Chapitre XXXIX : Le Clan de l'Ouest

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- Ne pourrions-nous pas faire une pause ?

Ecu-de-Chêne ne daigna pas se retourner lorsque Gaultier se lamenta une nouvelle fois. Épuisé par leur marche éreintante au milieu des roches depuis l'aube, le poète désespérait d'arriver un jour à traverser la chaîne montagneuse. Il soupira sous l'air navré de Bilbo.

- Barahir a parlé du Chemin des morts. Qu'est-ce que c'est ? Demanda ce dernier en rejoignant Balïn.

L'aîné des Nains observa le Hobbit, les yeux brillants de malice.

- Je m'étonne d'entendre cette question de votre bouche, ricana-t-il. Je vais néanmoins tâcher d'être le plus concis possible.

À l'entente de cette nouvelle, Gaultier utilisa le peu de force qui lui restait dans les jambes pour rejoindre le Hobbit et le Nain.

- C'est une bien triste histoire. La Bataille da la Dernière Alliance, qui unit alors les Hommes et les Elfes, a permis la défaite de Sauron. Néanmoins, ceci n'est qu'une partie de l'histoire que les Hommes se plaisent à raconter.

- Que voulez-vous dire ? S'enquit Bilbo, les sourcils froncés.

- Ce qu'il veut dire, intervint Thorïn, c'est que la race humaine ne vaut pas mieux que celle des Elfes.

Derrière le Grand Nain, le barde fit la grimace face à cette remarque qu'il jugeait déplacée.

- Tous les humains ne sont pas des lâches ! S'exclama-t-il, les mains sur les hanches.

Ecu-de-Chêne se retourna vers le poète, un sourcil arqué, et posa sur Gaultier un regard lourd de sens. Dwalïn et Bofur pouffèrent sous l'air renfrogné de Gaultier. Ce dernier ne répliqua rien et se contenta de hausser les épaules. Satisfait, Thorïn reprit sa marche, bientôt rattrapé par Oïn et Gloïn.

- Les Montagnards jurèrent allégeance à Isildur afin de combattre auprès de lui au Mordor, continua Balïn. Néanmoins, jamais ils honorèrent leur serment.

- Pourquoi ?

- Nul ne le sait Monsieur Sacquet. Pour les punir de leur lâcheté, Isildur les maudit à ne jamais trouver le repos éternel jusqu'à ce qu'ils accomplissent leur serment. Ils se trouvent aujourd'hui cachés dans le Chemin des morts, à l'extrême Ouest des Montagnes Blanches.

- Pensez-vous qu'ils honoreront un jour leur serment ? Demanda Bilbo.

Balïn haussa les épaules et soupira.

- Seul l'avenir en décidera.

- C'est en effet une bien triste histoire, approuva Gaultier, une once de tristesse dans ses pupilles.

En tête de la Compagnie, Ecu-de-Chêne s'arrêta sur un gros rocher et observa les alentours. Tout semblait calme et il était difficile d'imaginer que ces montagnes puissent cacher l'enfer sur terre. Les cheveux au vent, le Nain se tourna vers l'Ouest et frissonna lorsqu'une brise glaciale le fouetta en plein visage.

- Dépêchons-nous ! Ordonna-t-il en se retournant vers la Compagnie. Le temps presse !

Bilbo l'observa de longues secondes avant qu'Ecu-de-Chêne ne leur tourne le dos pour reprendre sa marche. Le Hobbit plissa les yeux, une once d'inquiétude dans le regard. S'il ne pouvait en être certain, le Semi-Homme ne pouvait ignorer l'angoisse qui montait un peu plus chaque jour en lui. Il ne saurait dire quoi, mais quelque chose avait changé chez Thorïn. La fatigue et la colère semblaient s'être emparées de lui et, bien qu'il ne veuille y penser, Bilbo ne pouvait s'empêcher de le revoir soumis au Mal du Dragon.

Sans doute s'inquiétait-il pour rien.

Du moins, il l'espérait.

* * *

Le Hobbit : Sombres présages [Tome 2]Where stories live. Discover now