13 Décembre

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Ma grand-mère est une femme fantastique. J'agonise depuis plus d'une demi-heure maintenant, et elle ne cesse de courir pour être aux petits soins. Je m'en veux presque d'être agacée par toute cette agitation. Bien évidemment, je n'en dis rien et me concentre sur l'ironie de la télévision.

Elle passe une publicité sur les menstruations. Je les déteste. Toutes les Christelle et leurs règles bleues. La couleur est sûrement un indice indiquant la vraie nature de cette femme : c'est une extraterrestre envoyée sur Terre pour me faire chier.

J'ai toujours eu des règles plus ou moins compliquées, allant de la paralysie dorsale jusqu'au gerbage de tripes, en passant par une fatigue qui m'empêche de dormir, et sans oublier les sautes d'humeur plus importantes que la moyenne. Alors oui, quand je vois Christelle faire de l'équitation, pépouze, parce qu'elle a trouvé LA solution, j'ai envie de la retrouver, de lui coller des électrodes sur tout le corps et de pousser la puissance maximale. Histoire qu'elle sache que même la liberté de circulation à ses limites.

Grand-mère m'apporte une nouvelle bouillote. Je la remercie par un long râle, mais je sais qu'elle a conscience de ma gratitude.

_ Tu as besoin d'autre chose, mon ange ?

_ Eau, s'il te plait.

Et accessoirement survivre.

Alors que je pensais l'accès à mes pensées interdites, celles-ci se dirigent immédiatement vers ma boutique. Laurent a l'habitude de mes absences mensuelles, il sait où se trouvent les clés en cas de besoin ou de problèmes. Mes inquiétudes sont plutôt penchées vers Noël, qui a l'heure actuelle doit probablement me maudire de ne pas l'avoir prévenu. Il aurait sûrement été plus sage d'échanger nos numéros. J'étais loin d'imaginer que son cas serait si compliqué à gérer.

☆☆

La rue est encore plus déserte qu'habituellement. La boutique de Fran semble l'être aussi, car aucune trace d'elle à l'horizon. Il est bientôt midi.

_ Elle ne viendra pas.

Je me retourne, mais ne voit personne. En baissant la tête, je remarque un homme emmitouflé dans une couverture. Les présentations officielles n'ont encore jamais été faites, mais Fran me parle souvent de Laurent. Un SDF qui a tout perdu du jour au lendemain. Il serait impossible de l'oublier, tant son évocation illumine le visage de la jeune femme. Elle semble lui faire assez confiance pour lui laisser les clés de sa boutique, ce que j'ai du mal à comprendre. Il serait tout à fait compréhensible que cet homme pioche dans la caisse.

Devant mon regard interrogateur, il poursuit :

_ Je l'ai appelée ce matin ; elle est souffrante. Il lui est impossible de bouger.

_ Rien de grave ?

De par mes expériences, j'ai appris à m'inquiéter de plus en plus de la santé de mon entourage. Si la fringante Fran n'est même pas en mesure de se lever pour venir étaler son insupportable optimisme, alors je doute qu'il s'agisse d'un simple rhume.

_ Non, rien de grave, c'est fréquent.

_ Fréquent ?

Une maladie chronique ?

_ Mensuel, chuchote-t-il presque.

La pression redescend d'un coup. Tout ce cinéma pour me dire qu'elle a ses règles ? Cet homme a probablement dû connaître toutes sortes de situations inconfortables, vivre dans l'impudeur totale, mais il lui est impossible de parler de l'une des raisons de notre existence.

_ Pourquoi vous le dites comme si c'était un secret ? je réponds sur le même ton.

_ Parce que c'en est un depuis des générations. Un secret qui fait rougir les femmes et abrutit les hommes.

Je ne peux que lui donner raison.

Je ne reste pas plus longtemps débout devant lui et m'assois à ses côtés. Cette relation de dominant-dominé que nous exerçons chaque jour sans nous en rendre compte m'exaspère au plus haut point. Et puis, je commençais à avoir mal au cou.

Tandis que son regard indique la surprise de mon geste, son sourire se fond dans une reconnaissance que je ne peux pas ignorer.

_ Fran m'a dit que vous aviez les clés, pourquoi vous n'entrez pas ?

Il secoue devant mon nez un gobelet qui émet un faible son.

_ Ce n'est pas la situation la plus confortable, mais c'est la plus vitale.

Quelques piécettes qui ne paierait même pas une baguette de pain, c'est tout sauf vital. Je fouille dans mes poches, mais il semblerait que je n'ai pas de liquide sur moi, même pas une petite pièce. La situation me gêne. Sa maigreur me gêne. Ses lèvres glacées me gênent. Ses yeux injectés de sang me gênent. Les crevasses qui parcourt ses mains me gênent.

_ Ça vous dirait de faire un truc dingue ?

Sous son visage paralysé, je crois percevoir un sourire. 

~ ☆❁☆ ~

Le fait est que j'ai pris du retard dans mon écriture et ne suis pas dans ma plus grande forme en ce moment (rien de grave, juste différentes douleurs cumulées, youhou !). Je tente malgré tout de me forcer à écrire, sinon je passerai ma journée à dormir.

Je ne m'étale pas plus, le chapitre 15 m'attend et il a décidé d'être long.

Bonne journée ! 😊

~ ☆❁☆ ~

L'Etincelle { Noël }Où les histoires vivent. Découvrez maintenant