1er Décembre

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J'ai toujours été fascinée par les lumières. Quelle qu'en soit leur source d'ailleurs. Depuis petite, je ne cesse de m'émerveiller de toutes ces lueurs. La chaleur crépitant au cœur de la cheminée, les guirlandes pétillantes des périodes de fête, les rayons rebelles transperçant un ciel d'hiver, notre mère Lune et ses enfants ensevelis par la mer de nos rêves. Elles donnent des émotions à notre environnement ; elles en sont le cœur.

La lumière a toujours été l'essence même de ma poésie intérieure. Ma prose favorite reste l'étincelle dans un regard infantile.

L'Etincelle. C'est ainsi que j'ai décidé de nommer ma boutique. Les âmes solitaires passent le seuil de ma porte et me parlent de leurs peines. Enfin ce sont plutôt leurs peines qui me parlent d'eux. J'ai alors toujours à disposition de quoi adoucir leur Grand Cœur Brûlé.

Je n'ai pas toujours su que j'en ferai ma vocation. Enfant je ne cessais d'enchaîner les perspectives d'avenir. Et si j'écrivais des contes où les princesses sauvent d'autres princesses ? Et si je devenais une sportive de compétition ? Et si mon visage s'affichait sur les plus grands écrans du monde ? Et si je concoctais de délicieuses viennoiseries ? Et si je me mettais au service des plus démunis ?

Il était primordial pour ma famille que je connaisse ma voie le plus tôt possible. Je cherchais qui je devais être en ignorant complètement que la nature de ma quête était avant tout de le vouloir.

Et si j'étais heureuse ?

A seize ans, sur un commun accord, je suis partie m'installer chez ma grand-mère paternelle. J'ai bien évidemment dû m'accommoder d'une nouvelle vie. Loin de tous mes repères, je me suis enfin sentie capable de faire quelque chose de ma vie. Je pressentais une idée lumineuse. Une petite flamme au creux de ma poitrine.

Aïcha, la meilleure amie de ma grand-mère avait également une petite fille, Ryme, de deux ans ma cadette. Il leur arrivait souvent de passer le samedi après-midi. Si je suis la Lune, Ryme est quant à elle le Soleil : pétillante, chaleureuse et éblouissante. La Lumière de chacun de nos paysages. Je l'enviais beaucoup à l'époque, cette confiance, cette folie, cette touchante insouciance. La douceur de son regard laissait croire que le monde entier avait été créé rien que pour elle, rien que pour son émerveillement.

Un jour, je me suis permis de lui demander :

_ Comment tu fais pour être si heureuse ?

_ Ce n'est pas toujours le cas, mais j'essaie de voir le positif. Quand je suis triste, je me dis que quelque part, quelqu'un vit le plus beau jour de sa vie et ça me rend heureuse. Je souris alors pour elle. Quand je ressens une émotion forte, je pense à cette personne dans le monde, qui ressent exactement la même chose, au même moment, et je souris parce qu'au-delà du monde, au-delà des astres, on partage ça : ce tout petit sentiment qui nous lie.

Après cette discussion, je n'ai cessé d'y penser chaque jour. Peu à peu, sa pensée est devenue la mienne. C'est la première chose que nous avons partagée ensemble, suivis par nos sourires et nos rires de réconfort.

Un matin, Ryme m'a appelée en catastrophe, le souffle coupé par des larmes tranchantes. Elle criait, elle hurlait, mais ne parvenait pas à se faire entendre. Le cœur battant je peinais à la canaliser ; c'était la première fois que j'entendais le sien souffrir.

« C'est pas possible, Fran... Henna... Ma henna... Je... Ce matin... Elle est... »

Sans attendre, je me suis rendue chez elle, l'appel toujours en cours. Durant tout le trajet, le silence - plus bavard que nous – a été le messager de chacune de mes pensées envers Ryme, envers Aïcha.

L'Etincelle { Noël }Donde viven las historias. Descúbrelo ahora