Ajoutez des croquis. »

Quels résultats ont donné les bombardements alliés ? Suggestions d'emplacement naval ou militaire à bombarder ? « Soyez exact ! »

Considéré ou pas, Hans remplit cette feuille avec l'application militaire que je lui connaissais. Il n'omit aucun détail, passant ainsi des jours à préciser, à compléter.



La nuit, penché sur le bureau à la lueur d'une bougie, il ajoutait des coordonnées, des conversations, des noms, des plans, des secrets. Je me levais et lui disais : « Viens, il est tard, retourne te coucher. » Il acquiesçait, assurant qu'il allait me rejoindre sans toutefois le faire.

Un matin, je le trouvai endormi sur les cartes. Au beau milieu des taillures de crayons, ses lèvres entrouvertes contre sa main, il respirait d'un rythme tranquille.

Ses bras sur la table soutenaient sa tête, et je regardais ses yeux vibrer sous la paupière, curieuse de connaître ses rêves.

Je posai ma main sur son épaule.

— Hans... Hans ?

Je vis les longs cils blonds s'ébattre, dévoiler le bleu endormi.

— Excuse-moi, murmura-t-il en se redressant sur sa chaise.

— Tu as de l'encre sur la joue.

Ach ja? (Vraiment ?)

Je plongeai dans l'eau un petit linge que j'essorai.

— Garçon, dis-je en essuyant son visage, j'ai l'impression d'être votre mère.

Il posa ses mains sur mes hanches avec un sourire grivois.

— Ma mère ne fait sûrement pas ce que tu as fait hier soir.

— Hans..!Je détournai les yeux.

— Quoi ? C'est si beau de te voir rougir...

Il enlaça tendrement ma taille, sa tête contre mon ventre.

— Ta mère ne t'a pas eu dans les choux.

— Elle aurait préféré, crois-moi.

Doucement, je me mis à rire, caressant ses cheveux.

— Ne parlons plus de ma mère, reprit-il. J'ai beaucoup réfléchi cette nuit, je vais parler à Ralph.

— Ralph ? Qu'est-ce que tu veux lui dire ?

— Il est fiable, non ? D'ailleurs, je ne le demande pas, je sais qu'il l'est.

LiebchenWhere stories live. Discover now