Chapitre 22

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Dès que j'avais posé le pied sur l'autre rive du Cours d'Argent, j'avais éprouvé un sentiment étrange, qui s'approfondissait à mesure que j'avançais dans le Naith : il me semblait avoir passé par un pont de temps dans un coin des Jours Anciens et marcher à présent dans un monde qui n'était plus. A Fondcombe, j'y avais le souvenir d'anciennes choses, dans la Lorien, les anciennes choses vivaient encore dans le monde en éveil. Le mal y avait été vu et entendu, l'affliction connue, les Elfes craignaient le monde extérieur, en lequel ils n'avaient aucune confiance: les loups hurlaient à l'orée de la forêt, mais dans la Lorien, nulle ombre ne s'étendait. Je n'en étais pas à ma première visite, mais la dernière datait de plus d'un millénaire, et de ne pas y remarquer de changement était troublant.


Toute cette journée, la Compagnie poursuivit sa marche, jusqu'à ce que la froideur du soir se fît sentir et qu'on entendît le premier vent nocturne murmurer parmi de nombreuses feuilles. Puis fut venu le temps du repos, et ils dormaient sans crainte sur le sol, car ils ne pouvaient grimper, nos guides ne nous ayant pas permis de retirer nos bandeaux. Même la vue bridée, j'aurai pour ma part pu grimper, mais pour cette fois je m'en abstins, et restais assise dos à un mallorn toute la nuit. Nous repartîmes au matin, marchant sans hâte. A midi, la troupe fit halte, et j'eus conscience que nous étions passés sous le brillant soleil.

Soudain, retentit le son de nombreuses voix autour de moi. Quelques exclamations indignées, visiblement à mon égard et à celle de Legolas probablement à cause de notre décision d'avoir les yeux bandés. Une troupe d'Elfes en marche s'était approchée en silence: ils se hâtaient vers les frontières du Nord pour les garder de toute attaque en provenance de la Moria, et ils apportaient des nouvelles, dont Haldir transmit certaines.

Les orques maraudeurs étaient tombés dans une embuscade et avaient presque tous été détruits, les autres s'étaient enfuis à l'ouest vers les montagnes, et ils étaient poursuivis. On avait vu aussi une étrange créature, qui courait le dos courbé et les mains près du sol, comme une bête, mais elle n'avait cependant pas la forme d'une bête. Elle avait évité la capture, et ils ne l'avaient pas tirée, ne sachant si elle était bonne ou mauvaise, et elle avait disparu le long du Cours d'Argent au sud.

- Ils m'apportent aussi un message du Seigneur et de la Dame des Galadhrim, dit Haldir. Vous devez tous marcher librement, même le Nain Gimli. Il paraît que la Dame sait qui et ce qu'est chaque membre de votre Compagnie. De nouveaux messages sont peut-être arrivés de Fondcombe. Il retira en premier le bandeau des yeux de Gimli:

- Mille pardons! Dit-il, s'inclinant très bas. Considérez-nous à présent d'un œil amical! Regardez et soyez heureux, car vous êtes le premier Nain à voir les arbres du Naith de Lorien depuis le Jour de Durïn !

Je dénouais moi-même mon bandeau, et levais le regard, redécouvrant après des années la douce lueur qui baignait la Lorien. Je me trouvais dans un espace découvert. A gauche s'élevait un grand tertre, couvert d'un tapis de gazon aussi vert que le printemps des temps anciens. Dessus, comme une double couronne, poussaient deux cercles d'arbres: ceux de l'extérieur avaient une écorce d'un blanc de neige, ils ne portaient pas de feuilles, mais ils étaient splendides dans leur harmonieuse nudité, les arbres de l'intérieur étaient des mallornes de grande taille, encore revêtus d'or pâle. Haut parmi les branches d'un arbre très élevé placé au centre de l'ensemble, brillait un flet blanc. Au pied des arbres et sur toutes les pentes vertes, l'herbe était parsemée de petites fleurs d'or en forme d'étoiles. Parmi elles, dansant sur de minces tiges, se voyaient d'autres fleurs, blanches ou d'un vert très pâle: elles miroitaient parmi le riche coloris de l'herbe. Au-dessus, le ciel était bleu, et le soleil de l'après-midi rayonnait sur la colline, jetant de longues ombres vertes sous les arbres.

La Guerre de l'Anneau- Quand un personnage peut changer l'histoire. T.1: PertesOnde as histórias ganham vida. Descobre agora