Chapitre 62 - Fin du Bal, fin

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La grande porte de la salle du bal ne tenait plus qu'à un gond. Dans les couloirs, des murs défoncés, des statues renversées, des casiers éventrés marquaient une longue piste de destruction, celle du trio Rise — Obscura - Melrius. Chacun voulait stopper (ou tuer) les deux autres, dans de grands mouvements laissant des traînées de Noir et de Brume. Les coups pleuvaient, les lames ricochaient contre les murs. Ergil en feranforme suivait juste après, surmonté d'Edhel couvert de griffures et agrippé à son cou, et de Tlara accrochée à sa queue flottant derrière lui en drapeau. Ensuite venaient les Paladins et les professeurs plus ou moins blessés, puis les quelques écuyers courageux. Et encore après, Hildihildimit qui pestait, soufflait et jurait comme un minuscule soldat invisible et haletant.

Au détour d'un escalier, l'immense chacal percuta l'angle d'un mur. Edhel fut éjecté de sa monture sauvage et dévala les marches. Il n'eut pas le temps de se relever qu'il se sentit aussitôt tiré dans l'un des corridors attenants. La foule passa en courant sans le voir ni remarquer son absence, trop occupée à suivre le dangereux trio et la créature en liberté dans les dortoirs. Déjà le vacarme de la cavalcade s'assourdissait au loin.

Il se défendit et repoussa les mains qui le maintenaient. Des ombres et des murmures l'entouraient. Du sang lui maculait le visage.

– Votre Majesté, nous allons vous ramener chez vous, lui chuchota le chef des agents sidhes.

Ils s'étaient éclipsés dès que la situation avait dégénéré tout en restant dans les parages : ils avaient senti que l'occasion de récupérer la princesse en fuite ne tarderait pas. Ils avaient aussi entendu assez de choses intéressantes pour que Neredhel puisse en tirer son parti d'une manière ou d'une autre lors des prochaines négociations.

Edhel se releva et recula contre le mur. On lui barra la route des deux côtés.

– Vos parents seront heureux de vous revoir, mademoiselle Rinalta.

– Je ne connais pas de Rinalta. Dégagez.

Son ancien prénom lui fit l'effet d'une décharge. Une grimace de dégoût lui tordit le visage.

– N'ayez crainte, vous serez très bientôt revenue chez vous. Vous pourrez redevenir qui vous êtes vraiment sans être obligée de vous déguiser en homme pour ne pas attirer les regards. C'est un procédé courant chez les princesses. Et ne vous en faites pas, votre cousin vous épousera même avec un œil en moins, les accords sont déjà signés.

- Il n'y a pas de Rinalta ! rétorqua Edhel avec un mouvement d'impatience. Je ne vous suivrais pas. Allez redire ceci à mes parents : soit ils me considèrent comme leur fils, soit ils m'oublient pour toujours. Je ne reviendrais pas sur ma décision. Chez moi, c'est là où les autres m'acceptent tel que je suis.

– Je suis infiniment désolé, votre Majesté, mais nous avons reçu des ordres, et votre consentement n'en faisait pas partie. Nous partons dès ce soir mais le voyage sera court. Je suis certain que vous aimerez votre robe de mariée, toutes les demoiselles du pays vous jalouseront.

À ces mots, Edhel tenta de s'enfuir. Le capitaine sidhe fut plus rapide et lui frappa l'épaule, deux autres se jetèrent sur lui. Edhel se débattit, cria alors qu'on lui fichait un bâillon pour l'empêcher d'appeler à l'aide. Une bouffée de révolte lui redonna de la force : il prit appui sur ceux qui le maintenaient pour sauter et envoyer un coup de pied dans le visage du chef. Ensuite il planta son coude dans le ventre de l'un, projeta son front dans la mâchoire d'un autre et s'enfuit en courant.

Il devait d'abord sauver Obscura et Ergil. Il aviserait pour son compte, mais plus tard.

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Les Larmes Noires du Dragon Tome 1 - Écuyère /// v2/// TerminéWhere stories live. Discover now