Chapitre 16

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Je dépose le sac devant le feu. Lui, pose les autres à côté.

–Je vais calfeutrer la pièce, comme ça on pourra dormir ici en sécurité.

–Tu veux de l'aide ? lui proposé-je.

Il rigole en me toisant, secouant la tête négativement. Merci Azaël pour le ton condescendant et macho ! La fatigue m'empêche de protester. Je l'observe se diriger vers une des bibliothèques qu'il pousse jusqu'à bloquer la première porte. La facilité avec laquelle il le fait me déconcerte. C'est comme s'il bougeait une boîte toute légère. Je reporte mon attention sur les sacs.

Je renverse le contenu des deux premiers et contemple tout ce qu'il a ramené. Je n'aurais jamais deviné qu'ils contenaient tant de trucs. Deux choses attirent plus particulièrement mon attention:  des couvertures bordeaux qui semblent si douce que je ne demande qu'à m'enrouler dedans ! Je les effleure du bout des doigts en fermant les yeux. C'est encore plus doux que ce que je ne croyais ! Je regarde le reste. Un paquet de biscuits, des mouchoirs, deux brosses à dents, un dentifrice, deux sandwiches préemballés, deux bouteilles d'eau d'un litre, une bouteille de vodka, des gobelets, du maquillage sommaire. Il a presque pensé à tout. Je trie le tout selon leur catégorie avant de saisir les deux autres sacs.

J'ouvre le premier et y découvre un ensemble de sous-vêtements noirs sobres, un short en jeans noir, un top noir également, ainsi qu'une paire de chaussettes et un sweat. Dans l'autre, je m'aperçois que ce sont des habits masculins, je ne m'y attarde donc pas trop.

Je défais une des couvertures et je m'enroule dedans. Ensuite, je me retourne et attends qu'il ait fini de calfeutrer toutes les sorties, sauf la fenêtre et heureusement, sinon ma claustrophobie aurait refait surface en force. Il revient près de moi, attrape un sandwich et il va s'asseoir dans un des deux fauteuils. J'en attrape également un et nous commençons à manger, en silence. Il n'est pas très loquace. Mais je dois avouer que ce silence me fait du bien. Il y a néanmoins une chose qui m'intrigue.

–Dis-moi, Azaël, pourquoi m'avoir dénoncée si c'était pour me sauver après ?

Il ne me répond pas et termine de manger. Il se sert un verre d'eau et  c'est après avoir bu qu'enfin il déclare :

–C'est pourtant pas compliqué à comprendre.

Je fronce les sourcils. Ai-je manqué un épisode ? Rien qui me vient à l'esprit ne pourrait justifier ce qu'il a fait. Voyant que je ne comprends pas, il m'explique, visiblement exaspéré:

–Si j'avais refusé l'offre de ton père pour rejoindre son armée, tu crois qu'il m'aurait laissé en vie ou même en liberté ? Qui aurait sauvé la princesse alors ? Certainement pas mes bons à rien de frères.

Finalement, je préfère quand il se tait. Pour qui se prend-il franchement ?

–La « princesse » comme tu dis, aurait très bien pu se débrouiller seule. Elle n'avait pas besoin de ton aide.

Il lève les yeux au ciel et se mure à nouveau dans le silence. Lorsque j'ai terminé de manger et de boire, il saisit un mouchoir, la bouteille de vodka et s'accroupit face à moi. J'ai un mouvement de recul.

–Tu fais quoi là ?

–Il t'a blessée. Je vais nettoyer la plaie.

Sous le choc et l'adrénaline sûrement, j'avais complètement oublié. C'est lorsque j'y repense qu'une douleur lancinante réapparaît dans mon cou.

–Attends !

Anticipant ce qui va arriver, je lui prends la bouteille des mains, dévisse le bouchon et me force à boire une grande gorgée. Je la repose et me mets à tousser comme une folle.

–Tu bois, d'habitude ? me demande-t-il d'un air réprobateur.

La gorge en feu, je suis incapable de lui répondre. Je lui fais non de la tête à la place. Il reprend la bouteille, place le mouchoir en-dessous de la blessure et il laisse le liquide couler dans et sur la plaie. La douleur se ravive intensément. Je serre les dents et ouvre grand les yeux. Je ne veux pas qu'il me voit comme une poupée fragile. Même si c'est probablement plus le cas que je ne le voudrais. Je gémis faiblement, dans un état de détresse. Je n'ai pas l'habitude de souffrir de grosses blessures. La plus grave a été de me coincer le petit doigt dans la porte... Ça m'a fait un mal de chien mais ce n'était rien comparé à maintenant.

Le mouchoir n'étant pas assez étanche, des gouttes s'en échappent et viennent couler le long de ma clavicule, pour ensuite descendre entre mon décolleté et poursuivre sa course le long de mon ventre, ce qui me fait frissonner. Je regarde Azaël. Il a suivi mon regard et observe les gouttes quitter le mouchoir, pour descendre le long de mon buste et disparaître là où il ne peut plus les voir, après la naissance de ma poitrine, derrière la chemise. Il semble hypnotisé. Il humidifie ses lèvres et un mélange de sentiments contradictoires se mélangent en moi. C'est à la fois assez excitant et quand même un peu flippant.

–Je... Je vais le faire moi-même. Merci !

Je lui prends le mouchoir des mains et recule, en essuyant les coulées. Il attrape à nouveau la bouteille d'alcool et boit plusieurs gorgées, sans souci. Il la repose bruyamment en se relevant.

–Je vais aller refaire un tour de ronde dehors. Tu devrais essayer de dormir.

Sur ce, il déplace à nouveau une bibliothèque et disparaît derrière la porte. J'inspire et expire comme si je venais de retenir mon souffle pendant trop longtemps. C'était... intense. Mais je ne parviens pas à le cerner. Est-il foncièrement méchant ? Ou y a-t-il plus de bien que de mal en lui ? Je me dirige vers une des bibliothèques et cherche après un livre qui pourrait me distraire, afin de le lire à l'aide de la lumière du feu. Ils sont anciens et il faut dire que oui, j'aime lire mais pas ce genre de littérature. Je suis donc plus que contente lorsque je tombe sur un livre de Stephen King, parmi eux, et légèrement apeurée lorsque je vois qu'il s'agit de « Shining », que j'ai déjà lu. Je m'allonge, emmitouflée dans la couverture, au coin du feu et entame ma lecture. Je ne remarque même pas que je m'endors au bout de dix pages, et que tout devient donc noir.

***

Je m'éveille, dû à la clarté et au chant des oiseaux. Je constate que j'ai bien chaud, pourtant le feu est éteint. J'ouvre totalement les yeux et me rends compte que je suis en réalité allongée sur une couverture, à moitié collée à Azaël. Je me demande si c'est moi qui me suis mise comme ça ou si c'est lui qui a squatté l'endroit. Je décale la couverture et constate qu'il est en boxer noir, sans rien d'autre. Profitant qu'il dorme, je fais courir le bout de mes doigts sur son torse et souris. Qu'est-ce que je rêve de poser mes lèvres sur les siennes pour le réveiller en douceur. Je secoue la tête. Non ! Emmy, qu'est-ce qui te prend ?! Il a dû me lancer un sort, c'est pas possible.

Je me recule un peu et m'assieds. J'ai dormi comme un bébé, et je n'ai exceptionnellement même pas fait de cauchemars. Je me demande si c'est dû à sa présence. Un raclement de gorge envahit la pièce et je hausse les sourcils, légèrement paniquée lorsque je me rends compte que ça ne vient pas de lui. Je lève la tête et pousse un cri, un relevant la couverture sur mon corps à peine couvert grâce à la chemise d'Azaël. Je suis encore plus désemparée lorsque je vois la personne qui se tient dans l'encadrement de la porte menant au hall.

–Tu n'as pas perdu de temps, à ce que je vois, lance Sam très très en colère.

Mon ange [terminée]Where stories live. Discover now