Chapitre LIV : L'ultime sacrifice (partie II)

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Incapable de bouger, Thorïn, anéanti, se contentait de rester recroquevillé sur lui-même, le corps d'Alyson dans ses bras. Détruit, il sanglotait au milieu de la dalle, le visage recouvert de larmes contre celui de la mutante. Submergé par la détresse, le Nain ne cessait de caresser la joue d'Alyson comme pour tenter de la ramener auprès de lui.

Ecu-de-Chêne bégayait. Mais les sons qui sortaient de sa bouche n'étaient que des bruits gutturaux où se mêlaient le chagrin et la fureur. Les lèvres tremblantes, il restait à genoux, Gabil-Azanul serrée contre lui. Les yeux inondés par les perles humides et salées, il leva la tête vers le ciel et pria Aulë de ramener celle qui s'était sacrifiée pour lui.

Mais sa complainte resta sans réponse.

Désormais seul face à sa détresse qui l'engloutissait, Ecu-de-Chêne posa son front sur celui d'Alyson. Aucun mot ne saurait décrire son désespoir ; aucune parole ne pouvait l'arracher de son agonie funeste.

Rien au monde ne pouvait le raisonner.

Jamais il ne connut un tel chagrin.

Jamais son cœur ne connut une telle douleur.

Une douleur telle qu'elle l'empêchait de respirer.

Son âme arrachée, Thorïn n'était plus qu'un homme détruit. Le lien qui l'unissait à celle qu'il aimait s'était envolé. La souffrance n'en était que plus vive.

Les mains souillées par le sang de la mutante, le Nain ne pouvait s'empêcher de caresser le visage de Gabil-Azanul, laissant sous ses doigts de petites traces rougeâtres sur la peau d'Alyson. Tel un enfant apeuré, le Nain se balançait, perdu dans les méandres du désespoir. Noyé par la culpabilité, il chuchotait des mots incompréhensibles à l'éternelle endormie.

Brisé, il ne cessait de prononcer le nom de la mutante. Détruit, il implorait l'impossible. Anéanti, il suppliait Alyson de revenir.

Ame détruite et perdue dans un océan de chagrin, Thorïn ne pouvait lâcher le corps de celle qu'il aimait.

- Je vous en prie... Revenez-moi...

Mais la mutante s'entêtait à garder les pupilles rivées vers le ciel étoilé. Éteints de toute vie, ses yeux n'étaient plus que deux abysses engloutis par la mort.

De fins filets de sang s'écoulaient doucement sur la pierre souillée. Les yeux larmoyants, Thorïn les observa s'allonger sur la dalle, telles des larmes infinies avant qu'il ne détourne son regard pour de nouveau le poser sur Gabil-Azanul.

Qu'avait-il fait ?

La brise s'éleva autour du Nain et, entraîné par le vent, un ballet de feuilles aux couleurs automnales tourbillonna autour de l'homme anéanti. Ses cheveux s'élevèrent et vinrent caresser le visage d'Alyson. La brise sifflait comme une complainte pour rendre hommage à celle qui, dévouée pour l'homme qu'elle aimait, avait choisi de se sacrifier pour lui.

Les perles de lumière tombaient une à une sur le corps de Gabil-Azanul et mouillaient sa peau souillée. Dans un geste désespéré, Ecu-de-Chêne plaqua la mutante contre lui et l'étreignit plus fort encore. Les lèvres tremblantes, Thorïn frôla la bouche d'Alyson du bout des doigts.

Il déglutit.

Jamais plus il ne pourrait entendre sa voix.

Jamais plus il ne reverrait son sourire.

Jamais plus il ne pourrait la serrer dans ses bras.

La vérité était plus douloureuse qu'une lame. Plus mortelle qu'une hache. Plus destructrice qu'un coup de massue.

Le Hobbit : Sombres présages [Tome 2]Onde histórias criam vida. Descubra agora