Chapitre 3

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Lundi 17 Novembre 2014 - 15h38.
Hôpital de Beacon Hills.


Aubrey entra dans la chambre et comme à son habitude, enclencha la playlist qui était associée aux soins de l'après-midi. D'après ses proches, Stiles aimait les musiques de jeux vidéos. Aussi, différentes playlist lui avaient été dédiées et introduites dans des rituels quotidiens afin de lui donner des points de repères.

- Bonjour, Stiles. Je suis désolée d'être en retard, j'ai dû m'occuper d'une patiente très peu aimable.

Il était de coutume de lui parler le plus possible. De lui expliquer les soins qui lui étaient prodigués mais également de lui raconter toutes sortes de choses qui pouvaient le relier à la réalité. Aubrey aimait cet aspect de son travail : permettre aux patients de rester connectés avec le monde extérieur. Les aider à faire face malgré la maladie ou les traumatismes. Et puis, Stiles était entouré de personnes fascinantes et attachantes. Elle aimait les visites de ses amis. Ils étaient toujours attentifs aux soins qu'elle prodiguait à Stiles et ne l'ignoraient pas lorsqu'elle les croisait. Elle avait appris à les connaître au-delà de son rôle d'interne au chevet de leur ami.

- Lydia ne devrait plus tarder. Elle passe toujours vers seize heures, tu te souviens ?

Machinalement, elle massait les bras de l'adolescent pour stimuler ses terminaisons nerveuses et rappeler constamment à son cerveau qu'il avait un corps en état de marche. Tout en remontant ses doigts vers l'épaule de Stiles, son regard se posa sur le visage du garçon et elle marqua un temps de stupéfaction en réalisant qu'il avait les yeux ouverts. Il fixa quelque chose au-dessus d'eux, puis tourna ses pupilles vers elle et ses paupières se firent lourdes. Aubrey reprit aussitôt son massage et afficha un sourire bienveillant.

- C'est très bien, Stiles. Ne force pas, tu arrivera à nous revenir très bientôt. Tes amis vont être heureux de savoir que tu progresse. Fais-le à ton rythme, ils sont tous impatients de te revoir.

Stiles déglutit mais ses yeux s'étaient clos de nouveau et il ne les rouvrit pas. Aubrey termina ses soins tout en continuant de discuter avec lui, même si elle savait pertinemment qu'il ne lui répondrait pas avant longtemps. C'était un véritable miracle que les fonctions de Stiles continuent de progresser malgré le temps qui passait. Les cas de mort cérébrale après quelques semaines étaient fréquents, mais Stiles semblait avoir une force de caractère hors du commun.

Il était tout juste seize heures lorsque Lydia ouvrit la porte de la chambre. Elle s'avança timidement vers le lit de Stiles, comme à son habitude. Elle n'arrivait toujours pas à se sentir à l'aise en ces lieux, malgré le temps qui passait. Au contraire, il lui semblait perdre complètement ses repères dès lors qu'elle passait la porte du hall de l'hôpital. Elle se sentait comme prise dans une avalanche, incapable de distinguer le haut et le bas. Mais elle s'accrochait, parce qu'elle ne pouvait pas laisser tomber Stiles alors qu'elle savait au fond d'elle, qu'il finirait par leur revenir.

- Hey, Stiles ...

Elle prit place sur un tabouret, tout près de son lit, et posa automatiquement sa main sur celle de son ami. C'était toujours aussi étrange pour elle, de le voir allongé là, sans bouger. Elle n'avait appris à le connaître que quelques années auparavant, mais il avait toujours été si agité ... Elle ne se faisait pas à ce Stiles immobile et silencieux. Il avait toujours quelque chose à dire, que ce soit important ou non. Toujours un plan, foireux ou pas. Et puis, il était celui qui la comprenait le mieux. Celui qui avait su voir en elle la fille intelligente qu'elle avait pourtant cachée à son entourage durant toute sa vie. Elle l'aimait, profondément et sincèrement. Il était devenu quelqu'un d'important dans sa vie et elle voulait qu'il le sache, mais elle n'avait toujours pas été capable de mettre des mots dessus.

- Tu sais, il va falloir que tu te réveille, si tu veux que je te dise enfin mon secret, Stiles. Et puis, des mecs, il y en a plein et je n'ai que l'embarras du choix, si tu vois ce que je veux dire. Donc il faudrait que tu arrête de te faire désirer parce que je vais juste me lasser, comme pour tous les autres.

Elle souriait tendrement, en contemplant le visage de son ami. Il lui avait fait sa déclaration depuis longtemps et ils avaient traversé tant d'épreuves ensemble que leur relation s'était ancrée profondément dans leur histoire commune. Et même si Stiles et elle ne sortiraient probablement jamais ensemble, elle adorait lorsqu'ils se taquinaient l'un et l'autre. Elle aimait l'entendre dire qu'elle était la seule fille qui comptait dans sa vie et elle aimait lui répondre qu'il ne la méritait pas alors que par un regard, elle lui assurait silencieusement que personne ne lui arriverait jamais à la cheville tant son amitié était exceptionnelle pour elle.

- Eh, tu nous manque beaucoup. J'aimerais qu'on discute un peu de prix Nobel et de prix Goncourt, parce qu'il n'y a qu'avec toi que je peux parler de tout ça. Les autres sont géniaux mais tu sais, c'est un peu notre secret à nous. Je n'ai pas envie de le partager avec eux.

Elle soupira doucement, avant de caresser la joue froide de l'adolescent. Elle détestait la sensation de sa peau sous ses doigts, mais elle ne pouvait s'empêcher de le toucher malgré tout. Elle savait que toutes les stimulations étaient une infime chance supplémentaire de le ramener, et elle ne voulait gâcher aucune de leurs opportunités.

- Aubrey m'a dit que tu as ouvert les yeux, tout à l'heure. J'aurais aimé être là pour voir ça et en même temps, je suis contente que ça n'ait pas été le cas. J'aurais eu envie de te secouer et de te mettre debout. Je suppose que ça n'aurait pas été la meilleure des thérapies.

Elle rit doucement et retira enfin ses mains de ce corps inerte qui s'obstinait au silence. Elle détestait le bruit du moniteur cardiaque, même s'il indiquait que son ami allait bien. Elle aurait aimé n'entendre que le son de sa voix, et pas le rythme de son coeur à travers une machine.

[Sterek] Un monde de brumeWhere stories live. Discover now