Lost Hearts ➳ Camren

Chapitre 23 ➳ 𝐬𝐭𝐚𝐫𝐭𝐢𝐧𝐠 𝐥𝐢𝐧𝐞

L'obscurité de la nuit débute son ascension sur la ville. Les derniers rayons de soleil se font timides. Une fine toile de lumière parvient encore à se manifester à travers la fenêtre. Sa trainé d'or couvre la dernière page de mon petit carnet. Je le tiens fermement entre mes mains, analysant les moindres détails, afin que nul défaut ne persiste encore sur l'oeuvre. Elle est la plus précieuse et personnelle de toutes celles que j'ai pu produire. Deux semaines de travail demeurent à l'intérieur et il ne me reste qu'une poignée de minutes pour la touche finale. La pression s'immisce dans mes veines jusqu'au bout de mes doigts qui en tremblent. Ma vision se trouble à force de rester concentrée sans bouger sur la même feuille.

"Tu es enfermée ici depuis combien de temps?" S'exclame une voix dans mon dos ce qui me fait violemment sursauter.

Malgré la peur dont est soumis mon corps, je me pétrifie sur place. Mes yeux, apeurés et choqués, fixent le trait qui s'est glissé le long de la feuille. Un des visages est ruiné. La frustration et la désolation surgissent en moi. Dans un geste désespéré, mon matériel tombe sur la table et je me lève avec la vaine tentative de calmer mes nerfs.

"Laur? Est-ce que tu vas bien?" Me demande la voix familière avec douceur.

"Lucy, je te jure que si je ne t'aimais pas autant tu serais déjà à la porte." Grommelle-je simplement pour ne pas déverser toute ma colère sur elle.

"Je n'ai rien fait !" S'offusque-t-elle incrédule.

"Tu m'as fait peur et j'ai gâché une partie de mon dessin à cause de ça." Je lui signale complètement dépitée avant de reprendre ma place sur le tabouret.

"Je suis désolée. Je pensais que tu étais à la douche comme tu ne répondais pas à mes messages." Se justifie-t-elle avant de se mettre à mes côtés. "En plus le trait est à peine visible, je suis certaine que tu peux le rattraper en un claquement de doigts."

"Non, je suis obligée d'effacer et de recommencer. Je n'ai plus assez de temps devant moi pour l'arranger et le rendre parfait avant de partir." Je me plains en passant ma main sur mon visage.

"Arrête de te morfondre et lance-toi." M'encourage-t-elle en me tendant mon crayon. "Tu vas finir ce dessin, il sera parfait, pendant ce temps j'attendrai sagement et je te complimenterai une fois terminée. Puis, nous pourrons partir et célébrer plus tard ton talent."

Peu convaincue, j'acquiesce d'un faible mouvement de tête. Je prends plusieurs secondes pour me concentrer et je dessine à nouveau. Lucy tient sa promesse, elle s'assoit à mes côtés et m'indique de temps à autre les améliorations que je peux apporter au dessus. À deux, le temps défile à grande vitesse et en une demi-heure je termine définitivement le carnet. Ma poitrine se gonfle de fierté même si l'appréhension pointe le bout de son nez. Pour finir cette oeuvre à temps il m'a fallu des heures de travail, des nuits sacrifiées, une dizaine de crampes et des sorties annulées avec les filles. Et ce soir elle est enfin entre mes mains, terminée. Je l'emballe avec précaution, légèrement tremblante, comme s'il s'agissait d'une pièce d'art fragile.

"Je suis prête à parier qu'elle va adorer, arrête de t'infliger autant de pression." Me rassure ma meilleure amie en remarquant mes tremblements.

"Je l'espère de tout mon coeur." Je réponds tout en préparant le petit noeud à poser sur le dessus de l'emballage. "Mais j'ai peur, atrocement peur, qu'elle ne soit pas aussi ravie que je n'ai pu l'imaginer. Elle va peut-être détester l'idée, elle sera peut-être blessée et elle m'en voudra." J'énumère de plus en plus vite en sentant le stresse me submerger. "Je n'aurais jamais dû le faire, je suis idiote d'avoir pu croire que c'était une bonne idée."