11. L'affrontement

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Ruggero

L'estomac noué, je me tiens devant mon sergent. Pour le moment, il ne fait pas attention à moi. Les yeux rivés sur la carte posée devant lui, il préfère marmonner dans sa barbe. Je ne peux pas l'interrompre. Je me prendrai une sacré raclée si je le faisais, et il pourrait me refuser ma permission. Je ne demande pas grand-chose... Juste être retiré du terrain pour prendre un poste administratif. Je me moque bien de ce qu'il me trouvera, tant que je rentre chez moi, auprès de ma petite amie. Auprès de mon bébé. Ma famille. Mon cœur s'emballe à cette pensée.

Mi Amor a été rejetée par ses propres parents pour un crime qui n'en est pas un. Je dois revenir à ses côtés. Je sais que je ferais à jamais partie de l'armée. Je serais toujours un soldat, et si la guerre éclate quelque part, mon travail administratif ne pourra pas me protéger du front. Mais tant que tout est calme, tant qu'il y aura d'autres hommes, d'autres femmes, à envoyer dans ce genre de désert, je serais en sécurité avec ma femme. Je serais là pour lui offrir la famille qu'elle mérite d'avoir.

L'impatience commence à me gagner. Je me retiens pour ne pas trépigner et attirer l'attention de mon sergent. Je suis certain qu'il me teste. Ses marmonnements incompréhensibles le trahissent. Il remue un peu, fait glisser son doigt sur le papier comme pour évaluer une distance. Je suis presque étonné de ne pas le voir ajouter des petits soldats sur le terrain pour jouer avec. C'est le genre de truc qu'on voit dans les films. Mais notre sergent, là, n'élabore pas de stratégie. Il joue avec mes nerfs.

Je reste droit comme I. Les pieds serrés, les mains dans le dos, les yeux rivés sur mon sergent. J'ai l'impression que la tente dans laquelle nous sommes rétrécit à vu d'œil. Les conversations de mes frères d'armes résonnent tout autour de nous, mais ici, le silence est presque assourdissant. Je n'entends que les battements erratiques de mon cœur. L'envie de hurler rampe dans ma gorge. Le cri pousse derrière mes lèvres, mais je le retiens. Pendant que je perds mon temps ici, Karol souffre de mon absence. Et je souffre de la sienne. C'est un trou béant qui s'ouvre dans ma poitrine et menace d'engloutir tout ce qui s'y trouve.

Mon estomac se contracte douloureusement. Je rate tout. Je pense à la grossesse de Mi Amor, et songe à tout ce que je rate. Je sais que je ne pourrais probablement pas soulager ses douleurs, mais ma simple présence devrait suffire. Je me plierai en quatre pour elle, pour qu'elle n'ait pas à lever le petit doigt quand elle ne le veut pas. Essuyer ses larmes de mon pouce. Et surtout, l'embrasser à en perdre haleine. Humer son parfum délicat. Je déglutis péniblement. Ma pomme d'Adam fait un bond tandis que j'essaye d'être le plus discret possible. 

Finalement, l'homme lève les yeux vers moi. Il me transperce du regard, et je me redresse encore un peu, tendu à l'extrême. Mes muscles protestent tandis que je me mets au garde à vous. Mon sergent se relève lentement, sans me quitter du regard. Il place ses mains dans son dos, dans la même posture que j'avais avant, et m'observe. Sans un mot.

Mon cœur bat à tout rompre. Je sais que je ne dois pas parler, mais l'envie est grande de me jeter à ses pieds pour le supplier de me laisser partir. Je veux m'en aller, retrouver ma copine et mon bébé, laissez moi partir ! J'ai fait mon temps ici ! 

Mais je ne dis rien, jusqu'à ce qu'il parle.

- Repos Soldat Pasquarelli.

- Sergent.

- Qu'est-ce que vous faites ici ?

J'inspire. C'est le moment de vérité, et il est hors de question que la panique me fasse bégayer. Je suis un soldat. Entraîné pour rester calme dans toutes les situations. Dans ce désert, j'ai fait ce que j'avais à faire pour me protéger, protéger mes frères d'armes. J'ai obéi aux ordres, remplis mission après mission. Maintenant, je veux juste me poser. Je crois que j'ai remboursé ma dette à cette société qui m'a engagé ici. Si je dois continuer, je veux le faire loin du front.

- Je viens demander une permission, Sergent ! Je me suis engagé, j'ai accompli toutes les missions qui m'ont été assignées, j'ai obtenu une décoration. Je demande maintenant à être retiré du front.

- Pourquoi ?

Je reste fort. Les yeux plantés dans ceux de mon sergent, je lui explique la situation. Un tic nerveux agite sa lèvre et ne me dit rien qui vaille. Je ne sais pas si ma demande s'apparente à de l'insubordination, de la désertion, mais je dois essayer.

- Vous croyez que j'en ai quelque chose à foutre de vos histoires de cœur ?

Je me fige. L'enfoiré m'observe avec un rictus mauvais. Ma demande passe à la trappe. Je comprends soudainement que je vais rester encore cent ans dans ce désert, jusqu'à ce que je me transforme en sable à mon tour. Sans avoir jamais la possibilité de revoir ma Karol. Sans avoir la possibilité de rencontrer mon bébé. Je ne baisse pas les yeux. Je me contente de secouer la tête.

- Non, Sergent !

- Alors venez pas me faire chier, Pasquarelli ! L'armée n'a pas de place pour les lopettes transies d'amour.

Je ne serre pas les poings, mais ce n'est pas l'envie qui me manque. Ce genre d'insultes, d'aucuns diraient qu'elles n'ont rien d'homophobes, mais ce n'est pas mon cas. Je déteste entendre ce genre de choses, et j'ai tendance à reprendre mes frères d'armes quand ils commencent à les utiliser. Pour mon sergent... je ne peux pas. Je dois encaisser, serrer les dents sans un mot. Et je le fais. L'estomac noué.

L'homme m'observe sans un mot. Il contourne la table qui nous sépare et s'approche de moi. Je sens mon cœur s'emballer tandis qu'il se plante juste sous mon nez. Il envahit mon espace personnel par sa présence écrasante.

- J'ai une mission pour vous, Pasquarelli ! Si vous la réussissez, je considérerai votre demande.

Je ne veux pas espérer. C'est trop tôt, mais je ne peux pas m'en empêcher et je sens la commissure de mes lèvres tressauter. Je retiens le sourire malvenu qui essaye de se dessiner sur mon visage. Je hoche simplement la tête tandis que mon sergent se détourne. Il s'approche d'un casier rempli de dossiers.

- Une mission de sauvetage. Nos ennemis ont pris des otages, et je compte sur vous pour les sauver. 

Il me tend un fichier.

- Voilà votre équipe. Vous trouverez toutes les informations sur la mission dedans. Potassez-les, dormez bien, vous partez demain.

Je saisis le dossier, me mets au garde à vous, et quitte sa tente. Je dois réussir cette mission. Si je veux retrouver Karol, je ne peux pas échouer. Je me fais la promesse d'être rentré à Noël. Je n'ai pas le choix. Ma chérie compte sur moi, et je veux voir mon bébé. Il me suffit de penser à l'échographie pour que ma détermination se cimente. Je sauverai ces otages, réussirai cette mission, et mon sergent n'aurait pas d'autre choix que de m'envoyer chez moi. Près de ma famille.

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Chapitre écrit par AngieWings97

Coucou, ici Angie ! 

Je tiens à m'excuser pour le temps qu'il m'aura fallu à écrire ce chapitre ! Ces derniers temps, j'ai eu pas mal de problèmes dans ma vie. Le temps m'a manqué, la motivation aussi, je l'avoue, et début octobre, une nouvelle est tombée : je dois écrire un roman en un mois. 80 000 mots à écrire, relire, corriger, et envoyer à mon éditrice en un mois. Inutile de vous dire que je suis en plein dedans, en ce moment ! 

Mais je tenais quand même à prendre ce temps pour vous et pour cette histoire ! J'aime travailler avec Jenny, et j'aime lire vos commentaires, même si je suis un peu dans l'ombre ! J'aime cette histoire, aussi.

Bref, je suis désolée d'avoir pris tant de temps, et j'espère que vous ne m'en voulez pas trop ! J'espère surtout que vous avez aimé ce chapitre ! 

N'hésitez pas à passer sur mon compte, et sachez que mes messages privés sont ouverts pour toutes questions :) 

Merci à tous ! 

XOXO

Mi AmorWhere stories live. Discover now