Chapitre 11

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Et donc, elle revient. En poussant trois jours plus tard la porte de l'auto-école, Alexia se promet de ne pas laisser ce gros connard de directeur l'empêcher d'avoir son permis ! Elle va s'accrocher, et leur montrer à tous ces mecs qu'elle peut maîtriser et conduire une moto.

Le jour de son retour, une bonne surprise l'attend: Elisabeth, dit Babeth, est présente ! Après tout c'est un peu grâce ou à cause d'elle qu'elle se retrouve ici. Babeth l'accueille avec sourire et bonne humeur, sans doute parce qu'Alexia est la seule femme de ce groupe de quatre qui s'apprête à sortir sur route.

« Alors, on m'a dit que tu avais des difficultés ! », lui glisse Babeth en rigolant. Alexia rougit et se détend.

« T'inquiète c'est un gros porc, un sale macho. Mais il n'est pas méchant ! Faut juste savoir lui rentrer dedans en retour. Ne pas se laisser faire. », ajoute la monitrice en la prenant par l'épaule.

« En attendant on va te mettre sur une 125, tu vas voir ça va rouler tout seul. Et, la route cela attendra un peu, on va reprendre du plateau », ajoute-t-elle en lui tendant les clés de sa nouvelle moto.

Ce jour-ci et les séances suivantes, Babeth est au petit soin pour Alexia, sans pour autant rien lui passer. Elle se montre exigeante, lui faisant recommencer les exercices lorsqu'elle estime que la technique n'est pas acquise. Mais Babeth possède l'autorité naturelle de ces gens qui n'ont pas besoin de hausser la voix, et qu'on a envie de suivre, toujours plus loin.

Alexia s'exécute, elle qui aime si peu qu'on la reprenne. Avec Babeth au contraire, elle a la sensation d'une attention particulière à son endroit. Elle frissonne dès que la monitrice se place derrière elle, la prenant par la taille pour lui expliquer comment bien se placer sur la moto.

Et peu à peu, sur sa petite cylindrée, Alexia commence à gagner en confiance. Elle en oublie ses appréhensions. Elle parvient à garder le regard focuse sur la route, elle comprend à présent comment prendre ses virages, à quel moment se pencher, à mieux zigzaguer entre les plots... Bref la technique commence à entrer. Et, Babeth est là qui l'encourage.

Cette complicité nouvelle entre la monitrice et son élève déborde le cadre de l'agence. Un soir après avoir fini de ranger les motos, Babeth propose à Alexia d'aller prendre un verre. Cette dernière est un peu surprise par la proposition de sa monitrice.

— Kevin m'attend, faut que je rentre.

— Eh bien, il attendra ! Et puis, t'inquiète que des softs, lui répond Babeth qui la prend par le coude et la pousse en direction de sa moto.

Elles sortent boire quelques verres, rien d'alcoolisé pour Babeth. Pour autant, il faut savoir se détendre aussi, dit-elle. Babeth l'a prise derrière elle, sur sa grosse moto puissante, bien loin de sa 125cm3. Eh bien, se dit Alexia, une femme peut aussi maîtriser un tel engin ! Un jour, ce sera peut-être moi se dit-elle aussi, quoique dubitative.

Alexia est bluffée par la confiance que dégage sa nouvelle amie. Quand cette dernière gare sa bécane, et qu'elles s'apprêtent toutes deux à s'asseoir, Alexia sent bien les regards des passants se poser sur la femme qu'est Babeth. Cette dernière ne bronche pas ; à sa place se dit Alexia "je serais déjà devenue toute rouge."

Alexia regarde Babeth avancée casque à la main, la confiance qu'elle dégage et sa sensualité la troublent.

Elles sont toutes deux assises à la terrasse d'un bar en ce début de soirée, en plein cœur du quartier Montorgueil ; une foule animée qui mêle ceux qui rentrent du travail et ceux qui commencent leur soirée. Elles restent un long moment à regarder les passants.

Puis, succédant aux questions de Alexia qui souhaite en savoir un peu plus sur elle, Babeth lui raconte les grandes lignes de son histoire. Sa passion de la moto inspirée par son père, son premier mari dont elle est séparée, qui lui offrait un train de vie très confortable, mais la délaissée voire la maltraitée. Non pas physiquement, mais par cette dépendance dans laquelle elle était tombée. Dépendance financière mais aussi psychologique dans cette manière à systématiquement référer à son "homme" pour la moindre décision.

La suite ? Babeth s'est convaincue que c'en était fini. Elle en a eu assez, elle a quitté cette vie confortable mais sous bulle, en se promettant qu'un homme n'aurait plus jamais de contrôle sur elle. Et comme il fallait bien qu'elle travaille, qu'elle était douée pour cela, elle a joint l'utile à l'agréable et a décidé de devenir monitrice moto.

—Voilà mon histoire, très banale en fait !

— Banale ! Tu plaisantes dit Alexia en avalant une gorgée de mojito. Une femme dans ce milieu de machos ça n'a rien de banal !

— Alors maintenant les hommes, personne n'a repris ton cœur ? lui demande Alexia.

— Ou les femmes ! lui répond Babeth en avalant une gorgée de son virgin mojito conduite oblige.

Alexia reste sans réponse. Consciente de l'effet produit sur cette dernière, Babeth continue :

— T'inquiète, ça n'est pas le genre qui compte pour moi mais la personne. Et je n'aime pas les étiquettes !

Le garçon vient leur demander si tout se passe bien. Il est plutôt bogosse et sûr de lui, et en profite pour leur faire de la drague. Babeth joue avec lui mais finit par le renvoyer dans ses cordes.

— Il ne te plaisait pas !

— Un p'tit con mignon, mais prétentieux. Il faut les dresser, les hommes. Ils aiment ça. On reviendra, qui sait... Let's go.

Au moment de la déposer, Kevin est au balcon, et il voit Alexia descendre de la moto, Babeth repartir sans ôter son casque. Une fois à l'intérieur Kevin se précipite sur elle :

— Je t'ai appelé plusieurs fois !

— J'avais plus de batterie.

— Pourtant ça sonnait... Et c'était qui ce mec qui t'a déposé ?

Elle sent une pointe de jalousie dans sa voix et s'en amuse.

— Quel mec ?

— La moto qui vient de partir !

— C'était pas un mec, mais une copine !

Elle part se changer pour se mettre au lit et sans dire un mot de plus. Elle est satisfaite de sa soirée.

A la différence d'un psy, rien n'oblige à prendre ses distances avec son moniteur, en l'espèce une monitrice d'auto-école ! Alors Alexia saute à nouveau le pas avec Babeth, et en cette fin de printemps, et l'été qui commence, les deux femmes se fréquentent plus régulièrement. Babeth l'amène en virée sur sa moto, elle la laisse même conduire une fois à l'entrée d'une clairière. Elles s'arrêtent à l'entrée de cette étendue de verdure au milieu de la vallée de Chevreuse. Elles sont seules, et se posent sur l'herbe, la moto à leur côté.

Elle parle avec Babeth de la perte de son enfant, de ses derniers mois difficiles, de Kevin.

— Je suis même allé voir un psy !

— Tu dis ça comme si tu avais été malade. Il n'y a rien de honteux à consulter après ce que tu as vécu.

— Ça t'es déjà arrivée ?

— De consulter ? Non, jamais.

— C'est toujours bon pour les autres, ces trucs-là. C'était bizarre d'être assise face à un inconnu et lui raconter ma vie.

— Et, si on arrêtait de parler.

Sans même lui laisser le temps, Babeth se retrouve au-dessus de Alexia allongée sur l'herbe. Les deux femmes ont leurs visages face à face, leurs yeux plongés les uns dans les autres. À peine trois petites secondes, comme pour laisser le temps à Alexia de dire non, au contraire son regard crie oui. Babeth pose ses lèvres sur celle de Alexia qui les accueille

Toujours plus loinWhere stories live. Discover now