Chapitre 6

229 11 6
                                    

   Certains disent que la vie est un long chemin parsemé d'embûches. Certains disent que l'on est maître de son destin. Je n'y croyais pas. Du moins, j'avais mon propre avis sur la question. Concernant le premier, la vie n'était pas un chemin parsemé d'embûches mais un labyrinthe où chaque tournant s'accompagnait d'une épreuve. Mais, les épreuves en question n'était sûrement pas de simples embûches, de simples difficultés à traverser. Les épreuves cherchaient à nous trouver un but. En effet, dans un labyrinthe, nous déambulons dans le but de sortir. Or, la vie, c'est légèrement différent. Le but de notre vie peut être le bonheur, l'argent, la gloire, le travail et, encore mieux, l'amour. Mais comment trouver son but lorsque nous ne suivons rien, sans le moindre doute, et sans rien pour nous faire douter ? Les épreuves sont là pour nous transformer, nous faire changer d'avis, nous aider à nous dépasser. Elles nous changeaient. Soit en bien, soit en mal. Ce dernier cas signifiait que nous n'avions pas jouer le jeu. Mais ça, c'était une autre histoire.

   Quant au fait d'être maître de son destin, je ne pouvais m'empêcher de remarquer quelque chose. Ce n'était pas nous qui choisissions les épreuves. On nous les imposait. Nous étions seulement maîtres de nos choix. De plus, si nous avions déjà un destin, comment nous en forger un nouveau ? Je préférais l'idée de milliers de directions ne se croisant jamais. Non, nous ne sommes pas maîtres de nos destins. Nous sommes maîtres de nous-mêmes, voilà tout.

   Certains trouveront des failles dans mon raisonnement. Tant mieux. Rien n'était parfait et tout le monde devait avoir son propre avis. Imaginez une seconde un monde où chacun aurait les mêmes goûts. Ce serait d'un ennui ! En plus, je n'aurais pas pu faire mes plaisanteries puisque tout le monde les aimerait. Or, mon but était de taquiner, pas de satisfaire.

   Aujourd'hui ma mère me proposait un choix. Un choix simple, de seulement deux possibilités :

- Tu dois choisir entre ton père et moi, avait-elle dit.

   Sauf que je n'étais pas un humain ordinaire qui se contentait de deux possibilités. Je me levai de la chaise sur laquelle je m'étais affalé pour réfléchir. Ma mère s'avança, sûre de mon choix. La preuve, elle me souriait, d'un sourire niais. Elle posa sa main sur mon épaule en hochant la tête.

- Je l'annoncerai à ton pè... commença-t-elle.

   Je ne la laissai pas finir.

- Je me choisis moi, déclarai-je.

   Ma mère ouvrit de grands yeux choqués. L'image me fit rire. C'était sûrement la première fois que je la surprenais. Elle bafouilla :

- Mais comment... De quoi parles-tu ? Comment peux-tu te choisir toi ? Tu veux prendre un appartement peut-être ? demanda-t-elle, hystérique.

   Je souris. Comme d'habitude.

- Presque. Tu te souviens qu'il y a une pension étudiante à Foxfire ? J'aimerais bien m'y installer.

- Si tu fais ça, c'est comme si tu choisissais ton père.

   Je levai mes épaules, sachant qu'elle ne comprendrait pas.

- Pour moi, c'est comme si je me choisissais moi. Tu m'as demandé de faire un choix, non ? Eh bien, j'ai fourni ma réponse. Réfléchis, papa et toi n'auriez plus à vous en occuper et vous pourriez vous séparer au plus tôt.

   Ce fut son tour de s'asseoir sur une chaise. Je ne pus m'empêcher de remarquer la multitude de rides qui parcouraient le visage de ma mère. Elle pinçait les lèvres, réfléchissant.

- D'accord. Tu as raison, finit-elle par lâcher.

   J'eus étrangement mal dans la poitrine. J'étais heureux d'avoir la liberté, mais le fait qu'elle ne m'aimait pas plus que ça m'attristait.

   Un silence s'installa. Long et douloureux. Finalement, ma mère partit, me disant d'aller faire un tour pour respirer le grand air. Ce que je fis.

   Je vagabondais dans la rue, m'inventant une vie dans laquelle je volais sur le dos d'une créature à moitié licorne et à moitié pégase. Elle m'aurait adulé et n'aurait fait que crier mon nom, vrillant les tympans de tous ceux capables de l'entendre. Il faudrait que je raconte ça à Fitz. Il rigolerait bien.

   Je marchais encore plus longtemps, encore plus loin, la tête baissée. Je voulais passer inaperçu. Ce qui fut un échec, puisque je rentrai dans quelqu'un. Nous tombâmes tous les deux au sol. Mes fesses me firent affreusement mal. Quelqu'un me tendit la main pour m'aider à me relever. Ce n'est qu'en la prenant que je me rendis compte que c'était celle de mon meilleur ami, Fitzounet. Un fois sur pieds, il me jeta un regard désapprobateur avant d'aider la jeune fille que j'avais bousculée. Elle aussi je la connaissais. C'était la fameuse arracheuse de cils, Sophie Foster.

   Je crois qu'elle fut surprise de me voir, au regard qu'elle me lança. Dans ce dernier, une pointe de soulagement tansparaissait, ce qui fit s' accélérer  les battements de mon cœur. Je m'empressai de m'excuser.

- Je m'excuse, Mlle Foster.

   Je crois que le «Mlle Foster» la fit rougir. Quant à moi, ça me fit tout simplement éclater de rire. Fitz tourna ses yeux bleu-vert vers moi, un sourcil arqué.

- Vous vous connaissez ? demanda-t-il.

   Nous hôchames la tête en cœur. Le visage de mon ami s'étira en un grand sourire.

- La bande s'agrandit !

- La bande s'agrandit !

Oops! This image does not follow our content guidelines. To continue publishing, please remove it or upload a different image.
Blue Eyes - Une Histoire SokeefeWhere stories live. Discover now