Chapitre 5

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Le bébé n'est plus là... Il n'est plus là ! Elle a perdu son bébé. Au bout de dix semaines. Des saignements... Deux petits mois où l'idée s'était installée de sa venue prochaine. Mais l'échographie l'a confirmée. Une fausse couche. Elle ne le sent plus. Et c'est confirmé par le médecin. Elle n'est plus enceinte.

Comment et surtout pourquoi est-ce arrivé, à elle ? Les explications à la con de son gynéco n'y suffisent pas.

Alexia a pleuré, elle s'est effondrée dans cette chambre au retour de l'hôpital, cette chambre qui devait être l'antre de leur bonheur. Elle a cru qu'elle ne se relèverait jamais, et même sur ses pieds, le sol continuait de se dérober à elle. Elle a pleuré de toutes ses larmes et à un moment plus rien n'est sorti de ses yeux.

Son gyneco affirme que c'est "normal", que cela arrive plus souvent qu'on ne le pense. Surtout pour un premier. Oui son premier, au fil des jours elle commençait à s'habituer. Le printemps est là, et elle se disait que cet automne... Dire qu'elle s'inquiétait d'être enceinte pendant l'été ! Maintenant il n'y a même plus à pleurer. Alexia n'arrive plus à pleurer. Elle a pleurer oui, mais maintenant elle se sent sèche, vide...

Les mots rassurants de son entourage, elle ne les supporte plus. Tant de mièvreries ! Pourquoi tiennent- ils tous à la consoler ! Ce qu'elle veut est très simple. Elle veut son bébé ! Et cela, personne ne peut le lui donner. Elle est en arrêt maladie. Son médecin l'a orienté vers un psychologue... Pour le moment, Alexia ne sent pas la force d'y aller. Elle reste cloîtrée des heures, des jours dans sa chambre, recroquevillée dans son lit.

Et d'une certaine manière, la réaction de Kevin, c'est ce qui lui a fait le plus de bien. Son incapacité à aborder le sujet, juste ces quelques mots: "ça ira...", lui suffisent. Il n'en a plus parlé les jours les semaines suivantes. Elle est sensible à des petits gestes, comme préparer ses repas et lui apporter au lit, elle n'a plus la force de le faire. Ses signes d'attention sont pour Kevin sa manière à lui d'être présent.

Elle a surtout envie de silence et de calme. Et ce silence, ce calme, ce sont aussi les marqueurs de ce bébé qui ne viendra jamais au monde.

"Il y en aura d'autres.", s'entend-elle dire à maintes reprises. Peut-être, sûrement, mais Alexia pense, sans pouvoir se l'ôter de la tête : qu'ai-je fait de mal ? Est-ce ces deux trois cigarettes qu'elle a fumé la veille de son test. A-t-elle trop travaillé, trop marché durant ses heures de service ? Son docteur lui répète de ne pas culpabiliser. Cela n'a rien d'anormal et c'est même statistiquement courant lors d'une première grossesse.

Les statistiques, elles s'en fout ! Il ne semble pas non plus que tout le monde soit de l'avis du docteur.

Elle trouve odieux que sa sœur avec ce ton sentencieux qui lui appartient, lui demande si elle a bien pris toutes les précautions, si elle n'en n'a pas trop fait. En gros, c'est de ma faute, voilà comment Alexia l'interprète ainsi. Alors quand elle lui renvoie pour seule réponse ce regard qui exprime sa colère face ce qui est pour elle une accusation, Marion lui répond:

— Cela n'est pas pour te culpabiliser, tu sais. C'est surtout pour la prochaine fois.

Alexia s'en tient au silence.

— Tu sais moi aussi, j'en ai fait deux fausses couches avant d'avoir Mael.

Voilà qui est rassurant. Donc, il faudra peut-être qu'elle passe à nouveau par là. Pas sûr de son point de vue qu'elle s'en remette. De toute façon, pour le moment, elle est bien trop lasse pour penser à l'après, pour se projeter.

Elle veut juste dormir, trouver la paix. Elle n'y parvient pas, sauf quand elle parvient à un état de telle fatigue physique, que son corps n'en pouvant plus, la débranche mécaniquement. Cela ravive sur les coups de cinq ou six heures du matin. Et le reste de la journée, après être sorti du lit en milieu d'après-midi, elle ère dans l'appartement tel un zombie !

Elle a même essayé de boire pour oublier.

Un après-midi alors qu'Alexia s'est finalement décidé à sortir, elle croise sur la pas de la porte sa voisine de pallier, Agathe tout sourire qui s'en va au parc avec sa petite. Alexia n'a pas envie de sourire, elle ne le peut à peine. Mais ne rien montrer, alors elle esquisse une petite mou.

— Eh bien tu en fais une tête.

— C'est juste que je dors mal en ce moment.

— Vous avez fait des cochonneries avec Kevin lui lance-t-elle avec un sourire qui se veut complice.

Alexia esquive. Elle n'a rien confié de sa fausse-couche à cette voisine qui, derrière ses airs aimables, n'est rien d'autre que la copie conforme de sa sœur.

— Profites en tant que t'as pas de môme parce qu'après tu verras ça te paraîtra pas si drôle.

Faut-il que la torture ne s'arrête jamais ! Stop ! Lâche moi a-t-elle envie de lui balancer ! Pauvre conne murmure-t-elle dans sa barbe.

— Oui, oui elle parvient juste à marmonner.

— Bon je te laisse.

Oui c'est ça laisse moi. Laissez-moi en paix.

Kevin se montre prévenant et maladroit mais prévenant. De petits gestes qui ne lui montraient pas jusqu'à présent. Il a pris dix jours de congés pour rester auprès d'elle. Elle trouve bizarre l'expression. Les deux premiers jours, il les passent à la maison, elle dans la chambre, lui au salon devant la télévision ou sur son téléphone portable. Voyant que sa présence ne lui apporte rien de plus, il décide de passer le reste de ses congés à la salle. Rien n'y fait.

Elle en aura d'autres ne cesse-t-on de lui dire en guise de consolation. Quelle consolation ! C'est celui-là qu'elle voulait ! Pas un autre ! Son bébé.

Des heures passées au parc en bas de chez elle sur un banc, à regarder les pigeons, les enfants jouer, ce bonheur qu'elle ne connaîtra pas, ce bonheur qui se refuse à elle. Elle a envie de crier. Mais tout comme les larmes, elle n'en a pas la force. 

Toujours plus loinWhere stories live. Discover now