Chapitre 17

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La psychologue les observait en silence tous les deux. Les expressions sur le visage de Pascal, alors qu'il exprimait ce qu'il avait éprouvé, ressemblaient énormément à celles qu'elle avait pu voir sur le visage de Florence quelques instants plus tôt alors qu'elle se livrait au même exercice.

Lorsque Pascal eut terminé, alors qu'elle sentait celui-ci sur le point d'ouvrir les yeux, elle leur demanda à tous les deux de garder les yeux fermés. Puis, sans rien dire, elle fit démarrer l'enregistrement de Florence, réalisé auparavant.

Florence se laissa submerger par ses émotions en entendant sa propre voix. Le cœur de Pascal se serra en entendant le récit de Florence. 

C'était sa voix, son timbre. Mais alors qu'il était habitué à une voix assurée, là elle était hésitante, faible, presque chevrotante par moment.

Le début ressemblait à sa propre version, mis à part le fait que son inquiétude était entièrement dirigée vers son fils, ce qui se comprenait, bien sûr. Puis :

L'indécision. La peur panique, qui l'accompagnait.

La confiance, la gratitude. Au moment où Pascal a fermé les yeux.

Et presque immédiatement, dès qu'elle eut tiré : la culpabilité, le remords, la honte...

À ces mots, le visage de Pascal se crispa et il ouvrit grands les yeux. La psychologue lui fit clairement comprendre, sans rompre le silence, qu'il devait garder les yeux fermés. En prenant sur lui, il les referma. Là, c'était les sentiments d'impuissance et de profonde tristesse qui dominaient en lui.

L'enregistrement terminé, la psychologue laissa le silence s'installer pour leur permettre d'assimiler ce qui venait d'être dit. Elle ne voulait pas les influencer mais souhaitait obtenir d'eux une réaction spontanée.

Assez rapidement, Pascal ouvrit les yeux. Son premier réflexe fut de tourner son visage vers Florence. Ce qu'il vit le bouleversa. Il ne savait pas trop comment réagir. Si cela n'avait tenu qu'à lui, il l'aurait immédiatement prise dans ses bras. Mais ce n'était probablement pas une bonne idée. Il se retourna vers la psy, qui les observait. Il fit un léger mouvement en direction de Florence d'un air interrogateur à l'intention de la psychologue qui fit oui de la tête. Pascal se leva sans un bruit et vint s'asseoir sur l'accoudoir du fauteuil qu'il venait de quitter, pour être face au profil de Cassandre. Il allongea son bras pour effleurer l'épaule de Florence. Il ne voulait pas risquer de l'effrayer, tellement elle avait l'air loin d'ici. Puis il exerça une légère pression de ses doigts pour lui témoigner son soutien.

Florence sentit cette main, à la fois forte et douce, sur son épaule. Aucun doute possible, même les yeux fermés, ce n'était pas celle de la psychologue ! Elle inspira longuement et soupira plusieurs fois pour rassembler tout son courage, ouvrir les yeux et affronter le regard de Pascal.

Pascal avait le cœur serré en voyant à quel point Florence luttait pour essayer de retrouver la maîtrise d'elle-même.

Enfin, leurs regards se pénétrèrent, comme ils ne l'avaient plus fait depuis ce fameux jour. Les yeux de Florence reflétaient encore la douleur ; Florence lisait dans ceux de Pascal de l'inquiétude mêlée de tendresse qui la réconforta. Pascal tendit sa main libre vers Florence, paume ouverte. Elle déposa la sienne à l'intérieur, et il referma ses doigts sur ceux de Florence. Pascal remonta son autre main, encore sur l'épaule de Florence et effleura sa joue pour y essuyer les dernières larmes avec son pouce. Florence inclina légèrement la tête pour caler sa joue dans la paume de Pascal. Ils ne s'étaient pas quittés des yeux, et leurs lèvres s'étirèrent en un sourire sincère. Quand ils reprirent conscience qu'ils n'étaient pas seuls, ils se tournèrent vers la psychologue qui les observait en souriant, elle aussi. C'était pour assister à des moments comme celui-là qu'elle avait choisi ce métier !

- Bien, je crois que vous n'avez plus vraiment besoin de moi. Fit-elle observer en se levant.

Devant l'air surpris de Florence, elle précisa :

- Florence, vous êtes tout à fait apte à reprendre du service. Et faire équipe avec le capitaine, ajouta-t-elle car elle avait bien compris qu'il s'agissait là d'un point sensible.

Une fois dehors, Pascal proposa à Florence de la ramener chez elle.

- Je ne veux pas vous déranger...

- Ça ne me dérange pas. C'est moi qui vous le propose ! Mais la moto n'est peut-être pas une bonne idée. Il la sentait encore tellement fragile...Si j'avais su que vous seriez là, j'aurais pris la voiture.

- La moto, c'est très bien. Répondit- elle en souriant.

Pascal tendit un casque à Florence. Ils prirent place sur la moto. Florence enserra la taille de Pascal puis se laissa aller contre son dos. A ce contact, Pascal ne put réprimer un sourire sous son casque. Quel plaisir de sentir Florence à nouveau si proche de lui. Finalement, la moto c'était mieux que la voiture : pas besoin de parler pour combler le silence ; le contact du corps de l'autre, c'est tout ce dont ils avaient besoin, l'un comme l'autre.

Arrivés devant le chalet, Pascal coupa le contact. Il posa un pied à terre, retira son casque. Pendant ce temps, Florence n'avait pas bougé. Pascal s'en étonna et finit par s'en inquiéter, il tourna la tête mais ne voyait pas le visage de Florence, caché par le casque. Il prit doucement les mains de Cassandre dans les siennes et les desserra pour se libérer à regret de son étreinte, il la repoussa légèrement pour pouvoir se retourner complètement et lui enlever son casque. Contrairement à ce qu'il redoutait, le visage de Florence était serein, elle le regardait paisiblement, mais il ne pouvait s'empêcher de s'inquiéter :

-ça va?

-oui. Elle le regarda intensément, avant d'ajouter : Merci, Pascal. 

-à votre service, si vous avez encore besoin d'un chauffeur, n'hésitez pas! Répliqua-t-il avec un grand sourire, un peu moqueur.

-merci de m'avoir raccompagné. Mais pas seulement... Merci d'avoir été là ... à la séance. Je suis désolée de ma réaction quand vous êtes arrivé.

Pascal eut à peine le temps d'entrouvrir la bouche que Florence l'interrompit :

-non, laissez-moi finir, s'il vous plait. Elle prit le temps de respirer avant de poursuivre. Merci, parce que je sais que vous confier n'est pas chose facile pour vous. Pour moi non plus, remarquez. Et dans ces conditions, probablement encore moins... Mais vous l'avez fait, parce que vous saviez que j'en avais besoin...et je voulais que vous sachiez que ça me touche. Enormément...

Pascal attendit un peu. Voyant qu'elle avait fini, il répondit:

-je l'ai fait pour vous, mais pour moi aussi. On en avait besoin tous les deux. Et on n'a pas réussi à le faire seuls, alors...

Sur ce, son téléphone vibra. Il le sortit de sa poche, regarda l'écran:

-c'est Nicky...

-allez-y, répondez.

Il décrocha, écouta ce que Nicky avait à lui dire puis raccrocha.

Il regardait Florence, l'air indécis. Elle lui facilita la tâche.

-allez-y. 

-ça va aller?

-oui!

-à lundi? 

Comme elle ne répondait pas, il ajouta en l'implorant presque du regard :

-On a besoin de vous, commissaire.

Elle fit simplement un geste du menton en direction de la moto pour lui signifier qu'il était attendu. Pascal ne voulut pas la braquer, alors il n'insista pas. Il remit son casque en la regardant toujours et renfourcha sa moto.


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