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"Qu'est-ce que vous avez vu, ce jour-là ?

- Je n'ai rien vu, monsieur le commissaire. Je n'ai pas pu rentrer. Vous étiez déjà là.

- Mais vous étiez déjà à l'intérieur, n'est-ce pas ?

- ..."

Un olivier et quelques platanes. Le soleil qui vient mourir sur la porte rouge au bout de l'allée en ardoise. À gauche, les journalistes avec leurs caméras immenses, leurs carnets, leurs regards perçants. À droite, les photographes. Quelques cigales. Des tournesols dans un vase près des marches. Il entre.

Des uniformes se démènent dans le hall carrelé. Deux d'entre eux tendent une banderole jaune fluo entre une table et une armoire. Ne pas franchir. Dans le fond, une cage d'escalier et une bouteille de vin vidée sur le sol en une large flaque pourpre.

À gauche, la cuisine. Deux hommes comptent les couteaux avec des gants. Les placards sont ouverts sans ménagement avec des sons grinçants. Lugubres. Deux assiettes attendent dans l'évier. Les volets sont fermés. Un plat vert rempli de pêches trône au milieu d'une table. Un mince rai de lumière. Il y a des épis de blés sur la nappe feutrée.

À droite, le salon. Par les fenêtres closes, un aperçu des voitures noires, vitres teintées, des reflets. Quelques sapins et une montagne en arrière plan. Les Alpes du sud, un peu diffuses. Deux canapés bruns, une cheminée sans feu. Une plante agonise dans un coin. Un livre sur une table basse, tête la première. Un peu de poussière.

Il monte l'escalier. Quelques ombres se dessinent sur les murs. Un couloir, les planches d'un vieux parquet. Deux chambres, une salle de bain. Une baignoire bleue et un miroir couvert de tâches. Deux brosses à dent dans un verre au-dessus de l'évier blanc.

Depuis la première chambre, vue sur le jardin et sur la montagne. Uniformes qui fouillent dans une grande armoire. Le lit est défait et les étagères vides.

Il ne peut pénétrer dans la seconde chambre. Il attend à la porte. Quelques uniformes passent, puis un homme, grand, veste bleue et yeux baissés. Il entre. Des policiers s'affairent autour d'un grand lit recouvert à moitié d'une couverture jaune, à moitié d'une tâche vermeille. Étalée. Du sang sur le sol, du sang sur un mur blanc. On a dessiné sur le parquet deux traces à la craie, autour de deux corps immobiles. Pâles. Déformés. Leurs yeux sont ouverts. Un homme en blouse immaculée s'agenouille et note quelques mots sur un carnet. Le soleil est entré sans frapper. Un poisson rouge nage tranquillement dans un bocal.

Pas d'olivier et plus de platanes. La voiture est rouge. Ils roulent depuis l'aube sur l'autoroute déserte. Taehyung a mis un peu de sang sur le volant et les traces se voient à peine. Un regard dans le rétro. Ils sont loin déjà. Sa main sur le levier de vitesse. Les doigts de Jungkook viennent se lier aux siens. Un regard appuyé et sans peur, le cœur calme.

C'est une vieille voiture, le moteur crache un peu. Il y a quand on lève les yeux un peu de bleu sur le pare-brise. Ils ne disent pas un mot. Jungkook fouille dans la boîte à gants et insère une cassette dans l'auto-radio.

Lemuria - TaekookWhere stories live. Discover now