Chapitre 24

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Cette nuit là, la Compagnie fut de nouveau convoquée à la chambre de Celeborn, et le Seigneur et la Dame nous y accueillirent avec des mots courtois. Enfin, Celeborn parla de leur départ.

- Le moment est venu, dit-il, où ceux qui désirent poursuivre la Quête doivent endurcir leur cœur pour quitter ce pays. Ceux. Qui ne veulent pas aller plus loin peuvent rester quelque temps ici. Mais qu'il demeure ou qu'il parte, nul ne peut-être assuré de la paix. Car nous sommes arrivés maintenant au bord du destin. Ici, ceux qui désirent pourront attendre l'approche de l'heure jusqu'à ce que l'un ou l'autre des chemins du monde soit de nouveau accessible ou que nous les appelions à répondre à l'ultime nécessité de la Lorien. Ils pourront alors retourner dans leur propre pays ou aller au long séjour de ceux qui tombent au combat.

Il y eut un silence.

- Ils ont tous décidé d'aller de l'avant, dit Galadriel, scrutant leurs yeux.

- Quant à moi, dit Boromir, le chemin de chez moi est en avant, et non en arrière.

- C'est vrai, dit Celeborn, mais toute cette Compagnie doit-elle vous accompagner à Minas Tirith?

- Nous n'avons pas encore décidé de notre itinéraire, dit Aragorn. Au-delà de la Lothlorien, j'ignore ce que Gandalf avait l'intention de faire. En fait, je ne pense pas que lui-même eût aucun dessein très clair.

- Peut-être pas, dit Celeborn, mais en quittant ce pays, vous ne pourrez plus oublier le Grand Fleuve. Comme certains d'entre vous le savent bien, il n'est pas franchissable par des voyageurs avec bagages entre la Lorien et le Gondor, hormis par bateau. Et les ponts d'Osgiliath ne sont-ils pas rompus, et l'Ennemi ne tient-il pas maintenant tous les points de débarquement?

- Sur quelle rive voyagerez-vous? Le chemin de Minas Tirith se trouve de ce côté ci, à l'ouest, mais la route directe de la Quête est à l'est du Fleuve, sur le bord le plus sombre. Quel bord allez-vous prendre maintenant?

- Si l'on tient compte de mon avis, ce sera le bord ouest et le chemin de Minas Tirith, répondit Boromir. Mais je ne suis pas le chef de la Compagnie.

Les autres ne dirent rien, et Aragorn eut l'air indécis et troublé.

- Je vois que vous ne savez que faire, dit Celeborn. Il ne m'appartient pas de choisir pour vous, mais je vous aiderai comme je le pourrai. Il en est parmi vous qui savent manier une embarcation. Legolas, dont les amis connaissent la rapide Rivière de la Forêt, et Boromir de Gondor, et Aragorn le voyageur.

- Et un Hobbit! S'écria Merry. Nous ne considérons pas tous les bateaux comme des chevaux sauvages. Les miens vivent sur les rives du Brandevin.

- Voilà qui est bien, dit Celeborn. Dans ce cas, je vais pourvoir votre Compagnie d'embarcations. Il les faut petites et légères, car si vous allez loin de l'eau, il y aura des endroits où vous serez obligés de les porter. Vous arriverez aux rapides de Sarn Gebir et peut-être enfin aux grandes chutes de Rauros, où le Fleuve tombe dans un bruit de tonnerre de Nen Hithoel, et là, il y a d'autres dangers. Des embarcations rendront peut-être quelque temps votre voyage moins laborieux. Mais elles ne vous offriront pas de conseils: en fin de compte, il vous faudra les abandonner ainsi que le Fleuve pour vous tourner vers l'ouest ou l'est.

Aragorn remercia mille fois Celeborn. Le fait de ne pas avoir à décider de son chemin pendant quelques jours n'était pas la moindre raison du grand réconfort que lui apportait le don de bateaux. Les autres aussi parurent plus encouragés. Quels que fussent les périls à venir, il semblait meilleur de descendre le large cours de l'Anduin à leur rencontre que de cheminer péniblement, le dos courbé. Seul Sam restait indécis: lui du moins trouvait toujours les bateaux aussi mauvais que des chevaux sauvages, sinon pires, et ce n'étaient pas tous les dangers auxquels il avait survécu qui lui auraient donné une meilleure impression.

La Guerre de l'Anneau- Quand un personnage peut changer l'histoire. T.1: PertesWhere stories live. Discover now