10 - Le punchingball

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Les mains agrippant fermement le guidon du vélo stationnaire, je souffle. Je pédale depuis maintenant cinquante minutes. J'ai dépassé mon kilométrage habituel et bien que je sois fatiguée, la colère qui me ronge me pousse à dépasser mes limites. Il est 21 heures passées et bien que la salle de sport ferme d'ici une heure, je me dis que je vais rester jusqu'à la fermeture.

Colleen, à côté de moi, qui pédale tranquillement sur son vélo, m'accorde un regard inquiet.

— Wow Nikki, calme-toi ! panique-t-elle en me voyant grimacer.

Mes jambes ne veulent plus m'écouter. Je dois être rouge écarlate car mon visage est bouillant mais je ne peux pas m'arrêter.

— Je te jure, si je pouvais l'ouvrir ne serait-ce qu'une fois ! m'écrié-je. Je m'étais juré de ne pas me laisser marcher sur les pieds. « Qu'est-ce vous faites encore là ? », l'imité-je en grinçant des dents, et tu sais quoi ?

Je tourne la tête vers Colleen et me rends compte que les quelques rares sportifs encore présents dans la salle attendent eux aussi la suite de mon récit. Tant pis, après tout, pourquoi ne pas leur faire part des mauvais coups de mon maître de stage ? Ce sont des habitués de la salle, comme moi, donc ce ne sont pas des inconnus, enfin pas tout à fait.... Je peux partager mon histoire avec eux.

— Après ses remarques, j'ai dû trier une grosse pile de feuilles et les classer par ordre alphabétique. Je devais récupérer les demandes qui pouvaient être retenues par l'agence. J'y ai passé trois heures. Trois putains de longues heures, à lire toutes les demandes et à essayer de voir si oui ou non, c'était intéressant ! Et quand j'ai eu fini, quand j'ai eu fini ! crié-je en m'étouffant en même temps car je n'ai pas bien respiré.

— Nikki, tu m'inquiètes. Si tu es dans cet état après une simple journée de travail, comment seras-tu dans quatre mois ? me coupe Colleen.

— Quand j'ai eu fini il m'a dit que les papiers étaient bons à jeter, qu'il ne s'agissait que des demandes non retenues ! Il m'a fait bosser pendant trois heures pour rien et il a dit que c'était pour me préparer à mon futur travail. T'y crois toi ? Il m'a dit de trier les demandes refusées bon sang !

Je suis comme folle. Nous sommes lundi soir et Colleen a raison, bien que ce soit mon premier jour, je suis déjà hors de moi.

— J'ai bien eu raison de dire que je n'avais pas à m'excuser. Tu ne peux pas savoir à quel point j'ai pris sur moi pour ne pas m'énerver après ce gros con lorsqu'il a commencé à me prendre de haut. C'est un sexiste à l'état pur, même Ariane me l'a confirmé ! Apparemment, il est odieux avec toutes les femmes qu'il croise.

Colleen voudrait sûrement converser avec moi mais je suis tellement énervée que je ne lui laisse pas le temps de dire ne serait-ce qu'un mot. Essoufflée, folle de rage, les fesses endolories et les jambes en compote, je descends du vélo.

Sans plus attendre, je passe devant la petite salle de boxe et en voyant le punchingball devant moi, j'imagine la tête de Hutson. Si seulement je pouvais rentrer dans la salle (bien qu'il n'y ait pas de coach pour m'encadrer) je me dévergonderais contre le sac de frappe. Au lieu de cela, je me dirige vers le tapis de course. J'ai besoin de me défouler.

Malgré le fait que mon corps déjà endolori me lance des signaux de détresse, je visse mes écouteurs sur les oreilles, pose mon portable sur le bord de la petite étagère contre le mur mise à cet effet et la musique « Psycho » de Muse débute.

D'abord la guitare, entraînante, la batterie entre petit à petit avant de donner le rythme endiablé du morceau. La basse en fond me donne l'impression d'être en parfaite harmonie avec l'esprit de la musique. Les paroles, loin d'être poétiques et douces, me font penser à Hutson et j'ai la rage. « Je vais vous modeler, je vais vous briser, je vais faire de vous, un foutu psychopathe »... j'ai l'impression que c'est lui qui récite ces phrases.

Alliance explosive 1 (Terminée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant