Mon ange [terminée]

Chapitre 10

Face à sa déclaration, je fronce les sourcils et me met à lui rire au nez, me détachant de lui.

–Oui, bien sûr! Et moi je suis Ève! plaisanté-je.

Son visage se décompose. Je pense qu'il s'attendait à ce que je le croie sur parole. Le fait qu'il ne rigole toujours pas m'interpelle.

–Qu'est-ce que j'aurais de plus à te mentir?! s'énerve-t-il en se relevant.

Peut-être ne mentait-il pas. Après tout, il est possible qu'il soit un mythomane. Ces gens-là croient dur comme fer à leurs mensonges. Je m'apprête à me lever lorsqu'il m'arrête d'un geste de la main en me demandant de ne pas partir. Je force sur mes jambes, rien n'y fait. C'est comme si une barrière invisible m'empêchait d'avancer. Je le regarde terrorisée.

–Qu'est-ce que... Que se passe-t-il?! crié-je, affolée.

Il abaisse sa main et, comme par magie, je réussis à me lever. Je ne comprends absolument pas ce qui vient de se passer. A-il un quelconque pouvoir de télékinésie ? Je vais me plaquer contre la porte, ne sachant pas comment réagir. C'est ce moment-là que choisit Rémiel pour l'ouvrir et rentrer dans la chambre, me bousculant au passage. Je me trébuche mais ne tombe pas.

–Pardon ! me dit-il en me regardant de la tête aux pieds. Excuse-moi, Aemiliana. Ah tu es réveillée !

Je fronce les sourcils. Alors comme ça il connaît aussi mon vrai prénom ! Je constate qu'il est toujours tout de blanc vêtu, ce que je trouve extrêmement étrange. Mais, sa façon de porter ses habits m'arrache un sourire furtif. Il porte un t-shirt (blanc bien sûr) rentré dans un jeans skinny blanc qui s'arrête aux chevilles, le tout est assorti avec des adidas blanches clinquantes. Il est à la mode, Casper à ce que je vois ! Son regard passe de moi, qui doit avoir l'air assez effrayée – bien que son style vestimentaire m'ait distraie pendant un court instant – à Sam.

–Oh, lâche-t-il. Tu lui as dit.

–Me dire quoi ?! Que vous êtes tous tarés et que vous m'avez probablement droguée ?! Eh bien visiblement pas assez ! Je suis encore assez consciente pour ne pas croire en vos stupidités.

Rémiel me toise, agacé. Il relève son t-shirt et, au moment où je m'apprêtais à prendre la poudre d'escampette par la porte restée ouverte, il se tourne et deux énormes ailes d'une blancheur exceptionnelle jaillissent de son dos. La lumière qui en émane est telle que je dois fermer les yeux. Lorsqu'il les fait disparaître, je les réouvre. Je reste bouche bée face à ce spectacle.

–Euh... ok. Visiblement la dose était assez forte, dis-je en allant me rasseoir sur le lit.

–Tout ça est vrai, mon ange, déclare Sam.

Son surnom stupide m'arrache un rire ironique.

–Ce n'est pas moi l'ange dans cette histoire, apparement. Pourquoi ne m'as-tu pas montré tes ailes, si tu en es vraiment un ?

Un éclair de douleur passe sur son visage. Il se retourne et soulève son t-shirt. Cela me laisse apercevoir deux grandes cicatrices en forme de V. C'est étrange, mais je ne les avais pas remarquée lorsque je l'ai soigné.

–Est-ce que cela veut dire que... tu as perdu tes ailes?

Il hoche la tête.

–Ce n'était pas une sorte de comète orangée que tu as vu, mais ma chute. Je suis un ange déchu.

Alors comme ça Sam, ou plutôt Samaël (je comprends mieux le prénom spécial du coup), avait été un ange. Ça explique son physique à tomber par terre et son magnétisme envoûtant, bien qu'il ait été déchu. On se croirait presque dans Alice aux pays des merveilles. D'ailleurs, une part de moi est convaincue que je dors toujours. Tout cela me semble si invraisemblable... Et pourtant, je l'ai vu de mes propres yeux.

–Pourquoi les as-tu perdues ? osé-je demander.

Il regarde Rémiel.

–Il est temps, mon frère, lui dit ce dernier.

Leur regard se pose à nouveau sur moi, et une migraine commence à se former dans ma tête. Peu importe leurs révélations, elles ne sont pas de bonne augure, je le sais. Samaël inspire un grand coup avant de tout déballer :

–J'ai été déchu à cause de toi, en quelques sortes.

Ça commence bien. Je connais à peine cet homme et il me rejette déjà la faute!

–Tu est censée mourir cette semaine. J'ai bravé leur interdiction de m'en mêler afin de venir te protéger.

Le choc de cette révélation me cloue sur place et je m'affaisse.

–Comment devrais-je mourir ?

Il hausse les épaules.

–Les archanges ne connaissent pas les raisons de la mort d'une personne. Mais, si je devais deviner, je dirais que c'est par ton père.

Je fronce les sourcils, contrariée.

–Mon père ?

–Tes parents ne sont pas tes vrais parents, me balance Rémiel d'une voix calme.

–Je... Je ne comprends pas, lui dis-je déboussolée.

Il poursuit:

–En résumé, ta véritable mère était une archange. Elle a été envoyée sur terre afin de décimer une organisation d'anges déchus voulant prendre le contrôle de la terre et détruire le Paradis. Elle a rencontré ton père, un ange déchu qui l'a charmée par son côté mauvais garçon, je présume. Les archanges l'ont donc foutue à la porte à cause de cette union interdite. Elle était très amoureuse et par je ne sais quel miracle, elle est tombée enceinte. Ils étaient très heureux. Du moins jusqu'à ce qu'elle apprenne au détour d'une conversation qu'elle a entendue entre ton vrai père et quelqu'un d'autre, qu'il était le dirigeant de l'armée que le Paradis tentait d'éliminer. Et que, en plus de ça, il allait tuer l'enfant – donc toi – à sa naissance.

Samaël continue à son tour l'histoire :

–Il savait très bien qu'à tes vingt-deux ans, il aurait l'obligation de partager avec toi son royaume. Et ça, c'est bien la dernière chose qu'il souhaite.

–Pourquoi ne m'a-t-il pas tué lorsque j'étais bébé alors ?

C'est Rémiel, cette fois, qui reprend :

–Ta mère l'a dénoncé aux archanges en échange de ta protection et aussi afin de récupérer de son statut d'ange.

–Tu as donc été déposée chez des parents aimants avec, comme protection, un ange gardien, c'est-à-dire moi.

Sous le choc de ces révélations, je m'allonge sur le lit.

–Je suis la fille d'un archange et d'un ange déchu, murmuré-je à moi-même. Et mon vrai père veut me tuer.

–J'en ai bien peur, mon ange.

Je ferme les yeux et souhaite au plus profond de moi me réveiller de ce cauchemar au plus vite.