15. Blessures

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Karol

Mon cœur bat à tout rompre lorsque je passe les portes de l'hôpital. Valentina sur les talons, je me précipite vers l'accueil. La femme qui se tient de l'autre côté du comptoir ne me regarde pas. Elle fixe l'écran de son ordinateur, pendue au téléphone sans faire attention à ce qui l'entoure.

- Excusez-moi, commencé-je d'un ton empressé.

- Et là, il m'envoie balader quoi ! s'exclame-t-elle.

Je comprends qu'elle ne répond pas à un patient, mais raconte sa vie à une collègue. Son manque de professionnalisme m'énerve. L'angoisse me tord le ventre et les hormones ne font qu'amplifier mon inquiétude. Je n'ai pas le temps de faire dans la dentelle. Mon petit ami que je n'ai pas vu depuis des mois est là, quelque part entre ces murs, blessé, et cette femme m'ignore.

Je me penche par-dessus son comptoir et pose mon index sur le socle du téléphone. Je raccroche au nez de son amie. La standardiste me lance un regard courroucé. Elle ouvre la bouche pour protester, mais je la prends de court :

- Je cherche Ruggero Pasquarelli !

- Ça ne vous donne pas le droit de raccrocher comme ça !

- Parce que vous avez le droit d'appeler vos amies sur vos heures de travail, peut-être ? demandé-je d'un ton hargneux. Ruggero Pasquarelli.

Je détache méthodiquement chaque syllabe du nom et prénom de mon petit ami dans l'espoir qu'elle comprenne le message. De mauvaise grâce, elle pianote sur le clavier. Le temps qui passe est interminable. J'ai l'impression qu'une éternité s'écoule avant qu'elle ne me donne un numéro de chambre en soin intensif.

Sans même la saluer, j'attrape la main de Valentina et l'entraîne vers l'ascenseur. Elle me suit sans un mot, consciente de la terreur qui me noue les tripes. Les paroles de l'homme que j'ai eu au téléphone ne cesse de me hanter.

Lorsque les portes s'ouvrent en tintant, je me précipite dans le couloir. Les carreaux blancs reflètent la lumière des néons. Mon regard s'égare sur les numéros de chambre, je cherche celle que l'on m'a indiquée.

Elle est facile à trouver. Un véritable attroupement est formé devant. Les hommes en uniformes portent soit une blouse blanche, soit un habit militaire. Il est facile de reconnaître leur profession. J'avance résolument vers eux. Ma timidité disparaît maintenant que je dois retrouver l'homme que j'aime. Je me retiens de poser une main sur mon ventre pour protéger mon bébé. Nous allons retrouver son père, c'est une certitude.

- Bonjour, déclaré-je en me plantant au milieu du groupe d'hommes, je suis Karol Sevilla, la petite amie de Ruggero.

Quelques chose passe dans le regard de chacun des hommes. Ils s'attardent sur mon ventre arrondit et je manque de le protéger de mes bras. La tristesse que je lis sur leur visage me fend le cœur. J'inspire pour me calmer, les doigts serrés autour de ceux de Valentina pour me donner du courage.

Un homme prend la responsabilité de la terrible annonce et se détache du groupe. C'est probablement le médecin en chef. Il me sourit d'un air avenant.

- Et si vous veniez avec moi un instant ?

Il tend son bras dans une direction, paume ouverte, mais je refuse de bouger. Je secoue vigoureusement la tête. Les larmes menacent de couler. Je les refoule en pensant à la force qu'à eu mon homme.

- Je veux le voir ! J'exige de le voir !

- S'il vous plaît Mademoiselle Sevilla, je dois vous parler !

- Non ! Je...

- Son état est stable, intervient un militaire.

Je me tourne vers lui, surprise qu'il ose prendre l'initiative. Il me fixe, sans sourire. Son expression est grave.

Mi AmorWhere stories live. Discover now