Pour la chair / For the Flesh - A Short Story by @Poisson-d-Argent

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Pour la chair 

de Poisson-d-Argent


Bercés par la Lune, au-delà des nuages, parmi les colonnes vert-de-gris constellées d'œils, dansent les chariots de fer. Leurs feus traversent les hublots du sombre logis, tamisent la pièce, donnant au vestibule grattant le ciel un air sous-marin, presque asphyxiant. Dos à la porte d'entrée, une figure froide, droite, charnelle, humaine, vêtue d'une tunique violette, avance d'une grâce léthargique les mains le long du corps. Face à elle, dissimulé dans l'ombre de l'encart donnant sur la pièce de vie, une silhouette frétillante d'excitation tient à peine debout.

« Qu'attends-tu ? Tu as donné ton cœur et perdu ta langue dans l'échange ! », jure d'un seul souffle la figure qui d'un pied pose l'appui, repousse l'obscurité, prête à bondir à l'assaut.

La silhouette croise ses bras, tremble de peur, resserre fermement en son poing un fin bloc de marbre. En vain, ses défenses n'impressionnent pas la figure qui continue à avancer haussant le ton.

« Parle donc ! Où est passé ton courage quand tu t'es jeté dans ses bras, ton audace lorsque tu as menti à mes côtés. Ton amour, se limite-t-il donc à tes yeux, et ne dépasse pas ton nez ! Tandis que, là, mon cœur reste emprisonné par les phalanges froides de tes mains. », la figure s'arrête.

« Mais cette prison sera la tienne aussi ! Même si mon corps est restreint à toi, ma voix, elle, peut parcourir l'espace et le temps et te rappellera le jour où ton avidité a tué mon amour ».

Genoux à terre, la silhouette plaide sincèrement une cause sans espoir. Ses paumes, tendues vers le ciel, prennent la forme d'un autel. En son centre gît la pièce de marbre tel un pâle agneau pascal. La figure, crispée par le remords, tend son bras vers le sacrifice, mais ne peut aller au bout de son geste. Submergées par l'émotion, ses digues de colère se brisent. Dans un dernier effort, elle pivote de ton son corps pour cacher son visage. Larmoyante, tremblante, ses mains frictionnent ses épaules dans un espoir de réconfort.

La silhouette se relève gracieusement, émerge délicatement des ombres, ses traits et ses contours reflètent une lumière floue. Ses bras embrassent la taille de la figure qui, sur le geste attentionné, tourne son torse, dévoilant son visage humide éclairci pas un sourire lumineux avant de chuchoter ses dernières paroles.

« Je t'aime »

Soudain, la porte d'entrée fond d'un liquide argenté aspiré par les creux du cadre avant de laisser apparaître une seconde silhouette. Couronnés de vaguelettes de chaleur, ses yeux rouges brisent le voile de l'obscurité avant que ses orifices laissent s'échapper un vrombissement de moteur résonnant dans toute la pièce. Elle bondit sur l'autre silhouette. Sur l'échange brutal des deux entités, le marbre s'échappe, écrasé, dévoile la mascarade de lumières, tandis que la figure humaine, brisée, laisse échapper un dernier cri avant de se transformer une pluie de lucioles artificielles inerte.

Exposé à la lumière du défilé nocturne sans fin, les immortels continuent à se battre dans leurs tours célestes. Aveuglés par la peur du temps et de l'espace, la chair fut troquée pour un fer noble. Une prison pour une autre lorsque l'on est son propre tortionnaire, car au final, la peur change de bras. Elle infecte les songes de sa touche froide, donne à l'amour un aspect carnassier, dévore les cœurs et laisse un trou dans la carcasse, une dernière question : « Est-ce que les androïdes rêvent d'amour charnel ? »


For the flesh 

by Poisson-d-Argent


Rocked by the Moon, beyond the clouds, among the verdigris columns constellated of eyes, dance the iron chariots. Their headlights shine through the portholes of the dwelling, drowns the room of dim light, giving the vestibule scratching the sky a submarine feeling, almost suffocating. Spine on the front door, a cold, erect, carnal, human figure, clad in a purple tunic, walks with lethargic grace hands along the body. Facing it, hidden in the shadow of the inset giving to the living room, a silhouette wriggling with excitement barely stands right.

"What are you waiting for? You gave your heart and lost your tongue in the exchange!", swears the figure with one breath, resting with one foot, pushing back the darkness, ready to pounce.

The silhouette crosses its arms, trembles with fear, firmly tightens a thin block of marble in its fist. In vain, its defenses do not impress the figure who continues to advance raising the tone.

"Speak up! Where did your courage go when you threw yourself into its arms, your courage when you lied by my side? Your love, is it limited to your eyes, and does not go as far as your nose! While, there, my heart remains imprisoned between the cold phalanxes of your hands. ", The figure stops.

"But this prison will be yours too! Even though my body is restricted to you, my voice can travel space and time and will remind you of the day your greed killed my love. "

Kneeling on the ground, the silhouette sincerely pleads a cause without hope. Its palms, stretched out towards the sky, take the shape of an altar. In its center lies the piece of marble like a pale paschal lamb. The figure, contorted by remorse, stretches its arm towards the sacrifice, but cannot follow through. Overwhelmed by emotion, its dikes of anger break. In a last ditch effort, it swivels its body away to hide its face. Tearful, trembling, its hands rub its shoulders in a hope of comfort.

The silhouette rises gracefully, emerges delicately from the shadows, its features and contours reflect a blurred light. Its arms embrace the waist of the figure who, on the thoughtful gesture, turns its torso, revealing its wet face brightened by a bright smile before whispering its last words.

"I love you"

Suddenly the front door melts into a silvery liquid sucked through the hollows of the frame before revealing a second silhouette. Crowned with ripples of heat, its red eyes shatter the veil of darkness before its orifices let out the roar of motor echoing throughout the room. It pounces at the other silhouette. On the brutal exchange of the two entities, the marble escapes, crushed, reveals the masquerade of lights, while the human figure, broken, lets out a last cry before transforming itself into a shower of inert artificial fireflies.

Exposed in the light of the endless night parade, the immortals continue to fight in their heavenly towers. Blinded by fear of time and space, the flesh was traded for a noble iron. One prison for another when you are your own torturer, because in the end, fear changes hands. It infects dreams with its cold touch, gives love a carnivorous aspect, devours hearts and leaves a hole in the carcass, one last question: "Do androids dream of carnal love?"

Tevun-Krus #86 - International V: LovePunkWhere stories live. Discover now