Mi Amor

6. Interrogations

Ruggero

Mes mains tremblent, froissant légèrement la lettre. Je lâche le morceau de papier pour me précipiter sur l'enveloppe et la fouiller, mais il n'y a rien dedans. Mon cœur rate un battement. Je reprends le papier griffonné pour l'observer sous toutes les coutures, mais rien. Il n'y a pas une seule photo de l'échographie. J'aurais aimé en avoir une, pour la mettre à côté de celle que j'ai de Karol, mais elle semble n'y avoir pas pensé. Je tente de me rassurer. Je me dis qu'elle n'a pas pensé à en demander une, ou à me l'envoyer, mais j'ai peur que la vérité soit toute autre.

Je relis les pages, cherchant un indice, mais au lieu de Valentina, je ne peux pas m'empêcher de lire un autre prénom, beaucoup plus masculin. Mon estomac se contracte, j'ai peur qu'à des milliers de kilomètres, la jeune femme m'ait trompé. Après tout, nous sommes loin l'un de l'autre, et la tentation doit être si forte là-bas. Suffisait-il qu'un garçon soit gentil avec elle pour qu'elle tombe dans ses bras ? Cette pensée me fait frissonner.

Incapable de tenir en place, je me lève. Il faut que je trouve quoi répondre. Elle me demande de rentrer, et il y a quelques jours, je n'aurais pas hésité à sauter dans le premier avion sans même demander la permission à mon sergent-chef, mais aujourd'hui, ce n'est plus le cas. L'hésitation et le doute paralysent mes sentiments. Ma raison, et une petite part de paranoïa, m'empêchent de réfléchir correctement. Je secoue la tête, mais dès que je ferme les yeux, j'imagine Karol dans les bras d'un autre.

Voudrait-elle que je revienne si c'était le cas ? Perdu, je quitte la tente. Le désert africain est froid la nuit, mais cela apaise mes pensées en ébullition. J'inspire à pleins poumons, essayant de chasser le stress et l'angoisse qui me nouent les tripes. Je pense à Karol, ma douce Karol, mais aussitôt, je songe à la distance qui nous sépare. Je ne peux même pas lui parler sur Skype, la voir et m'assurer que sa fatigue n'est pas feinte, et qu'elle ne ment pas dans sa lettre. Je veux voir son ventre rebondit.

Le mensonge est la pire chose qu'elle pourrait me faire, que ce soit sur ma paternité ou sur sa grossesse. Et si elle me manipulait pour me retrouver en me faisant croire qu'elle est enceinte ? Et si, au sortir de l'avion, elle me dit avoir fait une fausse couche ? Perdu, je lève la tête vers le ciel étoilé. Les regarde-t-elle aussi ? Je perds mes mots, je ne sais pas quoi lui répondre.

Une main se pose sur mon épaule, me faisant sursauter. Je me tourne, apercevant Jorge à la lueur des lampes allumées sous la tente.

– Salut, qu'est-ce qui se passe ?

Je hausse les épaules en me détournant, incapable de lui répondre.

– Des histoires de couples, soupiré-je.

Jorge rit.

– C'est bien pour ça que je n'ai pas de petite copine.

– Ah bon ? Je croyais que tu étais gay !

L'interpellé me donne un coup d'épaule en riant. J'esquisse un sourire. Je ne veux pas parler de Karol ni demander des conseils, mais simplement parler d'autre chose et savoir qu'il est à mon écoute. Ici, les hommes deviennent plus que des amis. J'ai rapidement compris qu'on ne s'appelle pas « frères d'armes » pour rien. La confiance et le soutien sont essentiels. Je mettrais sans hésiter ma vie entre les mains de tous les soldats qui se trouvent là.

Peu à peu, la présence de Jorge, ses discussions idiotes sur la position des étoiles alors qu'il n'y connait rien m'apaisent. Je parviens à me sortir Karol de la tête et décide d'attendre avant de lui répondre. La nuit porte conseil, paraît-il, et j'en ai bien besoin. Je rédigerai ma lettre le lendemain, ou peut-être même le jour d'après. Je préfère laisser mes émotions décanter. Mes doutes ne doivent pas entraver la rédaction.

J'aime ma petite amie. Je désire croire qu'elle aussi, qu'elle ne me ment pas. Je lui demanderai. Ce sera simple. Je lui demanderai une photo de l'échographie et lui donnerai des conseils, comme je l'ai toujours fait. Et je prierai pour ne pas me faire entuber.

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Écrit par AngieWings97