Chapitre 8

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Mercredi 24 Décembre 2014 - 18h58.
Maison des Stilinski.

Le silence s'étendit de trop longues secondes aux yeux de Stiles. Il aurait aimé détendre l'atmosphère mais personne n'avait répondu à sa question et il ressentait un besoin violent d'avoir une réponse.

- Il est ... où ?
- On n'en sait rien. Il a disparu la nuit de ton accident. Stiles, est-ce que tu te souviens de quelque chose, ce soir-là ? Tu étais allé voir Derek ?

Il haussa les épaules. Les souvenirs de cette nuit-là étaient flous. Il se souvenait de Derek, oui. Il se voyait monter dans sa voiture noire et il ressentait avec cette image, une vague d'angoisse. Il essaya de se concentrer, mais son cerveau lui envoya des chocs électriques suivis de flashs lumineux qui lui firent perdre l'équilibre. S'il n'avait pas été assis, il serait probablement tombé. Au lieu de ça il cligna plusieurs fois des paupières pour essayer de fuir cette agression furtive et Scott le ramena à la réalité en pressant doucement sa main sur son épaule.

- Ne force pas, Stiles. On trouvera des réponses plus tard.

Noah écoutait attentivement, assemblant les pièces du puzzle qu'il avait tant de fois essayé de comprendre. Stiles ne se baladait jamais à pieds. Or ce jour-là, sa voiture était restée sur le parking du lycée et aucun de ses amis n'avait su expliquer pourquoi Stiles était parti sans elle. Ils avaient supposé que l'adolescent était allé voir Derek puisqu'il avait été renversé à quelques kilomètres du loft, mais là encore la théorie restait floue : Derek n'avait donné aucun signe de vie depuis ce soir-là.

Stiles chercha quand même dans sa mémoire. Pourquoi Derek était-il venu le prendre ? Il se souvenait d'un message. Ou d'un appel ? C'était flou dans ses souvenirs. Il avait eu un besoin urgent de voir le ... loup ? L'adolescent plissa les yeux. Pourquoi l'appeler ainsi ? Il avait eu besoin de voir Derek, mais il était incapable d'en connaître la raison.
Stiles soupira lourdement. Il en avait mare, tout à coup, de cette soirée qu'il avait tant attendue. Il se sentait vidé de toute son énergie. Il écarquilla légèrement les yeux pour tenter de recentrer son esprit. Il se sentait agressé par la lumière tamisée du salon. Les bruits de la cuisine lui semblaient résonner dans son crâne comme des marteaux-piqueurs et les souffles de ses amis étaient devenus soudainement bien trop bruyants.

- Bon ! Et si nous passions à table ? Schérif ? Je crois que votre rôtis est cuit.

Lydia s'avança d'un pas franc vers la table et poussa légèrement Scott pour tirer la chaise à côté de Stiles et s'y installer. Et tandis que tous obéissaient et prenaient place autour de la table, l'adolescent lui lança un regard de profonde reconnaissance. Il ignorait comment elle avait deviné ce que même Scott ne semblait pas avoir remarqué, mais il ne pourrait pas la remercier suffisamment avec des mots. Alors, discrètement, il passa une main sous la table et alla chercher celle de la jeune fille, qui serra la sienne en retour.

- J'espère que vous avez faim, les enfants.
- Oh oui ! J'ai une faim de loup !

De nombreux regards se tournèrent vers Liam avec une mine sévère. Des regards noirs que Stiles ne perçut pas, absorbé brutalement par un flash qui accentua sa migraine. Il serra malgré lui la main de Lydia qui caressait encore la sienne et se figea un instant, rien qu'une fraction de seconde. La jeune fille tourna sa tête vers lui, l'air attentif, mais ne dit rien qui puisse attirer l'attention des autres sur Stiles. L'instant d'après, l'humain reprenait un air impassible et se concentrait sur le repas que son père commençait à servir. Lydia mit encore quelques secondes avant de lâcher Stiles du regard. Il venait de se passer quelque chose et s'il refusait d'en parler de lui-même, elle le lui demanderait plus tard, en privé.

La soirée avait été mouvementée, pour Stiles. Il se souvenait de fêtes de Noël bien plus bruyantes et bien plus agitées que celle-ci, mais la seule présence d'autant de personnes autour de lui l'avait éreinté. Il demanda à rejoindre sa ... quoi, déjà ? chambre, avant que sonne minuit. Il n'y avait pas eu d'échanges de cadeaux, il s'était senti trop fatigué pour subir le son des papiers que l'on déchire et la joie trop explosive d'une bande d'adolescents excités. Scott avait proposé de l'aider à monter, mais Lydia avait fortement insisté pour le faire. Stiles se douta, en s'asseyant sur son lit et en voyant Lydia fermer sa porte discrètement, qu'elle ne l'avait pas fait juste pour le plaisir de monter les marches en dix interminables minutes. Il posa sur elle un regard expressif, il attendait qu'elle parle.

- Tout à l'heure, tu n'avais pas l'air bien.
- Juste ... fatigué. Ca ira ... euh ... après.
- Demain.
- Quoi ?
- Le mot, après la nuit, c'est demain.
- Oh. Demain.

Il savait, pourtant. Il se souvenait comment écrire, et il savait lire même si sa capacité de concentration l'avait ramené presque dix ans en arrière. Les mots se dessinaient en des courbes familières dans sa tête, mais leur sens semblait prendre un malin plaisir à déformer les lettres et à les mélanger, parfois. Si bien que les mots ne trouvaient plus le chemin jusqu'à sa langue.

- Stiles, est-ce que tu va bien ?

Il soupira profondément en coulant sur la pièce un regard observateur. Il n'aimait pas cet endroit. Il s'y sentait mal.

- Je n'aime pas ... ici.
- C'est ta chambre, pourtant.

Comment lui faire comprendre qu'il manquait quelque chose ? Il avait ce sentiment étrange et constant d'avoir oublié une chose importante.
Lydia le regarda avec intérêt. Elle aurait aimé qu'il sache ce dont il avait besoin, mais elle avait lu tous les articles possibles sur l'amnésie traumatique et les phases de coma. Elle savait que le noyer sous les questions ne l'aiderait pas à recouvrer la mémoire. Cependant, elle remarqua qu'il fixait un point précis, sur son bureau, juste à droite de son ordinateur.

- Ton faucon millénium était posé là. Scott a demandé à ton père s'il pouvait l'amener à l'hôpital. Il disait que tu l'adorais.
- Je l'adore.

Faucon millénium. Il n'avait pas eu besoin de réfléchir pour savoir de quoi elle parlait. Voilà ce que c'était, cet objet qui le fascinait chaque jour, depuis qu'il l'avait remarqué dans sa chambre d'hôpital. Il venait enfin de comprendre pourquoi il lui avait semblé si étrange, là-bas. Il avait l'habitude de le voir là, sur cette ... table. Il soupira et se laissa tomber en arrière, épuisé.
En atterrissant sur l'oreiller, il perçut une effluve qui fit remonter des images violentes derrière ses yeux. Il se crispa, ferma les yeux aussi fort qu'il put et tenta d'échapper à cette vision d'horreur. Des yeux rouges qui le fixaient sans frémir, et du sang. Du sang partout, sur Scott et sur d'autres personnes qui s'agitaient dans tous les sens. Mais tout ce qu'il parvenait à voir, c'était Scott et son visage déformé par la souffrance.

- Stiles !?

L'adolescent se redressa vivement et balança son oreiller sur le côté. Il se passa une main brusque sur le visage, comme pour effacer ce cauchemar.

- Ca va ? J'ai cru que tu allais faire une crise, qu'est-ce qu'il s'est passé ?
- Rien ... Rien, juste ... un cauchemar.
- Tu fais des cauchemars sans dormir, toi ?
- Je ... trop fatigué. Je ... Tu veux bien ... partir ? Demain ?

Elle hésita. Elle comprenait son état de fatigue. Elle avait lu à quel point chaque nouvelle étape pouvait être compliquée pour un convalescent comme Stiles. Mais elle sentait qu'il y avait autre chose. Quelque chose de plus compliqué qu'une simple difficulté à retrouver ses repères. Pour ne pas affoler son ami, elle étira un sourire qui se voulait sincère et se leva du lit.

- D'accord, je m'en vais. Bonne nuit, beau brun.

[Sterek] Un monde de brumeKde žijí příběhy. Začni objevovat