CHAPITRE 5 (partie 1)

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CHAPITRE 5

Le départ

   « On part cette nuit », disait-il. Il lui manquait une case !

   J’avais quelques heures pour préparer ma valise, convaincre mes parents de me laisser partir et pour mettre en ordre ma chambre pour qu’elle soit impeccable quand je m’en irais. Autant dire que je ne pensais pas réussir à cocher un seul élément de la liste.

  Comment annoncer la nouvelle à ma mère ? Mon père n’accepterait pas non plus que je m’en aille sans avoir tout prévu avec lui ! Mais voilà, monsieur Archie s’en fichait. « Je dois aller récupérer quelqu’un », m'avait-il répondu. Notre voyage n’avait même pas commencé et ses décisions m’énervaient déjà.

  Dans ma chambre, j’avais sorti des piles de vêtements pour sélectionner ce que j’allais amener. Des tenues adaptées, des chaussures pour la marche, de l’argent... c’était déjà un bon commencement. J’ajoutai des documents d’identité. Puis, après avoir hésité, j’avançai vers mes photos. L’une d’elle trônait au-dessus de toutes les autres.

    Ma favorite.

    Félix avait enclenché un retardateur et s’était raté royalement. Il avait trébuché et la photo immortalisait cet instant parfaitement. J’étais en train de rire, au côté d’un monsieur Belmonde raide comme un balai qui regardait la chute de mon frère avec des yeux étonnés. Mes parents et mes sœurs se moquaient gentiment aussi, avec un sourire visible même dans leurs yeux. C’était à la fin de ma première année d’apprentissage. Nous avions célébré à la maison et même si l’horloger était mal à l’aise dans ma famille nombreuse et son chaos, il souriait. J’étais tellement heureuse, ce jour-là.

    Je glissai la photo dans une partie de la valise. Pour le support émotionnel… ça pouvait compter comme essentiel.

    Si j’avais eu assez de temps, je me serais renseignée plus en détail sur le climat de nos destinations, mais le temps devant moi devenait sérieusement limité. Tant pis, j’allais devoir me contenter d’une valise incomplète. C’était mieux que rien.

    Je posai toutes mes affaires sur mon lit après une dernière inspection. La valise d’un bleu sombre détonnait sur mon drap blanc, pas à sa place dans ma chambre. Je l’avais eue récemment, donnée par une voisine pour mes perspectives de voyage vers la capitale. Elle allait devoir servir plus tôt que prévu…

    Le bruit des discussions de mes parents au rez-de-chaussée suffisait à me donner des frissons. Les confronter serait dur, mais je devais le faire. Avec des pas un peu trop lents – la peur, sûrement – je me dirigeai vers la confrontation inéluctable.

     Ma mère se tenait sur un des canapés près de la baie vitrée. Ses cheveux noirs tombaient gracieusement sur ses épaules ciselées. Félix étais assis en face d’elle avec un cahier dans les mains. Ils travaillaient des cours de mathématiques, vu la perplexité sur leurs visages. Près de là, mon père discutait avec une Lili surexcitée, assis sur des chaises près de la table. Elle gesticulait en grand, comme toujours. Mes deux autres sœurs ne vivaient plus ici, elles manqueraient la confrontation.

   Tant mieux.

   Lili se tut quand elle aperçut ma mine anxieuse. Son silence anormal attira l’attention de mon père, ce qui alerta Félix, puis ma mère. J’avais alors quatre paires d’yeux inquiets sur moi.

— Vous pouvez nous laisser quelques minutes ? demandai-je à Lili et Félix.

    Mon frère grimaça. Il n’approuvait pas ma décision et malgré ses tentatives de dissuasion, je ne comptais pas changer d’avis. S’il savait que je partais ce soir… autant dire qu’il allait m’en vouloir.

Le toucher du Temps | TOME 1 : les secrets de l'horlogerWhere stories live. Discover now