Les Larmes Noires du Dragon Tome 1 - Écuyère /// v2/// Terminé

Chapitre 36 - L'Écu ou l'Anneau, fin

– Obscura ! Par ici ! lui signala Elsya avant de l'aider à s'extraire du terrain.

L'écuyère releva la visière de son casque puis enjamba la simple corde qui délimitait la zone de ceux qu'on pouvait taper de ceux qu'on ne pouvait pas. Elle était couverte de boue et son armure était cabossée. Les coups d'épées, de sabres et de haches — toutes émoussées exprès pour le tournoi — l'avaient un peu assommé. Elle regarda autour d'elle ; beaucoup d'autres se relevaient péniblement dans la gadoue en gémissant et titubant. Ici et là, quelques traces de rouges marquaient les cuirasses. Tout s'était bien passé, il n'y avait aucun blessé grave à déclarer.

C'était le cinquième behort qu'elle achevait, et plutôt bien. Elle s'était bien défendue aux Pas d'Armes en protégeant son territoire des assauts de ses adversaires, mais avait fait match nul pour son Emprise d'Armes montée. En revanche, elle avait fini dans les premiers au behort à l'épée, à la hache, à cheval, en équipe avec Edhel, de dos à reculons, et là elle se débrouillait très bien pour le mixte, toutes années confondues... La preuve : elle était encore debout et relativement consciente. Alors que Louhan, par exemple, avait été sorti dès sa première épreuve en behort simple.

Abasourdie, Elsya la conduisit jusque sous la tente de l'infirmerie pour un petit contrôle d'après match. Edhel aussi avait réussi, bien que son visage soit maculé de boue là où le casque ne le protégeait pas. Il parut satisfait de sa performance même s'il se sentait entravé par son armure. Il ne pouvait sauter et virevolter comme il le faisait d'habitude.

L'infirmière Kenmyr' faisait courir ses soigneurs dans tous les sens, donnant des ordres et criant pour avoir plus de compresses ou de pommade au chou. Elle obligea Idrid à s'allonger un instant pour que le paysage autour d'elle arrête de danser, et réussi à réveiller Louhan en lui versant un verre d'eau froide au visage (il cria comme un petit animal, un genre de couinement rigolo qui fit aboyer tous les Compagnons dans la tente voisine).

Obscura eut à peine le temps de mettre un peu d'onguent sur son épaule douloureuse — là où Bérinon l'avait frappé exprès à répétition malgré les points de pénalité qu'il recevait. Elle n'avait pas pu s'occuper de lui car juste après un autre écuyer avait percuté son adversaire et projeté par dessus les barrières de cordes. Elle l'avait vu jeter sa hache avec un grognement de rage et partir en bousculant ses amis lorsqu'il comprit qu'il était éliminé du match. Elle aurait aimé s'en charger elle-même, mais tant pis. Elle n'allait pas bouder ce petit plaisir.

Vint ensuite la Quintaine. Cette fois-ci, Obscura remit tout son plus lourd équipement, le grand heaume tête de crapaud avec le cimier, les hautes spalières, le plastron, l'écu orné de son blason et tout le tralala de quarante kilos. On lui donna une lance, elle entra dans la lice.

Cette épreuve d'adresse consistait à percuter un mannequin de la pointe, soit en visant son bouclier (14 points), soit un minuscule anneau d'or (52 points) posé sur son sommet. Il était armé d'un fléau d'armes et fixé sur un poteau tournant, si bien qu'il l'envoyait sans pitié sur le participant qui le défiait. À moins qu'il ne se protège à temps de son bouclier ou qu'il n'arrive à esquiver, le boulet bardé de pointes frapperait le jouteur à coup sûr. Et pour rajouter un peu de piquant à l'affaire, Chevalière Douceliah l'enflamma. La foule l'acclama : ça allait être intéressant.

Louhan fut le premier. Douceliah l'avait renvoyé sur le terrain quand elle avait compris qu'il faisait semblant de dormir. Tremblant sur sa monture, il observa avec angoisse le stade entier qu'il l'applaudissait. Son armure, typiquement briandonne, faisait toujours autant rire le public. Son casque ressemblait à une grande boîte de conserve d'où n'était visible que son regard terrifié.