Chapitre XXVI : La Moria

131 14 119
                                    

- Nous ne pourrons jamais traverser.

Thorïn serra les dents face au pessimisme fondé de Bilbo. Cachés parmi les rochers et les yeux rivés vers la Porte de l'Ouest de la Moria, les compagnons observaient la vague d'ennemis grouillante à l'entrée de la Montagne. Tel un tsunami, cette masse obscure et bruyante se présentait à eux comme une plaie à laquelle on ne pouvait plus se défaire. À l'image d'un insecte géant et nuisible, cet amas de chaire souillée et mutilée se mouvait comme la plus répugnante et abominable des visions.

- Ne pourrions-nous pas rebrousser chemin et traverser la Bruinen pour éviter de passer près de la Moria ? S'enquit Gaultier.

- Nous n'avons pas le luxe de perdre autant de temps poète, grogna Ecu-de-Chêne.

- Qu'allons-nous faire ? Se lamenta Ori.

Tandis que la Compagnie observait l'entrée de la Moria protégée par cette masse gigantesque, Alyson leva la tête et plissa les yeux. D'abord incertaine, elle crut percevoir à quelques mètres d'eux de vagues silhouettes. Sans se lever, elle s'avança de quelques centimètres avant que sa bouche ne forme un « O ».

- Je sais comment traverser.

Unis dans une même mouvance, ses compagnons se tournèrent vers elle, les sourcils froncés par la surprise. Alyson posa son regard vers l'horizon rocheux où se distinguaient toujours deux silhouettes. Sans pour autant échanger un mot, les pupilles glaciales de Thorïn s'illuminèrent avant qu'il ne hoche la tête en lançant un regard entendu.

- Restez ici, ordonna Ecu-de-Chêne.

Si les Nains voulurent en savoir davantage, Alyson et Thorïn ne leur laissèrent pas le temps de les questionner. Ils s'éloignaient déjà lorsque Bilbo leva le doigt pour en savoir plus.

À pas lents, tous deux avançaient, arme en mains, et bientôt, ils se ruèrent sur les Orques. Avant qu'ils n'aient pu émettre le moindre son, leur corps gisait déjà sur les rochers. Alyson les jaugea pendant que Thorïn commençaient à les dépouiller de leur armure.

- Répugnant, commenta la mutante avec une grimace lorsqu'Ecu-de-Chêne enleva le casque d'un des deux cadavres.

Le grand Nain garda le silence. Dans des gestes rapides et vite rejoint par Alyson, Thorïn débarrassa le premier cadavre de son accoutrement tout en retenant sa respiration. L'odeur de l'armure était nauséabonde, mais celle-ci était leur seul moyen de traverser l'entrée de la Moria.

- Dépêchons-nous, déclara le grand Nain lorsqu'Alyson eut terminé de récupérer l'armure du second cadavre.

Tous deux cachèrent les corps avant de rebrousser chemin. Le nez retroussé, la mutante tenait le casque du bout des doigts. Quelle idée avait-elle eu ! Peut-être était-elle leur seul moyen de traverser, mais elle n'en restait pas moins répugnante. Quelle pestilentielle odeur ! S'imaginer porter ce casque lui donnait des sueurs non pas froides, mais glaciales.

Tandis qu'Alyson continuait à se lamenter sur sa misérable idée, Thorïn rejoignit la Compagnie, le visage impassible, comme insensible à la puanteur.

- Il ne serait pas étonnant que plusieurs groupes d'Orques montent la garde, dit-il en montrant l'armure.

- Nous allons nous fondre dans la masse, comprit Bilbo, une grimace de dégoût sur le visage.

- C'est notre seul moyen de sortir vivant de cet enfer, approuva Dwalïn en hochant la tête.

- Attendez... Vous voulez qu'on mette ces armures répugnantes ? Se lamenta Gaultier. C'est hors de question ! Et leurs armures sont bien trop petites pour moi !

Le Hobbit : Sombres présages [Tome 2]Where stories live. Discover now