13. Intuitions

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Karol

Le temps passe et je me sens de plus en plus seule. L'angoisse me tenaille le ventre chaque jour un peu plus. Je n'ai pas de nouvelles de mes parents. Nul doute qu'ils m'ont oubliés et tentent de faire oublier la débâcle de ma grossesse. Les yeux rivés sur la fenêtre, je pose une main sur mon ventre. Mon bébé grossit, moi aussi, mais j'ai peur de ne pas réussir toute seule.

L'accouchement me terrifie. La douleur inhérente aux contractions semble terrible. Cela peut durer des heures. J'ai beau essayer de me renseigner, rien ne me rassure. Sans Ruggero à mes côtés, je doute sincèrement de réussir à m'en sortir. J'ai besoin de lui, mais je ressens jusque dans mes tripes que rien ne va. Je ne sais pas ce qu'il se passe, mais c'est grave.

Je crois que je vais élever mon enfant seule.

- Allez hop ! On sort !

La voix de Valentina me fait sursauter. Elle entre en trombe dans la chambre d'amis dans laquelle elle m'héberge et m'attrape le bras, remarquant sans mal que je ne suis pas habillée. Depuis que j'ai quitté la maison de mes parents pour venir ici, tout me paraît vide. Le monde a perdu de son sens et de ses couleurs.  Je ne veux plus rien faire, seulement rester là, à attendre des lettres et me morfondre sur ma vie.

- Il fait un temps magnifique Karol ! On va prendre un peu l'air !

Je secoue la tête en résistant à la poigne de mon amie.

- Je ne veux pas sortir ! Je suis épuisée et j'attends le facteur ! Je ne sais pas si Ruggero va noter ton adresse ! Si ça se trouve, je devrais aller chez mes parents pour la récupérer avant qu'ils ne la détruisent et...

- Karol, arrête !

Surprise par la véhémence de la jeune fille, j'écarquille les yeux. Elle lâche mon bras et se dirige vers la chaise de bureau sur laquelle se trouve ma veste.

- J'en ai marre de tes excuses !

Elle me lance le vêtement à la figure. Je l'attrape avant que la fermeture ne me fouette le visage. Je comprends que je n'ai pas le choix. Je dois suivre mon amie à l'extérieur, dans ce monde hostile qui m'a arraché l'homme que j'aime et ma famille, par la même occasion. Il ne me reste que Valentina, cette fille que j'ai envie de contenter. Je soupire en enfilant la veste.

- Très bien, sortons, mais je ne serais pas de très bonne compagnie ! J'ai un très mauvais pressentiment concernant Ruggero ! Tu sais, une intuition ! J'ai peur qu'il ne revienne pas !

La jeune fille lève les yeux au ciel d'un air agacé en se dirigeant vers la porte. Je me lève et la suis.

- Tu t'inquiètes trop ! Ce sont les hormones qui te jouent des tours !

- Non, je suis certaine qu'il y a un problème ! Val, et s'il mourrait pendant une mission ? Et s'ils ne me revenaient jamais ? Que vais-je faire sans lui ?

Mon interlocutrice s'arrête au milieu du couloir et se plante devant moi. Son regard accroche le mien et l'emprisonne.

- Tout va bien se passer, d'accord ? assène-t-elle avec conviction. Ton Ruggero est une force de la nature qui te reviendra, et en attendant qu'il arrive, tu n'es pas seule ! Je suis là, ma mère est là, personne ne te laissera tomber ! Je comprends parfaitement que tu sois inquiète pour ton homme, mais cesse de t'en faire ! Pense à ton bébé, Karol. Pense à être heureuse.

Ses mots se fichent dans mon cœur. Sans parvenir tout à fait à me convaincre, ils me rassurent. Je hoche la tête en essayant de chasser l'angoisse qui me cisaille l'estomac. Valentina reprend sa marche vers la porte d'entrée, mais cette fois, c'est un coup de téléphone qui nous arrête. La sonnerie résonne depuis ma poche.

Surprise, j'extirpe l'engin de mon pantalon. Un numéro inconnu s'affiche sur l'écran. Seraient-ce mes parents qui tentent de me joindre ? Mon cœur manque un battement à cette pensée. Je décroche.

- Allô ?

Ma voix est un souffle inquiet.

- Karol Sevilla ? demande une voix grave.

Je fronce les sourcils. C'est la première fois que je l'entends.

- Oui.

- Ruggero Pasquarelli a demandé à ce que l'on vous contacte en cas de problème. Il a été rapatrié à Buenos Aires en urgence. Il est actuellement...

Mes jambes me lâchent. Le sang qui bat dans mes tempes m'assourdit. J'entends confusément l'homme me dire où je peux trouver Ruggero, et Valentina qui m'appelle, mais je ne peux pas lui répondre. Les larmes me brûlent la rétine. Je pose une main sur mon ventre, comme si cela pouvait protéger mon enfant de la terrible nouvelle. « Son état est grave. » « Venez immédiatement. »

Il faut que je le vois.

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Écrit par AngieWings97


Mi AmorWhere stories live. Discover now