À toi, corps et âme

Chapitre 11 - Bas les masques // 2

Dans le brouillard le plus total, je sens la douceur du soleil qui réchauffe mon visage, suivi immédiatement d'une douleur lancinante qui pulse dans mes tempes. Je soulève une paupière et la referme presque aussitôt, éblouie par tant de luminosité. Mon cerveau met plusieurs secondes à se remettre en état de marche. La soirée d'hier me revient par bribes. Je me rappelle vaguement d'avoir surpris Paul et Marc, puis Liam et sa bimbo d'interne. Les détails de ma conversation avec Francesca sont un peu flous. Par contre, je me souviens précisément de ma confrontation avec David et encore plus nettement de l'intervention d'Eric. Le souvenir de notre baiser, si passionné, me provoque une poussée d'adrénaline qui m'aide à ouvrir les yeux pour de bon. 

Face à moi, les rideaux grands ouverts laissent entrer le jour par l'immense baie vitrée. Je me retourne et découvre un lit défait et une place vide à côté de moi. J'essaye tant bien que mal de me redresser mais une migraine atroce me fait gémir de douleur. Sur ma table de chevet, un réveil indique midi passé. Un grand verre d'eau à moitié rempli et un comprimé d'Efferalgan semblent avoir été posés là à mon intention. Je déchire le petit emballage et laisse le comprimé se dissoudre dans l'eau.

Dans un effort surhumain, je me lève et me dirige vers la salle de bain. Elle est tout à fait somptueuse avec sa baignoire à jets hydromassants, son immense douche à l'italienne toute vitrée et ses beaux plans de travail en marbre. Comme je m'y attendais, mon reflet dans le miroir est peu reluisant. J'observe, dépitée, mes cheveux de harpie et mon maquillage tout dégouliné. J'ai la bouche pâteuse et l'impression de sentir l'alcool à des kilomètres. 

En trainant les pieds, je retourne dans la partie nuit et bois lentement mon remède pour la gueule de bois, tout en me demandant où Eric peut bien être. Quand je repense à cette soirée, je me dis qu'il doit avoir une bien piètre opinion de moi, après m'avoir vu dans un état pareil. Pourtant, j'ai besoin de savoir si ce baiser que nous avons échangé signifiait quelque chose, ou s'il ne représentait qu'un acte de pitié envers une amie en détresse.

Je chasse ces pensées désagréables et finis mon verre d'une traite. Puis je retourne dans la salle de bain et ouvre l'eau dans la douche. Les jets brulants se déclenchent et laissent échapper des nuages de vapeur. Je me débarrasse avec bonheur de mon déguisement sale et poisseux. Sous la douche, l'eau chaude me fait un bien fou. Je me lave le visage et les cheveux de façon énergique. J'ai envie d'effacer toute trace de ce tonus catastrophique de mon esprit. Après de longues minutes, je coupe l'eau et, après m'être enroulée dans une serviette épaisse, commence à me maquiller. 

Quelques lendemains de soirée difficile m'ont appris à être prévoyante, et j'ai toujours dans mon sac à main un échantillon d'anticernes et un mini-tube de mascara. Une fois l'opération terminée, mon regard est attiré par une chaise dans le coin de la pièce. Sur le dessus se trouve une pile de vêtements soigneusement pliés et, posés sur le sommet, une brosse à dents ainsi que mon diadème, que je ne me rappelle pas avoir enlevé. Je m'en approche et découvre un simple jean, un sous-pull et un pull beige en maille torsadée. Ils semblent être à ma taille. Je me demande comment ils sont arrivés là mais je suis trop heureuse de pouvoir me changer. En plus de ces vêtements, il y a également un shorty noir à la bordure en dentelle et un soutien-gorge simple assorti. 

Étonnement, tout me va et j'apprécie vraiment de pouvoir me sentir à nouveau propre et sèche. En plus, le comprimé d'Efferalgan doit commencer à me faire de l'effet car ma migraine du réveil se dissipe peu à peu.

Quand je sors de la salle de bain, j'aperçois Eric sur la terrasse, en train d'installer sur la table en fer forgé ce qui m'a l'air d'être un petit déjeuner. À cette pensée, mon estomac se tord dans tous les sens. Je n'ai rien avalé depuis hier midi.