Chapitre 14 - Le F431 // 2

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Il fait encore nuit lorsqu'un cri déchirant me réveille en sursaut. J'ouvre les yeux, le cœur battant, sans savoir précisément où je me trouve. Les quelques braises qui survivent dans l'âtre éclairent le corps d'Eric à mes côtés, et je me rappelle tout à coup ce que je fais, couchée à même le sol. Près de moi, mon amant est en sueur, agité, et semble mener une lutte invisible dans son sommeil. Je pose une main sur son torse et le secoue aussi fort que je le peux.

— Eric ! Eric !

Il met plusieurs secondes à émerger, et encore davantage pour faire la mise au point sur mon visage au-dessus du sien.

— Sophia, articule-t-il péniblement, encore haletant.

Il se redresse d'un coup et se passe une main sur le visage en secouant la tête.

— J'ai fait un cauchemar, excuse-moi de t'avoir réveillé.

Je le dévisage, inquiète. Il ne me laisse pas le temps de poser plus de questions et se lève dans un mouvement souple. Puis il me tend une main pour m'aider à me redresser à mon tour.

— Viens, on va se recoucher.

Je le suis sans un mot jusqu'à la chambre et me glisse sans protester sous la couette moelleuse. Eric disparait dans la salle de bain et je m'endors avant qu'il ait repris sa place à mes côtés.


***


Le lendemain matin, il est déjà parti courir lorsque je me réveille. Son cauchemar de la nuit me revient en mémoire pendant que je prends ma douche et j'y pense encore devant mon petit déjeuner. Cet épisode, proche de la terreur nocturne, m'inquiète malgré moi.

Eric revient un peu plus tard. Il me rejoint dans la cuisine et m'embrasse furtivement, visiblement de bonne humeur.

— Tu as bien dormi ? demande-t-il en me caressant les cheveux.

Le col de son t-shirt est tout en sueur et se colle à son torse. Je le parcours un instant avec envie sans qu'il le remarque.

— Mieux que toi, j'ai l'impression, fais-je pendant qu'il s'assoit en face de moi et commence à étaler du beurre sur une tartine.

— Oui, désolé de t'avoir réveillé... C'était un sacré cauchemar...

Il engloutit son toast en deux bouchées et reprend une tranche de pain. Au bout d'un moment, il doit sentir mon regard peser sur lui car il s'interrompt et lève enfin les yeux vers moi.

— Quoi ? demande-t-il, comme si de rien n'était.

— Eric ! m'exclamé-je alors. C'était plus qu'un simple cauchemar ! Tu étais... terrorisé !

Il blêmit. Avant, je ne l'aurais pas remarqué, mais je le connais bien maintenant, et je sais voir quand quelque chose le met mal à l'aise.

— N'exagérons rien... tente-t-il d'éluder.

Mais je ne me satisfais pas de cette réponse fuyante. J'insiste, quitte à me montrer invasive.

— Il y avait quoi dans ce cauchemar ?

Il ne répond pas, soudain très concentré sur sa tartine.

— Eric, dis-le-moi.

J'essaie d'ignorer l'inquiétude qui me noue les entrailles. Pourtant, il n'a pas besoin de parler. Je connais déjà sa réponse. Je la connais depuis que j'ai remarqué sa façon d'être toujours en alerte, de ne jamais pouvoir se détendre complètement. Je le sais depuis que j'ai vu la panique dans ses yeux l'autre soir au restaurant, quand ce bouchon de champagne a sauté près de nous. Je l'ai deviné sans vouloir me l'avouer, à l'instant où il m'a parlé de son passé dans l'armée. Et sa réponse confirme tous mes doutes.

À toi, corps et âmeOnde histórias criam vida. Descubra agora