Chapitre 4

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- Toujours à crier et à te plaindre ! C'est désespérant !

- Et toi toujours cet air énervé ! Décidément aucun de nous deux n'est là pour rattraper l'autre !

   J'entendis très nettement le bruit d'un vase se brisant en mille éclats sur le sol. La voix de ma mère retentit tel un orage : de loin, elle faisait seulement sursauter, mais, de près, notre survie dépendait de notre ingéniosité. Ou bien de la chance.

- TU NE T'OCCUPES MÊME PAS DE TA FAMILLE !

   Mon père eut le malheur de répondre par la vérité :

- Parce-que, toi, tu le fais peut-être ?

   Le cri de rage qui fendit sûrement l'air en deux résonna dans toute la maison. Il se répercuta même dans ma tête où tout ne devint que brouillard. Je décidai alors de faire abstraction des bruits provenant du salon pour ne me concentrer que sur mon dessin.

   Que dessinais-je ? Pour l'instant, il n'arborait que la forme d'un visage flou...

    Je fermai les yeux pour mieux me souvenir. Là ! Je revoyais clairement son air angoissé lorsqu'elle s'arrachait un cil. Mon crayon entama sa danse sur le papier. Il en était à sa quatrième valse lorsque l'écran de mon téléphone s'éclaira.

    Je me levai, résigné. Qui était-ce ? Sûrement Fitz. Mon meilleur ami avait su percer mon air joyeux. Il avait lu sur mon visage que je cachais ma détresse.

    Je me mis à penser à ma vie. Où me menait-elle ? Sûrement pas dans les bras du bonheur. Comment pouvoir y accéder alors que nous sommes enfoncés dans les affres du malheur ? La lumière n'éclairait plus rien et je ne pouvais la rallumer. J'avançais à tâtons dans le noir. Seul. Comme d'habitude.

    Je saisis mon téléphone et forçai les coins de mes lèvres à se lever. Même à travers un écran, je devais jouer la comédie. Je fus surpris de constater que le message ne venait pas de Fitz. Il venait de la fille de mon dessin. Sophie Foster.

    Elle avait seulement envoyé un timide «Bonjour». Pourquoi donc ? Elle ne devait pas aller bien. Nous n'envoyons pas bonjour à un inconnu lorsque la vie nous sourit. Malgré cette pensée, je ne pus m'empêcher de me dire que le sourire qui tordait mes lèvres n'était plus faux.

   Je répondis simplement :

- Bonjour. Comment vas-tu, l'arracheuse de cils ?

   Je grimaçai. On aurait dit que je me moquais d'elle. Elle dût avoir la même impression que moi car elle mit une bonne demi-heure avant de répondre. Pendant tout ce temps, je n'avais pas bougé.

- Je vais bien, monsieur pétard.

   Le surnom me prit tellement au dépourvu que j'éclatai de rire, avant de répliquer.

- Si tu viens à Foxfire la semaine prochaine, tu sauras pourquoi je tiens tant à mes pétards.

   Une seconde passa. Une inspiration et une expiration.

- Honnêtement ? Je ne crois pas avoir envie de le découvrir.

   Une autre seconde. Cette fois, je retins mon souffle.

- Dis-moi... Comment c'est, Foxfire ?

   Je grimaçai. C'était l'établissement de mon père et, à cause de cela, je nourrissais une certaine rancœur pour cette prestigieuse école. Mais je ne pouvais nier que je m'y plaisais bien. Enfin, les possibilités de tours tordus qu'elle offrait me plaisait bien.

- Drôle. Surtout avec moi comme ami.

   J'allai ajouter autre chose, quand le battant de ma porte s'ouvrit avec rage. Les cheveux en pétards et la colère teintant ses joues de rouge, ma mère s'encadra dans l'ouverture béante qui donnait sur le couloir. Je m'empressai d'éteindre mon téléphone et de le poser sur mon bureau. Ma mère vit mon manège mais ne dit rien.

- Tu veux bien te balader avec ta vieille mère, Keefe ? demanda-t-elle, ou plutôt, ordonna-t-elle.

★★★★

    Nous nous promenions dans la rue froide et puante. Un peu comme notre relation. Ma mère, à ma gauche, paraissait se concentrer sur quelque chose. Elle me prêtait si peu d'attention que j'en vins à me demander pourquoi j'étais là. Je me mis à siffler, plus de peur que d'allégresse. Je pense que la vieille femme qui passa devant moi remarqua mon désarroi. Elle planta ses yeux dans les miens, comme tentant d'y infuser un peu d'espoir. Je hochai doucement la tête. Tout allait bien. J'allais survivre à cette entrevue.

    Je sifflais encore lorsque ma mère poussa la lourde porte d'une antique boutique. Les reliefs taillés dans la pierre représentaient les divinités de la mythologie. Je restais planté devant leurs regards impériaux. Ils me regardaient comme si ils m'avaient fait cadeau d'un don que je n'avais pas daigné accepter.

    C'est seulement lorsque ma mère m'appela d'un ton sec, que j'entrai à l'intérieur de la boutique. Je m'attendais à des décorations mythiques, à des regards réprobateurs de la part des dieux ou encore à une foule de personnes venues admirer ces merveilles. Mais rien de tout cela. Seulement un miroir. Un jeune homme aux yeux bleus glaciers me contemplait. Je mis quelques temps à me rendre compte que c'était mon reflet.

    Je levai la tête, détournant mon regard du garçon dont les cernes couvraient la moitié du visage. Si c'était à ça que je ressemblais, je voulais bien croire que même un Yeti aurait détalé en courant en me voyant. Pour arranger les choses à ma façon, j'ébourriffai mes cheveux blonds.

   Ma mère se planta brutalement devant moi avant de me lever doucement le menton.

- Mon garçon, tu vas devoir faire un choix, déclara-t-elle.

★★★★

Wouah. Ça fait longtemps. Je suis désolée pour l'attente mais la rentrée a été une période plus au moins difficile pour moi.

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Blue Eyes - Une Histoire SokeefeWhere stories live. Discover now