Chapitre 7

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Le reste de la semaine se déroula sans encombres. Mes journées chez EMC se suivaient et se ressemblaient, et je me rendis compte, lorsque le week-end arriva, que j'avais dû traduire au moins un kilo de paperasse. M.Edwards semblait pour l'instant satisfait de mon travail, et je comptais bien continuer sur cette voie.

Plus la soirée du gala approchait, et plus ma réticence s'estompait. Depuis quelques jours, je n'avais fait que travailler, et le fait de me changer les idées ne me déplaisait pas ; de plus, je m'étais rendue compte que mon appréhension concernant le fait de revoir Jared n'avait aucun sens. Il ne devait plus se rappeler ni de moi, ni de mon intrusion chez lui, donc il ne penserait rien du tout en me voyant débarquer avec ma sœur.

Et puis de toute façon, vu le nombre de personnes présentes, je risquais fortement de ne pas le croiser.

-Tu y vas comme ça ?

Alex me regardait de haut en bas, l'air presque dégoûté, ce qui me vexa instantanément. Bon, je portais un pantalon noir et un de mes habituels chemisier blanc, mais je me sentais à l'aise.

-Ne m'adresse pas la parole de la soirée, si je te fais honte, lui dis-je avec un sourire narquois.

-C'est un gala de charité, Charlie ! Regarde, même moi j'ai fait un effort !

Et c'était vrai. Elle qui ne portait jamais de robe en avait mise une, et ça lui allait plutôt bien. La couleur prune faisait ressortir son teint bronzé, et le tissu était à la fois simple et sophistiqué. Elle s'était fait une sorte de chignon bas décoiffé, qui, paradoxalement, lui donnait une allure divine.

Je ne lui faisais jamais de compliments, mais si j'avais dû en faire un, je lui aurai dit qu'elle n'avait jamais été aussi élégante. J'allais devoir m'habituer à voir ma sœur agressive et garçon manqué se transformer, pour le cadre de son travail, en femme mondaine.

-Et pourquoi tu n'as pas mis la robe que je t'ai passée ? Me demanda-t-elle, exaspérée.

-Je l'ai essayée et elle est beaucoup trop courte. Il est hors de question qu'on voit ma culotte dès que je me baisserai pour ramasser un truc !

-Tu n'auras qu'à ne rien faire tomber, et tout ira bien.

-Et pourquoi tu ne la mets pas, toi ? Lui demandai-je, d'un ton provocateur.

-Je l'ai achetée l'année dernière mais je ne l'ai jamais mise, je la trouve trop vulgaire. Mais sur toi, elle sera parfaite, rajouta-t-elle en m'entendant échapper un ricanement. De toute façon, on a pas le temps, Julian vient nous chercher, alors enfile-là !

***

Le gala se déroulait au sein d'un hôtel particulier, à l'extérieur de la ville, une demeure à l'architecture particulièrement moderne : elle était grise et blanche, et une baie vitrée recouvrait tout un côté. La salle de réception, au rez-de-chaussée, était immense et bondée.

Tous les hommes portaient un costume, et les femmes arboraient des tenues dignes d'un festival de cinéma, toutes plus brillantes et plus originales les unes que les autres. Des serveurs, vêtus de nœuds papillons, déambulaient à travers les invités, afin de proposer des canapés ou des coupes de champagne.

J'en saisis une au passage, sans hésiter : j'en avais besoin. Nous étions arrivés depuis seulement quelques minutes, et mes deux accompagnateurs avaient filé pour faire des courbettes à l'instant où nous avions franchi ces portes. J'eus presque envie de ricaner en repensant à Julian, qui m'avait promis qu'ils ne me quitteraient pas d'une semelle.

Je les avais perdus de vue, et je me retrouvais donc seule. De plus, j'avais clairement l'air d'une allumeuse, et le regard que me lança un vieil homme en passant à côté de moi me conforta dans cette idée.

J'avais cédé et enfilé la robe que m'avait passée Alex, qui effectivement était plutôt vulgaire. Elle n'était pas décolletée, mais particulièrement moulante, et surtout, incroyablement courte. J'avais ondulé mes cheveux que j'avais laissé lâchés, et j'étais trop maquillée. Je m'étais mis du noir sur les yeux, mais le trait était trop épais, le rouge à lèvre trop vif. Heureusement, je portais mes chaussures plates que j'adorais, des talons en plus et on m'aurait sans aucun doute arrêtée pour racolage.

Afin de ne pas rester sans rien faire comme une gourde, je me dirigeai vers le buffet et mangea quelques toasts, ce qui ne combla en rien ma faim. Pourquoi fallait-il toujours que dans ce genre de soirée, la nourriture soit en option ?

-Vous voulez un verre ?

Un individu à lunettes d'une quarantaine d'années se rapprochait de moi en souriant. Il portait un costume gris et me fixait attentivement.

-Pourquoi pas, lui répondis-je.

Après tout, j'avais vidé ma première coupe de champagne, et une deuxième ne me ferait pas de mal. Il commença à me parler de lui, et je me rendis vite compte qu'il appartenait à cette catégorie de personne qui ne s'intéressait pas aux autres au sein d'une discussion.

Pendant qu'il me disait à quel point il en voulait aux actionnaires de son entreprise, je tournai nerveusement mon bracelet autour de mon poignet. Cette réception n'était en rien représentative du glamour hollywoodien ; comme m'avait prévenu Alex, il s'agissait surtout de puissants chefs d'entreprises ou de membres de la jet-set imbus de leur personne.

Quand je vis Julian au loin, j'en profitai pour m'éloigner de cet homme à lunettes que j'éviterai dorénavant pour le reste de la soirée.

-Alors, quoi de neuf ? Lui demandai-je, en lui tapotant l'épaule.

-Rien, à part que Jared ne semble pas vouloir se pointer. Il devrait être là depuis une heure ! Il doit se montrer ce soir, on a fait venir des journalistes pour ça. Les gens nous demandent où il est, et un discours est même prévu. Je te jure, quelle merde !

Sans un mot de plus, il s'éloigna en sortant son téléphone de sa poche, me laissant encore une fois seule. Cette soirée commençait à me taper sur le système, et j'eus soudain envie de prendre l'air.

Je sortis de la maison, et me retrouvai à l'endroit où les voituriers accueillaient les invités. Je m'éloignai un peu sur le côté, afin de me retrouver au calme, mais surtout dans la pénombre. J'en profitai pour boire une grande gorgée, puisque j'avais saisi au passage une troisième coupe de champagne.

Malgré ma réserve naturelle, je me sentais à l'aise la nuit, entourée de monde et de bruit. Pourtant, ici, ce n'étais pas le cas. Non pas que j'étais intimidée au point de vouloir fuir, mais je ne voyais pas comment m'amuser avec ces gens-là.

Voila pourquoi cette mise à l'écart me faisait du bien. Les bruits de la fête me paraissaient tellement loin. J'entendais presque le vent soufflait. Je fermais les yeux quelques instants, me rendant compte que le champagne commençait à faire son effet.

-Jolie robe !

Je fus tellement surprise par cette voix que je faillis en lâcher ma coupe. J'étais si absorbée dans mes pensées que je n'avais pas remarqué que quelqu'un était assis juste derrière moi, sur le muret.

Malgré la pénombre, je le reconnus instantanément.

 


De toi à moi (with love) - [Sous contrat Black Ink Editions]Donde viven las historias. Descúbrelo ahora