Chapitre 3

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Je n'étais pas vraiment du genre hystérique lorsqu'il était question de célébrité. Je n'avais jamais été fan de qui que ce soit, je n'avais jamais recouvert ma chambre de posters à l'effigie d'une star adulée, je n'avais jamais fait la queue des heures pour apercevoir le visage d'un acteur ou d'un chanteur qui me faisait fantasmer.

Alors bien sûr, il m'était arrivée de m'attarder sur la photographie de l'un d'entre eux, d'imaginer que les paroles d'une chanson interprétée par un charmant musicien m'étaient destinées, ou encore de vouloir, ne serait-ce que quelques instants, me trouver à la place de cette actrice qui embrassait fougueusement ce comédien incroyablement sexy.

Malgré tout, ces réactions n'avaient jamais été excessives ; pour ma part, aduler des célébrités n'avait pas vraiment de sens, puisqu'elles n'étaient en réalité que des personnes ordinaires qui avaient eu la chance de connaître une carrière extraordinaire.

Ce que je ressentais à cet instant me plongeait ainsi dans une profonde incompréhension ; certes, j'étais en route pour me rendre chez Jared Evans, cet acteur mondialement connu ; certes, il était plutôt sexy, ce qui expliquait notamment le fait que de nombreuses filles allaient voir les yeux fermés chacun de ses nouveaux films ; et certes, il était riche.

Je ne comprenais donc pas pourquoi j'appréhendais cette potentielle rencontre. Il n'était qu'un homme comparable à tous les autres, et de plus, même si je connaissais certains de ces films, et qu'il n'était pas le dernier des laiderons sur papier glacier, je n'avais jamais ressenti un intérêt particulier pour lui.

De plus, ce que m'avait confié Alex et Julian sur cet acteur, la veille, me confortait dans l'idée qu'il n'était pas différent du commun des mortels : il en était même l'une de ses plus mauvaises représentations.

Selon leurs dires, il aurait un fort penchant pour l'alcool, et même pour d'autres substances illicites. Bien qu'il soit officiellement en couple avec une jeune actrice, Elena Guttiérrez, ses différentes liaisons avec des mannequins faisaient parler ; et pour couronner le tout, il était exécrable en privé, aussi bien avec ses proches qu'avec ses collaborateurs.

Alex et Julian ne travaillaient pour lui que depuis trois semaines, et passaient leur temps à réparer les pots cassés, en s'excusant auprès de divers producteurs, ou en suppliant des rédacteurs de journaux à scandales de ne pas publier tel article.

Définitivement, je ne comprenais pas mes sentiments, et je n'aurai jamais cru ressentir cela, cette excitation mêlée d'appréhension.

Alex, après un long moment de silence, laissa échapper un soupir :

— Ce mec est définitivement un abruti !

— Qu'est-ce qu'il a fait ? Demandai-je, intriguée. En tout cas, il a le mérite de t'avoir mis en rogne. Remarque, ce n'est pas vraiment un exploit, avec toi, c'est tellement facile de...

— Il refuse de faire cette putain de promotion ! Cria-t-elle, tout en tournant brusquement à gauche. Il la signé, ce contrat, il savait à quoi s'attendre !

— Tu parles de la promotion de son dernier film ?

— Bien sûr, de quoi d'autre ? Me lança-t-elle sèchement. Lorsque tu signes pour tourner dans un film, tu signes aussi pour en faire la promotion, ça fait partie du contrat. Et cet idiot ne veut plus la faire, alors qu'il est censé jouer le jeu des conférences de presse et se rendre à l'avant première. Je dois le voir tout de suite, et lui parler ... Quand Julian apprendra ça ...

Le reste du trajet se fit dans le calme. A mon avis, Alex essayait de contenir ses nerfs : je l'entendais inspirer et expirer lentement à côté de moi. Il valait sans doute mieux, car énervée, elle était bien capable de l'insulter et de se faire virer.

Pacific Palisades était sans conteste un magnifique quartier : situé sur la côte, longeant la mer, il était composé d'immenses maisons luxueuses et de grands espaces verts. Exactement le genre d'endroit qui mettait mal à l'aise tout ceux qui n'étaient pas assez riches pour se payer une de ces résidences.

Nous nous arrêtâmes devant un grand portail noir, où l'on pouvait apercevoir de l'autre côté une toiture rouge vif. La rue où nous étions était étroite, comparée aux autres artères du quartier, et demeurait silencieuse.

Alex ouvrit la fenêtre, et, tout en restant assise au volant, appuya sur ce qui ressemblait à un interphone. Une voix de femme lui répondit, et elle s'annonça :

— C'est Alex.

Une sonnerie retentit et le portail s'ouvrit : je remarquai alors une caméra positionnée sur le dessus.

Dans la cour, il y avait quelques emplacements de parking, qui étaient pratiquement tous occupés par des voitures de luxe et un énorme 4*4. Des graviers parsemaient le sol et un chemin tracé avec des sortes de dalles conduisait jusqu'à l'entrée de la maison.

— Je peux rester dans la voiture, dis-je timidement à Alex.

— Ne sois pas bête, viens avec moi.

— Mais je ne suis pas invitée !

Alex me sourit, ce qui était assez rare pour le souligner, puis se pencha vers moi :

— Il ne remarquera même pas ta présence. Tout un tas de personnes vont et viennent ici, c'est comme ça chez ce genre de célébrité. Je ne sais pas combien de temps ça prendra, et tu ne vas pas attendre toute seule ici.

Quand elle ouvrit la portière pour sortir de la voiture, je fis de même. Instinctivement, je passai ma main dans mes cheveux afin de les démêler, puisqu'ils tombaient de façon désordonnée sur mes épaules. Je n'avais pas pris le temps de me changer ou de me refaire une beauté depuis ce matin, et je me voyais déjà me cacher dans un coin, en attendant le moment où je pourrais partir.

Elle tapa à la porte, et nous nous retrouvâmes face à un femme d'une quarantaine d'année, blonde, au look décontractée : elle portait un jogging et un tee-shirt en coton. Elle nous salua et nous fit entrer, tout en m'observant attentivement.

Peut-être que pour Alex, m'incruster chez une célébrité était tout à fait normal, mais cela ne l'était pas pour tout le monde. Même si ce genre de personnes vivait différemment, je n'en démordais pas, je n'étais pas invitée.

— C'est son assistante, Grace, me glissa-t-elle doucement.

Une assistante ?

Nous la suivîmes à travers le vestibule, avant d'atteindre une immense salle de séjour. Tout était blanc, et les meubles noirs ou gris, pour la plupart particulièrement design. Il y avait un immense canapé d'angle, une cuisine américaine, et une grande baie vitrée qui donnait sur une terrasse et un jardin verdoyant. Cette pièce était plus grande que l'appartement de ma sœur.

En vérité, je ne m'attardais pas plus longtemps sur la décoration. Deux personnes étaient assises autour d'une table en marbre : il s'agissait de deux hommes, l'un en costume, un air dédaigneux sur le visage, et l'autre en chemise à carreaux, avec un ordinateur et des tas de papiers qui l'entouraient.

Mon regard se tourna naturellement vers la troisième personne, qui était debout, en train de faire les cent pas ; et il ne ressemblait pas du tout à l'image que je m'étais faite de lui.


De toi à moi (with love) - [Sous contrat Black Ink Editions]Dove le storie prendono vita. Scoprilo ora