Chapitre 16

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Le lendemain matin, Florence se réveilla avec une étrange sensation de bien être. Elle avait merveilleusement bien dormi, comme ça ne lui été plus arrivé depuis longtemps. La séance de la veille l'avait comme vidée, émotionnellement et physiquement. Mais elle devait reconnaître qu'elle l'avait aussi énormément apaisée. Ces pensées la ramenèrent inévitablement à ce qui l'attendait aujourd'hui et elle ne pouvait s'empêcher d'appréhender la séance.

Elle prit son petit déjeuner avec Jules, qui remarqua instantanément que sa mère paraissait beaucoup plus en forme que ces derniers jours. Lorsqu'il lui en fit la remarque, elle ne put qu'approuver. Elle se sentait effectivement nettement mieux.

Comme la veille, Jules la déposa chez la psy. La séance débuta à peu près de la même façon que la veille. Puis la psychologue demanda à Florence de revenir sur la scène à l'origine de tout ceci, l'interpellation qui avait mal tourné. Mais non pas en décrivant les faits, ça elle l'avait déjà fait, mais en se concentrant uniquement sur les émotions qu'elle avait ressenties à chaque instant. Avant de commencer, elle indiqua à Florence qu'elle allait l'enregistrer pour pouvoir analyser précisément ensuite ce qu'elle aurait dit, enfin si elle n'y voyait pas d'objection. Florence fit non de la tête : elle n'y voyait pas d'inconvénient. Elles étaient en train de terminer l'exercice lorsqu'on sonna.

La psychologue pensa : « excellent timing ». Elle demanda à Florence de l'excuser une minute, de ne pas bouger et garder les yeux fermés en essayant de ralentir sa respiration ; elle revenait tout de suite.

Elle alla donc ouvrir la porte puis revint à son bureau.

- Entrez. Asseyez-vous.

À ces mots, Florence sursauta et ouvrit les yeux.

- Qu'est ce que c'est que ça ? C'est un piège, c'est ça ? s'insurgea-t-elle, prise de panique.

- pas du tout, essaya de la calmer la psychologue. C'est l'étape suivante.

Pascal semblait aussi surpris que Florence de la situation.

- Je vous promets, je ne savais pas que vous seriez là. Si ça pose un problème, je m'en vais.

- Personne ne s'en va. Asseyez-vous, fit la psychologue de façon autoritaire en s'adressant à Pascal. Puis elle se tourna vers Florence et ajouta d'un ton toujours ferme mais plus doux : effectivement, il ne savait pas non plus que vous seriez là. Mais il me semble que sa présence est nécessaire pour achever la séance.

Florence était au bord des larmes. Comment continuer la séance avec Pascal à côté ? C'était au dessus de ses forces...Elle ferma à nouveau les yeux et prit une profonde inspiration pour essayer de se calmer. Elle avait fait confiance à la psy depuis le début, alors autant continuer. Pascal l'observait inquiet.

- D'accord, lâcha-t-elle d'une voix faible.

- Bien. La psy reprit donc, d'une voix douce : Fermez les yeux, tous les deux. 

Elle fit raconter à Pascal le déroulement de l'interpellation, en demandant à Florence de ne pas intervenir. Leurs versions des faits coïncidaient. Puis elle passa à la phase 2, comme avec Florence. Elle demanda à Pascal de se concentrer à présent uniquement sur les émotions qu'il avait ressenties à chaque instant en reprenant depuis le début. Il hésita puis il se rappela pourquoi il était là. Pour aider Florence. Alors il se livra à l'exercice.  

            La surprise. À l'arrivée de Jules.

            L'inquiétude, quand Martin avait attrapé Jules. Vite maîtrisée.

           La confiance, la détermination, il connaissait son métier et ce genre de situation.

Sa voix était posée, calme. Il parlait sans hésiter, mais il marquait une pause de temps en temps pour rassembler ses souvenirs et retranscrire ses émotions le plus fidèlement possible.

            L'inquiétude, à nouveau. La peur, pour Jules mais surtout pour Florence, quand le forcené commença le compte à rebours.

Ce n'est qu'en formulant cette dernière phrase à voix haute qu'il prit pleinement conscience qu'il n'avait jamais eu peur pour lui, pour sa vie, mais seulement pour Jules et pour Florence.

              La compassion, au sens littéral : il avait souffert avec Florence devant ce choix qu'il savait impossible.

L'abandon, la confiance. Au moment où il avait fermé les yeux pour permettre à Florence de tirer.

Une impression de vide, de trou noir. Les quelques secondes où le coup de feu avait été tiré et où il s'était retrouvé au sol avec toute l'agitation autour.

L'angoisse. De ne plus voir ce qui se passait.

Le soulagement. En apercevant Florence et Jules, dans les bras l'un de l'autre, sains et saufs.

L'inquiétude et l'impuissance, ensuite et qui ne l'avaient pas vraiment lâché depuis. Devant le silence de Florence.

Florence sentait qu'il parlait sincèrement, sans détour. Et à travers ses paupières fermées, elle ne put retenir ses larmes.

Et le manque. Mais celui-là, il le garda pour lui. Le manque cruel qu'il ressentait tous les jours en l'absence de Florence à ses côtés. Dans le travail, évidemment, parce que c'était leur complémentarité qui rendait leur duo si efficace. Mais pas seulement. Leur complicité, qui s'était tissée au fil des années. Son sourire. Ses regards, qui souvent leur suffisaient pour se comprendre, les mots devenant inutiles. Et ce manque se transformait en vide abyssal, le soir lorsqu'il se retrouvait seul chez lui. Dans ces moments-là, l'absence de sa mère lui pesait terriblement. Et même ça, il ne pouvait plus le partager avec Florence.... 

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