CHAPITRE 5 (partie 2)

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       Un vent frais secouait les arbres autour de la gare et faisait voler mes cheveux en arrière. Les quelques lumières encore présentes avaient une intensité diminuée, pour ne pas déranger les habitants du quartier. L'atmosphère semblait chargée de ma nostalgie, comme si mon humeur me faisait voir des détails différents dans ce décor aussi quotidien.

     Pour la toute première fois, j'allais partir. Enfin.

      Je marchais le long du couloir vide de notre petite gare. Il y avait deux quais, utilisés surtout pour nous alimenter en denrées indisponibles dans la région. Pour une raison qui m'échappait, le maire ne prévoyait rien pour nous aider à nous déplacer. Au contraire, on faisait tout pour nous en dissuader. Excepté les quelques villes du coin, nous étions isolés du reste du pays. Il suffisait de voir les regards des autres quand je parlais de voyages et d'ailleurs. Comme si j'étais folle. Que ma curiosité était une anomalie.

    Mais pourquoi ? Je savais que la situation n'était pas des plus stables dans notre pays, on nous l'enseignait à l'école. L'après guerre avait été terrible pour le peuple.

    Cependant, cela n'expliquait pas l'application avec laquelle on poussait les habitants du village à rester.

    Encore perdue dans mes pensées, j'aperçus la silhouette familière d'Archie. Penché sur un tas de feuilles tombées au sol, il semblait se battre contre le vent pour toutes les ramasser.

— Tu te débrouilles ? lançai-je en haussant un sourcil déconcerté.

— À ton avis ? répliqua-t-il sèchement.

    J'avais demandé plus par politesse qu'autre chose, mais soit. Il attrapait rapidement les feuilles dispersées, alors j'évitais de proposer mon aide. À tous les coups, ça se retournerait contre moi.

     La valise toujours en main, je levai la tête vers l'immense machine noire qui traînait plus loin sur le quai.

    Et pendant un instant, j'eus l'impression que l'air dans mes poumons avait disparu.

    Le magnifique train semblait plus haut que tout ce que j'avais pu voir. Je ne savais pas qu'il était possible qu'il possède un étage ! Sur les côtés, de jolies arabesques dorées s'élançaient pour former un motif complexe. Perchée à plusieurs mètres, une cheminée noire trônait en maître. Je pouvais déjà m'imaginer les volutes de fumée qui s'en déversererait lorsqu'elle s'activerait.

    Et, touche finale de grande importance, un cercle doré attrapait la lumière sur son flanc. De là où je me tenais, je devinais sans souci le symbole de rails iconique de la Compagnie des trains.

— C'est ma fierté, glissa Archie quand il réalisa que j'observais le Colossus.

    Et il avait bien raison de penser ainsi. Je ne m'étais pas du tout attendu à ça. En réalité... je ne m'attendais pas à grand chose. Je ne connaissais que les trains de marchandises et les descriptions faites dans les articles de journaux. Jamais je n'avais pu voir toutes ces machines modernes de mes propres yeux.

— Allez, on y rentre.

     Archie, avec tous ses papiers froissés sous le bras, marcha à grandes enjambées pour rejoindre sa place. Je me retrouvai rapidement à trottiner derrière, essayant de faire avancer ma valise qui se retournait sur elle-même et bondissait sur la pierre du quai.

     La porte d'entrée du train était grande ouverte. D'un grand pas, Archie monta à bord. Quant à moi, je pris plus de précaution... le trou entre le train et la bordure du quai me semblait dangereux. Que se passerait-il si je glissais ? Pouvait-on rester coincé ?

Le toucher du Temps | TOME 1 : les secrets de l'horlogerحيث تعيش القصص. اكتشف الآن