Chapitre 10

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Jeudi 25 Décembre 2014 - 19h44.
Hôpital de Beacon Hills.

Il ne s'était pas inquiété une seule seconde. Est-ce qu'il aurait dû ? Scott lui avait annoncé la veille que Derek avait disparu depuis que lui-même avait été victime d'un accident de voiture. La réaction normale d'un petit-ami aurait été de s'inquiéter, non ? Pourquoi lui, n'avait-il ressenti que de la colère à l'égard de Derek ? Et pourquoi là, alors que le ... l'adulte lui faisait face, il n'avait pour envie que celle de lui coller son poing dans la figure ?
Derek lui avait demandé plusieurs fois comment il se sentait, et Stiles n'avait toujours pas répondu. Il se tenait devant son lit depuis plusieurs minutes, maintenant, mais l'adolescent restait muet comme une tombe. Les sourcils froncés, il essayait de comprendre ses propres émotions.

- Tu ... étais où ?
- J'ai eu besoin de m'éloigner.
- ... de m... moi ?

Derek soupira doucement. S'il avait su ce qui était arrivé à l'humain, voilà longtemps qu'il aurait fait demi-tour. Pourtant, la question que lui posait Stiles lui serra le coeur. Oui, de lui. Bien sûr, qu'il avait eu besoin de s'éloigner de lui. Le pire était sûrement qu'il devrait bientôt repartir. Parce que voir l'adolescent là, assis dans un lit médicalisé et vêtu d'une chemise d'hôpital, le mettait particulièrement mal à l'aise. Tout était sa faute.

- Oui, de toi, Stiles.
- Tu ... es trop ...

Quoi, déjà ? nul ? timide ? peureux ?

- ... lâche ... pour m...me quitter ?
- Stiles ...

Voilà, il y était. A une époque pas si lointaine, Stiles aurait alors entamé un interminable monologue, se perdant dans des pensées absurdes pendant bien trop longtemps au goût du loup. Mais cette fois il restait silencieux, parce que sa question était aussi simple que ça : pourquoi Derek ne l'avait-il pas quitté avant de partir refaire sa vie ailleurs ?
Derek s'approcha du lit, s'assit à son extrémité et posa son regard dans celui de l'adolescent. Ce qu'il s'apprêtait à dire lui était difficile. Il avait mis du temps à l'encaisser et la blessure était encore trop fraiche dans sa mémoire. Il n'était probablement même pas encore remis.

- Stiles, nous n'étions pas ensemble.
- Quoi ?

Stiles se figea, sans quitter les yeux clairs qui le fixaient intensément. Il était pourtant certain, sur ce coup-là. Comment son esprit avait-il pu lui jouer un tel tour ? Il se sentit rougir alors que les mots recommençaient à lui manquer. Bon sang, s'était-il à ce point planté ? La honte !

- Je t'arrête tout de suite, Stiles, parce que je suis certain que ton insupportable petite tête est en train de se faire les scénarios les plus stupides possible.
- Hein ?
- Je t'aime.
- Quoi ?

Bon sang, quelque chose lui brouillait les neurones. Il avait bien conscience de ce que signifiaient ces mots. Il savait aussi, au fond de lui, n'avoir jamais entendu Derek dire quelque chose de similaire à qui que ce soit avant lui. Pas qu'il se souvienne avoir été témoin de ses laborieuses histoires d'amour, mais ...
Stiles ferma les yeux fortement en secouant la tête. A quelles histoires son esprit était-il en train de faire référence, au juste ? Bon sang, il détestait vraiment cette sensation de flou qui embrumait son cerveau.
Derek posa une main sur sa cuisse, provoquant un flash derrière ses paupières, qui lui glaça le sang. Il repoussa violemment la main de son vis-à-vis et, face à la mine déconfite de Derek, tenta de reprendre contenance. Bon sang, ces sortes d'hallucinations le torturaient depuis la veille. Dès qu'il fermait les yeux, des images d'une rare violence faisaient irruption et détruisaient le peu d'assurance qu'il avait dans ses souvenirs.

- Stiles, je t'aime. Ce soir-là, je suis venu te chercher au lycée pour te le dire, mais tu m'as rejeté.
- Je t'ai ...
- Oui. Tu es parti en étant furieux et je ne t'ai pas rattrapé. C'est ma faute, ce qu/
- Ca n'a pas de ... ce n'est pas euh ... possible.

Derek soupira lourdement. Il allait bien devoir lui avouer ce qui s'était réellement passé, mais il sentait qu'il était trop tôt pour l'adolescent. Quelque chose n'allait pas. Stiles était tendu et son coeur battait trop vite. Il aurait pu mal vivre le fait de connaître les circonstances de son accident, mais le loup sentait qu'il y avait autre chose.

- Stiles ?

Stiles clignait des yeux exagérément depuis plusieurs secondes, maintenant. Comme s'il essayait de chasser quelque chose de sa tête. Derek tenta une nouvelle approche en déposant délicatement ses doigts sur la main de Stiles, mais ce dernier le rejeta d'un mouvement brusque et porta aussitôt son bras à son visage dans un geste protecteur.

- Stiles, qu'est-ce qui se passe ? Tu te souviens quelque chose ?
- Non ... Non, rien du tout ... ça va ...

Derek entendait le mensonge dans sa voix, mais Scott l'avait prévenu de l'amnésie de Stiles et de la décision commune consistant à garder l'adolescent hors du surnaturel. Il ne pouvait pas affirmer qu'il mentait sans lui expliquer comment il le savait.

- Tu es sûr ?
- Oui. Je suis ... fatigué.

C'était son arme ultime et elle fonctionnait merveilleusement bien, depuis la veille. Chaque fois qu'une question lui était un peu trop difficile, il prétendait être épuisé et tout le monde lui fichait la paix. Il ne voyait pas pourquoi Derek ferait exception à la règle.

- Stiles, tu nous le dirais, si tu te souvenais de quelque chose, hein ?
- Je me ... souviens rien.

Il ne mentait pas. Tout ce qu'il voyait, ces images horribles qu'il s'imaginait, n'étaient pas des souvenirs. Ce n'était que le fruit de son imaginaire, des hallucinations sordides dont il n'arrivait pas à se défaire. Il ne se souvenait pas de son accident, ou des dernières années écoulées. Il appréciait Isaac, Liam, Kira et Malia, mais il n'avait aucun souvenir de ce qu'il avait pu partager avec eux après son accident. Il ne se souvenait pas leurs rires, leurs sourires ou les blagues qu'ils avaient pu échanger. Il n'avait en tête que des hurlements, des grognements rauques et des blessures sanglantes. Il essayait de se dire que son esprit irait mieux avec le temps mais au fond, il savait : il devenait fou.
Derek l'observa sans broncher. Il semblait convaincu par ce qu'il avançait, mais son coeur battait vite, signe d'un trouble qui le perturbait fortement. Peu importe ce qu'il avait visualisé, il avait peur. Le loup voulu le rassurer mais ses deux vaines tentatives le dissuadèrent d'essayer à nouveau.

- Je vais te laisser te reposer.

Stiles le regarda à peine, lorsqu'il se leva du lit pour quitter la chambre. La carrure de Derek collait parfaitement avec l'une des silhouettes de ses cauchemars. En fait, il avait l'impression que les créatures qui le hantaient ressemblaient fortement à ses amis. Il ne comprenait pas pourquoi son cerveau déformait ainsi les traits de ceux qui formaient pourtant ce qui ressemblait le plus pour lui, à une famille. Il était déchiré entre des sentiments très forts : une peur viscérale contre un danger qu'il ignorait, et un attachement sans bornes à ces adolescents dont il n'arrivait même pas à se souvenir.

[Sterek] Un monde de brumeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant