Chapitre XV : Cruelles incertitudes

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Les épées s'entrechoquaient dans la cour sous le regard scrutateur d'Alyson. Déjà un mois s'était écoulé depuis l'arrivée subite de la Compagnie à Faudcombe et les Elfes, malgré leur discrétion, commençaient à trouver leurs invités bien trop encombrants. Si durant ces longues semaines Thorïn avait progressé et se montrait légèrement plus ouvert aux critiques d'Annûnglîn, l'Elfe réussissait toujours à le mettre au sol. Alyson espérait qu'il en serait tout autrement aujourd'hui.

Le rythme d'entraînement qu'imposait la guerrière était éreintant et, malgré ses efforts, Ecu-de-Chêne finissait toujours par s'endormir dès que sa tête se posait sur l'oreiller de son lit, qu'il affectionnait tant depuis quelques jours. Son endurance, pourtant déjà importante, était devenue impressionnante et il lui était plus aisé de combattre l'Elfe plus longtemps, qui ne le ménageait pas. Elle poussait Thorïn au bout de ses limites et si Ecu-de-Chêne voulut mettre un terme aux entraînements à plusieurs reprises, ne supportant guère les remarques d'Annûnglîn qu'il considérait inappropriées, il s'accrochait alors à la promesse qu'il avait faite à Alyson et revenait finalement vers l'Elfe une fois calmé.

Non loin de la mutante, Gaultier, assis sur un banc de bois, observait le combat acharné entre Thorïn et Annûnglîn, son luth dans les mains et ses partitions posées près de lui. D'un air distrait, il grattait les cordes de son fidèle instrument pour trouver l'inspiration.

- Que faites-vous donc Gaultier ? Demanda Alyson en se dirigeant vers lui.

- Depuis notre arrivée ici, je compose une ballade en l'honneur du Roi sous la Montagne. Son courage et sa détermination méritent d'être entendus.

- Et avez-vous réussi à composer une chanson entière ?

- Et bien oui, répondit le barde avec un franc sourire. Voulez-vous l'entendre ?

- Avec plaisir.

Le sourire qui éclairait déjà le visage du poète s'élargit. Du bout des doigts, il pinça les cordes de son luth et bientôt, les premières notes s'élevèrent autour d'eux tandis que les lames face à eux s'entrechoquaient dans un rythme effréné.

« O avarice quand tu nous tiens !

Tu nous colles à la peau comme des vêtements lors d'une pluie glaciale.

Tu ne cesses de nous murmurer de perfides paroles

Pour attiser notre égoïsme plus encore ».

Le sourire poli qu'esquissait Alyson s'effaça peu à peu à chaque vers tandis que le barde continuait à chanter, ne remarquant pas que sa composition ne plaisait guère à celle qui l'écoutait.

« Ce Roi, à la lignée si prestigieuse,

Par une sordide vérité

Voit son règne contesté

Par un Nain aux sournoises pensées ».

Du coin de l'œil, Alyson aperçut Ecu-de-Chêne poser un regard noir sur le poète, qui, certain de la qualité de son travail, poursuivait sa ballade en haussant davantage la voix.

« Son courage, si humble soit-il

Ne suffit guère à combattre cet immortel adversaire,

Et vaincu, il finit à terre,

Sous l'air heureux de ce glorieux vainqueur ».

Le Hobbit : Sombres présages [Tome 2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant