CHAPITRE 3 (partie 1)

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CHAPITRE 3

La boîte

Une semaine, neuf heures, quinze minutes. C'était le temps qui s'était écoulé depuis la disparition de monsieur Belmonde, alors que je venais pour la énième fois devant le magasin. Son horlogerie avait été vidée, passée de fond en comble au peigne fin, sans qu'on sache ce qu'on cherchait. La police y avait fouillé chaque tiroir, chaque coin, chaque tapis. Leur recherche n'avait rien révélé de plus que les marques de combat dans l'arrière salle.

Cinq jours, dix heures, trente-sept minutes. C'était le temps qui s'était écoulé depuis que ma famille m'avait suppliée de laisser les officiers s'occuper de cette affaire. Mes parents étaient d'avis que c'était bien trop dangereux. Nous ne connaissions pas le crime dans notre village, d'habitude. C'était assez pour réveiller une peur profonde que nous ne savions pas gérer. Mon père, si calme en temps normal, m'avait sermonnée en me disant que je devais me reprendre en mains et penser à la suite des événements : déménager mes affaires si je ne pouvais plus vivre dans le magasin, me renseigner pour continuer mes études ailleurs...

Évidemment, j'en étais incapable. Je ne dormais plus la nuit, me rendant devant le magasin à des heures improbables pour obtenir des nouvelles. Un espoir fou m'empêchait de penser à autre chose. Il devait y avoir une explication. Nous avions oublié un élément, nous avions été trop pressés. Il devait y avoir un indice quelque part dans ce magasin immense.

Personne ne voulait faire du mal à monsieur Belmonde. Alors pourquoi est-ce qu'il n'y avait pas eu de vol ? Pourquoi n'avions-nous pas reçu de rançon ? Pourquoi, jour après jour, m'annonçait-on qu'ils étaient bredouilles ?

J'avais manqué quelque chose. C'était forcé.

Sa disparition avait rendu notre village méconnaissable. L'esprit festif avait été remplacé par une peur viscérale. Les habitants se connaissaient tous, ou alors ils connaissaient quelqu'un qui connaissait quelqu'un d'autre. Nous étions une toile d'araignée où chaque fil s'intriquait avec les autres. Personne n'était confronté au crime. Surtout pas à une disparition. La fois où un vélo avait été volé, ça avait été suffisant pour être un sujet de conversation pendant des mois. Nous n'avions pas de service de police chez nous, seulement dans les villes voisines qui se déplaçaient rarement dans notre direction.

Leur venue dans de telles circonstances, c'était l'inconnu. Et l'inconnu faisait peur.

Beaucoup se présentaient devant le magasin les premiers jours, puis ils se furent plus rares. La terreur, elle, montait insidieusement. Les rues d'habitude remplies d'enfants jusqu'au bout de la soirée devenaient vides. Les magasins fermaient plus tôt. Les voisins se verrouillaient à double tour derrière leur maison avec une seule vraie question en tête : la disparition de monsieur Belmonde mettait-elle en danger leur existence paisible ?

La pensée me donnait la nausée. Ils ne se souciaient pas réellement de lui quand ils demandaient à avoir l'avancée de l'enquête. Chaque question cachait des intérêts et des craintes. Certes, c'était naturel d'avoir peur. Mais monsieur Belmonde ne méritait pas cette hypocrisie.

Debout devant la vitrine, immobile sous le soleil qui commençait à monter, j'attendais. Qu'espérais-je ? Je ne savais plus vraiment. Sans l'horloger, mon quotidien n'était plus pareil. Mes journées tournaient autour de ce travail. J'avais mis tout mon temps et mes espoirs dans notre magasin. Après tout, je n'avais même pas terminé mon apprentissage. J'étais censée apprendre avec lui encore quelques mois avant de partir vers la capitale. C'était mon plan depuis des années. Qu'est-ce que j'allais faire, à présent, si on ne le retrouvait pas ? Chercher un autre emploi comme le conseillait mon père ? Je ne connaissais aucun autre horloger qui accepterait de m'enseigner dans les environs. Même si c'était le cas, je n'étais pas sûre de vouloir le faire.

Le toucher du Temps | TOME 1 : les secrets de l'horlogerOnde histórias criam vida. Descubra agora